Tour de vis sur la charité

Massimo Introvigne passe en revue le motu proprio "Le service de la charité" (4/12/2012)

Tour de vis sur la charité
Massimo Introvigne
04/12/2012
www.lanuovabq.it/
Ma traduction
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Le curé vous invite à un événement où sont vendus des cartes de Noël de l'UNICEF, sans se soucier du fait que cette organisation des Nations Unies est en faveur du contrôle des naissances et l'avortement? Au patronnage, on recueille des offrandes pour cet ordre de religieuses américaines en faveur du mariage homosexuel et de la politique pro-avortement du président Obama? Maintenant, vous pouvez répondre sans crainte d'erreur, qu'il s'agit de pratiques non-catholiques, qui sont interdites par le pape, et sur lesquelles l'évêque a le devoir de veiller. Tout cela est écrit noir sur blanc, dans le motu proprio «Sur le service de charité» de Benoît XVI, daté du 11 Novembre 2012 et publié ces derniers jours.

Depuis sa première encyclique «Deus caritas est», en 2005, le Pape avait révélé que, bien sûr, Dieu est «caritas», amour et charité, mais sur ce que fait la Caritas (ndt:en France le Secours catholique) chaque évêque dans son propre diocèse doit bien y regarder. Et que le monde de la collecte de fonds et de la charité catholique est devenue une jungle, où il est obligatoire de mettre de l'ordre avant que n'éclate le prochain scandale. Ceci se passait déjà en 2005, mais comme toujours, le Pape a parlé, et très peu lui ont donné raison. Voici donc que, sept ans après, Benoît XVI est de retour avec un motu proprio qui dicte des règles assez précises et rigoureuses sur le sujet.

Le Pape rappelle tout d'abord, en citant «Deus caritas est», que la charité est l'un des trois services de base de l'Église en même temps que la prédication, la vérité et la liturgie. Mais ces trois domaines ne doivent jamais être séparés. «La nature profonde de l'Église s'exprime dans une triple tâche: annonce de la Parole de Dieu (kerygma-martyria), célébration des Sacrements (leiturgia), ministère de la charité (diakonia). Ce sont trois tâches qui s'appellent l'une l'autre et ne peuvent pas être séparés les unes des autres».

Donc, contrairement aux organisations humanitaires génériques, celles catholiques doivent offrir «à l'homme contemporain non seulement aide matérielle, mais également réconfort et soin de l'âme». Si elles offrent seulement une aide matérielle, et oublient la bonne doctrine, peut-être font-elles encore le bien à leur manière, mais elles ne sont plus des organisations catholiques.
La «responsabilité première» et la garantie donnée aux fidèles que les organisations qui sollicitent leurs offrandes sont vraiment catholiques reviennent aux évêques. La charité, en effet, «est étroitement liée à la nature diaconale de l'Eglise et du ministère épiscopal».
Le droit canonique, jusqu'à aujourd'hui, s'est assez peu occupé de cet aspect. C'est une lacune que le nouveau motu proprio entend combler.

Quel est le critère que les évêques devraient s'appliquer? Le Pape le reprend encore à partir de «Deus Caritas Est»: «dans l'activité caritative, les nombreuses organisations catholiques ne doivent pas se limiter à une simple collecte ou distribution de fonds, mais elles doivent toujours avoir une attention particulière à la personne qui est dans le besoin et mener également un rôle pédagogique précieux dans la communauté chrétienne », annonçant systématiquement la foi et la bonne doctrine. «L'activité caritative de l'Eglise, en effet, à tous les niveaux, doit éviter le risque de dissolution dans l'organisation commune de l'assistance, en en devenant une simple variante».

A côté de la Caritas diocésaine et des institutions similaires, expression officielle de l'Eglise dont les évêques sont directement responsables, il existe aujourd'hui de nombreuses organisations qui sont le résultat de la liberté d'association que le Concile Vatican II reconnaît aux laïcs, et dont les prélats doivent respecter la «légitime autonomie». Toutefois, si ces associations laïques se présentent comme catholiques ou requièrent et obtiennent le soutien des évêques et des prêtres, alors «il faut garantir que leur gestion est effectuée conformément aux exigences de l'enseignement de l'Eglise et aux intentions des fidèles, et qu'elles respectent également les normes légitimes des autorités civiles».
Ainsi, la vigilence de l'évêque doit là aussi s'exercer, pour éviter d'abord que - par malice ou par inexpérience - la violation des lois civiles, ne donne lieu à des scandales qui affectent l'image de l'Eglise, et d'autre part pour que ne soient pas présentés aux fidèles comme catholiques des organisations dont les idées et les publications sont contraires à la doctrine catholique - chose qui se produit aujourd'hui le plus souvent sur le terrain des principes que le Pape qualifie de non négociables et qui concernent la vie et la famille.

