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Rétrospective 2011

Dans "Voici quel est notre Dieu", en 2000, le Cardinal Ratzinger répondait aux questions de Peter Seewald. Ses propos font écho au discours prononcé le 25 février dernier devant les membres de l'Académie Pontificale pour la Vie (28/2/2012)

Je me réjouis que ce discours, qui s'adressait à un cercle restreint, ait reçu un si large écho.
Je l'avais traduit (Bébés in vitro = manipulation de la vie ), en même temps que Jeanne Smits (Titre: Le Pape rappelle que la procréation artificielle n'est pas digne de l'homme).
Depuis, il y a eu le commentaire de Massimo Introvigne (Titre: Procréation: la réponse ne vient pas de la technique), et la traduction de Zenit, qui n'a pas vu exactement la même chose (Titre: Les souffrances des couples stériles). Un titre qui pourrait tout aussi bien s'appliquer aux recherches des apprentis sorciers, et qui me surprend un peu....

Le Pape dit en effet très clairement:

(... ) le scientisme et la logique du profit semblent aujourd'hui dominer le domaine de l'infertilité et de la procréation humaine, en arrivant à limiter de nombreux autres domaines de recherche.

L'Église accorde beaucoup d'attention à la souffrance des couples souffrant d'infertilité, elle se soucie d'eux et, à cause de cela, encourage la recherche médicale. Cependant, la science n'est pas toujours en mesure de répondre aux désirs de tous ces couples.

* * *

Le discours m'avait fait immédiatement penser à un passage d'un des livres-interviewe avec Peter Seewald... mais la mémoire humaine étant ce qu'elle est (la mienne est encore passable, merci!), j'ai dû chercher un petit moment.
Je l'avais inséré à la suite de ma traduction, ce qui n'était pas une bonne idée.
Je crois qu'il mérite une place à part.
Notamment parce qu'il répond à une objection de ceux qui pourraient voir dans l'attitude de l'Eglise un refus peu généreux de ceux qui sont nés par fécondation in vitro. Bien sûr que non!
Et la réponse de Joseph Ratzinger est on ne peut plus claire.


"Voici quel est notre Dieu", pages 93-95
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Peter Seewald:
La question de la manipulation de la vie humaine est devenue urgente.

- Il est incontournable que la vie humaine doit rester ce dont on ne dispose pas. Il faut une limite à ce que nous faisons, à ce que nous pouvons, à ce que nous avons le droit de faire, d'expérimenter. L'homme n'est pas une chose à notre disposition mais chaque homme particulier représente la présence méme de Dieu dans le monde.


Peter Seewald: Il semble parfois que nous ayons déjà franchi cette limite. Avec la technique génétique est né un instrument qui met à notre disposition, pour la première fois, tout le matériel héréditaire de cette planète.
Depuis longtemps on a commencé à modifier la vie. Aujourd'hui déjà vivent des milliers, vraisemblablement des centaines de milliers d'étres humains dont la biographie n'est plus du tout liée à une rencontre sexuelle mais qui ont commencé d'exister avec la fécondation d'un ovule en dehors du corps maternel. Il y a des enfants qui ont trois mères : celle dont províent l'ovule, celle qui a porté l'embryon jusqu'à la naissance et celle qui l'élève. Certains enfants ont des pères morts bien des années avant leur naissance.
Beaucoup de choses seront possibles à l'avenir : avoir un enfant comme on le souhaite, de tel sexe, avec des yeux de telle couleur, ayant telle taille, tel poids, ou encore prolonger la vie dans un autre corps. Fin 1999, un groupe de savants a, pour la première fois, décrypté entièrement l'un des vingt-quatre chromosomes de l'homme (un des plus petits mais fournissant environ trente millions d'informations génétiques ). L'un des membres du groupe, une femme, dit à un reporter: « Eh oui, c'était déjà un travail infernal ! » Est-il possible que cette savante continue d'avoir raison ?

- Oui, malheureusement, ce pourrait être le cas. Il est nécessaire toutefois de distinguer d'abord entre ce que les hommes ont fait et ce qu'ils sont. Celui qui a accédé à la vie humaine de cette manière est un être humain que nous devons aimer et reconnaître comme tel.
Le fait que nous devions refuser cette façon de mettre des hommes au monde ne doit pas entrainer que nous stigmatisions ceux qui sont nés ainsi. Quoi qu'il en soit, nous reconnaissons en eux le mystère de l'être humain et les acceptons comme tels. Je crois que cela est très important.
Avec ce que vous venez de décrire, on s'est engagé dans une voie funeste. Dès le début, l'Église catholique avait mis en garde contre cette fagon de produire la vie humaine. Cette production se présentait d'abord dans des formes tout à fait innocentes, comme beaucoup de choses qui débutent toujours innocemment. Il s'agissait d'abord de fournir une aide à des couples sans enfant. Le problème est encore relativement simple s'il s'agit d'un couple de bonne volonté et qui peut de cette fason avoir un enfant. Mais la pente devient glissante lorsqu'on croit pouvoir forcer la nature par tous les moyens pour avoir un enfant et considérer celui-ci comme un droit. De cette manière, l'enfant est réduit à une chose que l'on possède. Il ne vient plus de la liberté du créateur, liberté qui s'exprime aussi dans l'imprévisibilité de la nature.
Il existe de nos jours un grand danger, qui se généralise, de considérer l'enfant comme un droit, comme un bien que l'on possède. En lui les parents veulent non seulement se représenter eux-mêmes, mais encore concrétiser ce qui dans leur propre vie n'a pas été réussi : par là ils veulent réellement se répéter eux-mémes et se justifier. C'est forcément une source de rébellion contre les parents. Certe rébellion plaide pour la volonté d'étre soi-méme et d'avoir son propre espace de droit.
...

Peter Seewald: Revenons à l'assemblage génétique de l'homme...

- Comme je l'ai dit, cela commence de manière anodine, altruiste, mais lorsqu'on n'accueille plus l'enfant comme un don, et qu'on veut se le faire fabriquer comme en cas de nécessité, un seuil est franchi. A la place d'un acte d'amour, est accompli un acte technique dont fait partie la fécondation in vitro. Il y a forcément des conséquences. Se pose d'abord la question : que faire avec les foetus surnuméraires qui sont des êtres humains considérés comme produits de trop.

Peter Seewald: La pratique actuelle consiste à les détruire par milliers.

- Nous voyons bien que de multiples conséquences en découlent qui, en fin de compte, modifient insensiblement la relation à l'homme. Nous ne savons pas tout ce qui peut encore arriver, à partir de quand cela arrivera et à quelle catastrophe cela conduira. Heureusement que nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c'est qu'il nous faudra nous opposer à une telle mainmise sur l'existence humaine, allant jusqu'à la manipuler et en disposer. Il ne s'agit pas d'empêcher la liberté de la recherche scientifique ou le développement des possibilités techniques mais de défendre la liberté de Dieu et la dignité de l'homme car c'est cela qui est en jeu. Celui qui est parvenu à cette conviction à partir de sa foi - mais il y a aussi beaucoup de non-chrétiens qui la partagent - a le devoir d'intervenir pour que cette frontière soit perçue et considérée comme infranchissable.