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Hier, le Saint-Père recevait les membres de l'Académie Pontificale pour la vie, réunis en Assemblée plénière. Traduction de son discours (26/2/2012)

Il y a des coïncidences où l'on peut voir des signes. En réalité, qui sont forcément des signes.
Au moment même où l'univers médiatique célébrait en grande pompe, en France, les trente ans du premier bébé éprouvette (1), et où le Professeur Frydman faisait le tour des plateaux télé et studio de radio pour s'auto-célébrer, le Saint-Père recevait les membres de l'Académie Pontificale pour la vie, réunis en Assemblée plénière.
Ma traduction de son très important discours (original ici).
Il nous renvoie aux propos du Cardinal Ratzinger, en 2000, dans le livre-interviewe avec Peter Seewald, traduit en français sous le titre "Voici quel est notre Dieu" (ed Plon/Mame) (2)

     



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
chers frères et sœurs,

Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion des travaux de la XVIIIe Assemblée générale de l'Académie pontificale pour la Vie. Je salue et remercie chacun de vous pour votre généreux service dans la défense de la vie, en particulier le président, Mgr Ignacio Carrasco de Paula, pour les paroles qu'il m'a adressées en votre nom.
La tournure que vous avez donnée à vos travaux témoigne de la confiance que l'Eglise a toujours placée dans les possibilités de la raison humaine et dans un travail scientifique conduit avec rigueur, en gardant à l'esprit l'aspect moral. Le thème que vous avez choisi cette année, "Diagnostic et traitement de l'infertilité" en plus d'avoir un rôle humain et social important, a une valeur scientifique particulière, et exprime la possibilité concrète d'un dialogue fructueux entre dimension éthique et recherche biomédicale.
Face au problème de l'infertilité du couple, en effet, vous avez choisi de rappeler et d'examiner attentivement la dimension morale, à la recherche de voies pour une évaluation diagnostique correcte et pour une thérapie qui corrige les causes de l'infertilité.
Cette approche est animée par la volonté non seulement de donner un enfant au couple, mais de restituer au couple sa fertilité et toute la dignité d'être responsable de ses propres choix en matière de reproduction, pour être des collaborateurs de Dieu dans la génération d'un nouvel être humain. La recherche d'un diagnostic et d'une thérapie représente l'approche la plus correcte scientifiquement à la question de l'infertilité, mais aussi la plus respectueuses de l'humanité intégrale de ceux qui sont impliqués. En effet, l'union de l'homme et de la femme dans cette communauté d'amour et de vie qu'est le mariage, constitue l'unique «lieu» digne pour l'appel à l'existence d'un nouvel être humain, qui est toujours un don.

C'est mon désir, par conséquent, d'encourager l'honnêteté intellectuelle de votre travail, expression d'une science qui tient éveillé l'esprit de recherche de la vérité au service du bien authentique de l'homme, et qui évite le risque d'être une pratique purement fonctionnelle. La dignité humaine et chrétienne de la procréation, en effet, ne consiste pas en un "produit", mais dans sa relation avec l'acte conjugal, expression de l'amour des époux, de leur union non seulement biologique mais aussi spirituelle. L'Instruction Donum Vitae nous rappelle à cet égard, que «par sa structure intime, l'acte conjugal, tandis qu'il unit les époux par un lien très profond, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon les lois inscrites dans l'être même de l'homme et de la femme» (n. 126). Les aspirations légitimes à la procréation du couple qui se retrouve dans un état d'infertilité doivent donc trouver, avec l'aide de la science, une réponse qui respecte pleinement leur dignité comme personnes et comme époux.

L'humilité et la précision avec lesquelles vous approndissez ces questions, considérées comme obsolètes par certains de vos collègues face à l'attrait de la technologie de la fécondation artificielle, mérite encouragement et soutien.

