Les voeux traditionnels. Un discours très riche, véritable vade-mecum du "vivre ensemble dans la cité", à l'usage à la fois des citoyens, des personnes accueillies, et des autorités. Traduction. (12/1/2012)
Texte en italien: http://press.catholica.va/
Ma traduction.
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Mesdames et Messieurs,
Une fois encore, j'ai la joie de vous rencontrer au début de la nouvelle année pour le traditionnel échange des vœux...
Je désire exprimer à vous tous mes vœux fervents pour la nouvelle année, que j'étend au peuple de Rome et du Latium, particulièrement proche de moi dans mon ministère d'Evêque de Rome.
Il y a maintenant plusieurs années que le Latium ressent lui aussi les effets de la crise économique et financière qui a touché de vastes secteurs du monde et, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler, a ses racines les plus profondes dans une crise éthique. L'étymologie du mot «crise» se réfère à la dimension du «séparer» et, plus largement, de l'«estimer», du «juger» (ndt: Du latin "crisis" signifiant un "assaut", et du grec krisis au sens sens de séparer, distinguer, source). La crise actuelle, alors, peut aussi être une opportunité pour l'entière communauté de vérifier si les valeurs posées comme fondement du vivre social ont créé une société plus juste, équitable et solidaire, ou si, au contraire, il ne faut pas une profonde réflexion pour récupérer les valeurs qui sont la base d'un véritable renouveau de la société et favoriser une reprise non seulement économique, mais aussi attentive à promouvoir le bien intégral de la personne humaine.
Dans ce contexte, la communauté chrétienne est engagée dans une constante oeuvre éducative en particulier vers les nouvelles générations, afin que les valeurs qui pendant des siècles ont fait de Rome et du territoire qui l'entoure une lumière pour le monde puissent être employées, d'une manière renouvelée, comme fondement d'un avenir meilleur pour tous.
Il est important que mûrisse un humanisme renouvelé, dans lequel l'identité de l'être humain soit incluse dans la catégorie de personne. La crise actuelle, en effet, a aussi dans ses racines l'individualisme, qui obscurcit la dimension relationnelle de l'homme et l'amène à s'enfermer dans son propre petit monde, à être attentif à satisfaire avant tout des propres besoins et désirs, se souciant peu des autres.
La spéculation sur les loyers, l'insertion de plus en plus difficile dans le monde du travail pour les jeunes, la solitude de nombreuses personnes âgées, l'anonymat qui caractérise souvent la vie dans les quartiers de la ville et le regard parfois superficiel sur les situations de marginalisation et de pauvreté, ne sont-ils paas le résultat de cette mentalité?
La foi nous dit que l'homme est un être appelé à vivre dans la relation et que le «je» peut se trouver lui-même à partir d'un «tu» qui l'accepte et l'aime. Et ce «Tu», c' est avant tout Dieu, le seul capable de donner à l'homme une acceptation inconditionnelle et un amour infini, et ce sont les autres, à commencer par les plus proches.
Redécouvrir cette relationalité comme un élément constitutif de sa propre existence est la première étape pour créer une société plus humaine. Et c'est la responsabilité des institutions de favoriser la croissance de la conscience de faire partie d'une réalité unique, où chacun à l'image du corps humain, est important pour tous, comme l'a rappelé Agrippa Ménénius dans le célèbre apologue rapporté par Tite-Live dans son Histoire de Rome [ndt: « Un jour [...] les membres du corps humain, voyant que l'estomac restait oisif, séparèrent leur cause de la sienne, et lui refusèrent leur office. Mais cette conspiration les fit bientôt tomber eux-mêmes en langueur ; ils comprirent alors que l'estomac distribuait à chacun d'eux la nourriture qu'il avait reçue, et rentrèrent en grâce avec lui. Ainsi le sénat et le peuple, qui sont comme un seul corps, périssent par la désunion, et vivent pleins de force par la concorde »]
La conscience d'être un «corps» ne peut se développer que si se consolide la valeur de l'accueil, déjà profondément enracinée dans le cœurs des habitants de Rome et du Latium. Nous en avons eu une preuve récente durant les jours de la béatification de Jean Paul II: des milliers de pèlerins venus dans l'Urbe (dans la ville) ont pu vivre des jours sereins et de fraternité grâce à votre précieuse collaboration.
