Le nid du corbeau (II)

Suite et fin de l'article de Paul Badde, dans Die Zeit (9/10/2012)

Voir aussi: Le nid du corbeau (I)

Sur le même sujet, le dernier billet de Sandro Magister: Le majordome et ses confidents. (*)

(...)

L'étrange archive-007
-------------------
Peu après, «La Stampa» de Turin parle d'une «étrange archive-007» trouvée dans son appartement, où, dans le style des services secrets, étaient rassemblés, en plus de documents secrets du Palais Apostolique, un chèque de 100.000 euros (ndt: il devait s'agir d'une photocopie, puisque le chèque, offert au Pape lors de son voyage au Mexique, pour ses oeuvres de charité, avait déjà été encaissé), une pépite d'or, un précieux Codex (en fait, une édition de l'Enéide datant du XVe siècle), des lettres de politiciens, de la correspondance entre le Pape et les cardinaux et d'innombrables documents sur la franc-maçonnerie et les différentes loges, et sur les services secrets. A cela s'ajoutent des traités sur «le christianisme et le yoga», «le yoga et le bouddhisme» ou encore des instructions sur comment cacher des fichiers jpg et de texte, et comment créer une vidéo, ou comment utiliser un téléphone cellulaire sans laisser de traces.

C'est pour cela que la police a décidé de retirer sans tarder tout le matériel de la maison - ainsi que deux valises en cuir et deux sacs en plastique remplis de lettres. En tout, cette archive inclut des centaines de milliers de documents.

La quantité de matériel était si impressionnante que l'avocate de Gabriele, Cristiana Arru, au terme de la session de la cour, a fait remarquer qu'elle voulait, par ses questions montrer aux enquêteurs que d'après elle, il était tout simplement techniquement impossible que Gabrielle ait stocké une telle quantité de matériel dans son appartement.

D'autres observateurs se posent également des questions similaires. Comment est-il possible que sa femme n'ait rien remarqué? Ni aucun de ses visiteurs? Que sa femme n'ait même pas jeté un regard sur ces montagnes de papier? Et qu'elle ne soit pas étonnée de la quantité de lecteurs USB et de cartes mémoire? Et que pensait-elle de ses «études»? Il y a beaucoup de questions.


Une prise de contact inexpliquée
--------------------------------------
Le procès a totalement négligé la façon dont a pu se nouer la relation entre Gabriele et Gianlugi Nuzzi (ndt: selon Raffaella, il y a contradiction entre ce que dit Nuzzi dans son livre, et ce qu'a affirmé Gabriele au procès, preuve que l'un - au moins - des deux a menti) auquel à Rome, on prêtait plus ou moins ouvertement, depuis l'époque de Silvio Berlusconi des contacts avec le renseignement militaire.

La caractéristique de Paolo Gabriele comme «une personne qui réfléchit beaucoup et bien, sait observer et évaluer les choses» (Ingrid Stampa) semble refléter son caractère et ses actions sous un jour plutôt romanesque. En fait, il était l'homme qui avait accès à tout le matériel classifié de l'appartement privé du pape.

Ce que Nuzzi a rassemblé dans son livre n'est rien (peanuts) comparé à ce qu'il gardait dans son appartement. Plus le procès touche à sa fin, plus les contradictions qu'il fait apparaître restent en suspens. Il est fort possible que son terme soit le commencement d'une histoire qui pourrait être beaucoup plus vaste et plus dramatique.

Note

(*) Parmi les documents trouvés par la gendarmerie du Vatican au domicile de Paolo Gabriele se trouvait aussi le "Memo IOR/AIF", annoté de la main d’Ettore Gotti Tedeschi, qui a été publié par le quotidien "Il Fatto" le 31 janvier 2012.
Ce même Gotti Tedeschi, alors président de l'Institut pour les Œuvres de Religion [IOR], la "banque" du Vatican, fut accusé de la publication de ce document confidentiel.
C’est si vrai que, parmi les neuf motifs ayant servi à justifier son éviction par le conseil de surveillance de l'Institut, le 24 mai suivant, figurait justement, par écrit, son "incapacité à fournir la moindre explication précise à propos de la diffusion de documents connus pour avoir été en possession du président".
Gotti Tedeschi a toujours rejeté cette accusation. Maintenant que les faits lui donnent raison, il serait juste que son honneur lui soit rendu.