A l'occasion du dixième anniversaire de l'encyclique Fides et Ratio, je rappelais combien «le gain facile ou, pire encore, l'arrogance de se substituer au Créateur, jouent à tour de rôle un rôle crucial. Il s'agit d'une forme d''hybris' (ndt: démesure) de la raison, qui peut revêtir un caractère dangereux pour l'humanité elle-même » ( Discours aux participants au Congrès international organisé par l'Université Pontificale du Latran , 18 Octobre 2008).

En effet, le scientisme et la logique du profit semblent aujourd'hui dominer le domaine de l'infertilité et de la procréation humaine, en arrivant à limiter de nombreux autres domaines de recherche.

L'Église accorde beaucoup d'attention à la souffrance des couples souffrant d'infertilité, elle se soucie d'eux et, à cause de cela, encourage la recherche médicale. Cependant, la science n'est pas toujours en mesure de répondre aux désirs de tous ces couples. Je voudrais donc rappeler aux époux qui vivent la condition d'infertilité, que ce n'est pas pour cela que leur vocation matrimoniale est frustrée. Les conjoints, par leur vocation baptismale et matrimoniale, sont toujours appelés à collaborer avec Dieu dans la création d'une nouvelle humanité. La vocation à l'amour, en effet, est une vocation au don de soi et il s'agit là d'une possibilité qu'aucune condition organique ne peut empêcher. Donc, là où la science ne trouve pas de réponse, la réponse qui donne la lumière vient du Christ.

Je vous encourage vous tous réunis ici pour ces journées d'étude, et qui travaillez parfois dans un contexte médico-scientifique, où la vérité est obscurcie: continuez sur la route d'une science intellectuellement honnête et fascinée par la recherche continuelle du bien de l'homme. Dans votre parcours intellectuel, ne dédaignez pas le dialogue avec la foi. Je vous répète le vibrant appel exprimé dans l'encyclique 'Deus caritas est' : «Pour fonctionner correctement, la raison doit constamment être purifiée, car son aveuglement éthique, découlant de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui l’éblouissent, est un danger qu’on ne peut jamais totalement éliminer. [...] La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre» (n. 28).
D'autre part, c'est justement la matrice culturelle créée par le christianisme - enracinée dans l'affirmation de l'existence de la Vérité et l'intelligibilité du réel à la lumière de la Vérité suprême - qui a rendu possible dans l'Europe du Moyen-Age le développement du savoir scientifique moderne, savoir qui, dans les cultures antérieures était resté seulement en germe.

Mesdames et Messieurs les scientifiques, et vous tous membres de l'Académie, engagés à promouvoir la vie et la dignité de la personne humaine, gardez toujours à l'esprit le rôle culturel fondamental que vous tenez dans la société et l'influence que vous avez dans la formation de l'opinion publique.
Mon prédécesseur, le bienheureux Jean-Paul II a rappelé que les scientifiques, «parce qu'ils en savent plus, sont appelés à servir plus» ( Discours à l'Académie pontificale des Sciences, 11 Novembre, 2002). Les gens ont confiance en vous qui servez la vie, ont confiance dans votre engagement à soutenir ceux qui ont besoin de réconfort et d'espérance. Ne cédez jamais à la tentation de traiter le bien des gens en le réduisant à un simple problème technique! L'indifférence de la conscience envers le vrai et bon, représente une menace dangereuse pour le progrès scientifique véritable.

Je voudrais conclure en renouvelant le souhait que le Concile Vatican II a adressé aux hommes de pensée et de science: «Heureux sont ceux qui, tout en possédant la vérité, continuent à la chercher, pour la renouveler, l'approfondir, la donner à d'autres» (Message aux hommes de pensée et de Science, 8 Décembre, 1965).
C'est avec ces souhaits que je donne à tous qui êtes ici présents, et à vos proches, la Bénédiction apostolique.

Notes

(1) Lire ici:
http://www.ouest-france.fr/..
http://www.lepoint.fr/
J'achève la rédaction de cet article, et je m'aperçois (via Belgicatho...) que Jeanne Smits a eu la même réaction que moi.
C'est rassurant, d'être au moins deux à avoir raison.


(2) "Voici quel est notre Dieu", pages 93-95