La Caritas diocésaine et les communautés chrétiennes ne s'épargnent dans cette oeuvre d'hospitalité, surtout envers ceux qui, venant de pays où la pauvreté est souvent cause de mort, ou les fuyant pour protéger leur propre sécurité, arrivent dans nos villes et viennent frapper à la porte de la paroisse.
Il est toutefois nécessaire d'alimenter des parcours de pleine intégration, permettant l'insertion dans le tissu social afin que tous puissent donner la richesse dont ils sont porteurs. De cette façon, chacun apprendra à sentir l'endroit où il réside, comme la «maison commune» dans laquelle vivre et et dont il faut prendre soin , dans le respect attentif et nécessaire des lois qui régissent le vivre collectif.
En même temps que l'hospitalité, doit se renforcer la valeur de la solidarité. C'est une exigence de charité et de justice que dans les moments difficiles ceux qui ont le plus de disponibilité prennent soin de ceux qui vivent dans le besoin. Aux institutions, ensuite, revient la tâche de montrer toujours plus d'attention et de soutien à ces réalités dont dépend le bien de la société.
À cet égard, un soutien particulier doit être fourni aux familles, en particulier à celles nombreuses, qui sont souvent confrontées à des difficultés, parfois rendues plus aigües par le manque ou l'insuffisance de travail. Je vous encourage à défendre la famille fondée sur le mariage comme cellule vitale de la société, y compris à travers des aides et des allègements fiscaux qui encouragent la natalité. Je vous encourage également à faire tous les efforts afin qu'à tous les noyaux familiaux soient garanties les conditions nécessaires à une vie décente.
La solidarité doit aussi être orientée vers les jeunes, les plus touchés par le manque de travail. Une société solidaire doit toujours avoir à cœur l'avenir des nouvelles générations, en préparant des politiques appropriées qui garantissent un logement à côut décent et qui fassent tout ce qui est possible pour garantir un emploi. Tout ceci est important pour éviter le risque que les jeunes ne tombent victimes d'organisations illégales, qui offrent de l'argent facile et ne respectent pas la valeur de la vie humaine.
Dans le même temps - troisième point - il est nécessaire de promouvoir une culture de la légalité, en aidant les citoyens à comprendre que les lois servent à canaliser les nombreuses énergies positives présentes dans la société et ainsi à permettre la promotion du bien commun; même les récents épisodes de violences dans le territoire (ndt: allusion aux émeutes des "indignés" à Rome, le 15 octobre 2011, voir ici: benoit-et-moi.fr/2011-III/ ) incitent à poursuivre l'engagement pour éduquer au respect de la légalité et pour protéger la sécurité.
Aux Institutions est confiée la tâche, en plus d'être exemplaires dans le respect des lois, d'édicter des mesures justes et équitables, qui tiennent compte aussi de cette loi que Dieu a inscrite dans le cœur de l'homme et qui peut être connue de tous grâce à la raison .
Illustres Autorités, les défis sont nombreux et complexes. On ne peut les gagner que dans la mesure où se renforce la conscience que le sort de chacun est lié à celui de tous. Et c'est pourquoi j'ai voulu souligner à quel point l'hospitalité, la solidarité et la légalité sont les valeurs essentielles pour regarder vers l'année qui a commencé avec plus de confiance.
Je vous assure de ma prière constante pour votre engagement envers la communauté et je vous confie à l'intercession maternelle de la Vierge Marie. Avec ces souhaits, je vous donne cordialement à vous tous ma Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers aux habitants de Rome, sa province et la région toute entière.
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