Le motu proprio prévoit que , si une association ou un fondation caritative librement promue par des fidèles catholiques sollicite des aides en se déclarant catholique ou en se présentant dans les paroisses, elle doit «soumettre ses propres statuts à l'approbation de l'autorité ecclésiastique compétente et se conformer aux règles» du nouveau document. Ceci s'applique également aux associations et fondations soutenues par des ordres religieux.
Le document tient compte du fait qu'aujourd'hui, on ne peut considérer comme acquis qu'une oeuvre de bienfaisance promue tant par des laïcs, que par des religieux ou des soeurs, respecte toujours la bonne doctrine. Ces associations, comme toutes les autres «sont tenues à suivre dans leur activité les principes catholiques, et ne peuvent accepter d'engagements qui, d'une façon ou d'une autre, pourraient affecter le respect de ces principes».

«Un organisme de bienfaisance ne peut utiliser le nom de "catholique" qu'avec le consentement écrit de l'autorité compétente», qui devra en évaluer la doctrine et pas seulement l'origine. «Il reviendra aux Évêques diocésains respectifs de veiller» et aussi de prévenir d'éventuelles violations de la loi des États.
Il y a plus. Une fois approuvés par l'évêque, les organismes de bienfaisance qui se présentent comme catholiques ou demandent de l'aide aux paroisses «sont tenus de choisir leurs opérateurs parmi les personnes qui partagent, ou du moins respectent, l'identité catholique de ces oeuvres». Non seulement une organisation caritative catholique ne peut pas être pro-avortement ou distribuer des contraceptifs en Afrique - cela semble évident, mais cela ne l'est malheureusement pas - mais elle ne peut pas non plus recruter du personnel, même qualifié sur le plan professionnel, mais connu pour ses positions en faveur de l'avortement ou la pilule contraceptives. «Il est du devoir de l'évêque diocésain et des pasteurs respectifs d'éviter dans cette affaire que les fidèles puissent être induits en erreur ou malentendus, de sorte qu'ils devront empêcher qu'à travers les structures diocésaines ou paroissiales, de la publicité soit donnée à des initiatives qui, tout en se présentant avec des finalités de charité, proposent des choix ou des méthodes contraires à l'enseignement de l'Eglise».

L'évêque ne peut pas se désintéresser de ces questions. Avec le motu proprio, il devient directement responsable du fait que les dons recueillis à travers la paroisse ou le diocèse sont utilisés aux fins pour lesquelles ils ont été indiqués aux fidèles, et doit également veiller à ce que les organisations catholiques approuvées «ne soient pas financées par des organismes ou des institutions qui poursuivent des buts contraires à la doctrine de l'Eglise. De même, pour éviter le scandale pour les fidèles, l'Évêque diocésain doit éviter ce que les organismes caritatifs n'acceptent des contributions pour des activités qui, dans le but ou les moyens pour les atteindre, ne correspondent pas à la doctrine de l'Eglise».
L'exemple de la distribution de contraceptifs en Afrique ou ailleurs, ou le soutien à des hôpitaux où des avortements sont pratiqués, correspond à des cas concrets et vient immédiatement à l'esprit.

Le Pape connaît certainement aussi l'abondante littérature qui illustre comment - même quand les organisations caritatives sont gérées de manière absolument honnête - seul un pourcentage minoritaire des fonds collectés parvient aux destinataires destinataires indiqués aux donateurs parce que la majorité de l'argent est utilisé pour couvrir les frais de gestion, les salaires et les campagnes publicitaires. D'où la recommandation que, quand il s'agit d'organisations catholiques, «l'évêque prenne soin que la gestion des initiatives dépendant de lui, témoigne de la sobriété chrétienne. Pour ce faire, il veillera à ce que les salaires et les dépenses de gestion, tout en répondant aux exigences de la justice et aux nécessaires profils professionnels, soient dûment proportionnés aux dépenses analogues de leur propre curie diocésaine»; où, comme ont le sait, les salaires en cours sont très modestes.

Que doit faire l'évêque si un organisme qui se dit catholique ne respecte pas la doctrine proposée par le Magistère? Peut-il se contenter de le réprimander doucement dans les coulisses? Pas vraiment, dit le Pape: «L'Évêque diocésain est tenu, le cas échéant, de rendre publique aux fidèles que l'activité d'une organisation caritative particulière ne remplit plus les conditions de l'enseignement de l'Eglise, interdisant l'utilisation du nom «catholique» et adoptant les mesures nécessaires dans les cas de responsabilité personnelle». En bref, l'évêque a «le devoir» - et pas seulement le droit - de «veiller à ce que les activités menées dans son propre diocèse soient effectuées en conformité avec la discipline ecclésiastique, les prohibant ou adoptant toutes les mesures nécessaires en cas de non-respect».

La clause d'autorité ajoutée par Benoît XVI pour le motu proprio - «J’ordonne que, tout ce que j’ai décidé en cette Lettre apostolique en forme de Motu Proprio, soit observé en toutes ses parties, nonobstant toute chose contraire, même si elle est digne de mention spéciale, et je décide qu’il soit promulgué par la publication dans le quotidien « L’Osservatore Romano », entrant en vigueur le 10 décembre 2012» - exclut qu'il s'agisse de simples conseils. Ce sont des normes canoniques qui doivent être observées.
Lors de la prochaine collecte de fonds dans la paroisse pour des organismes de bienfaisance - peu importe qu'elle soit promue par des prêtres ou des ordres religieux - favorables à la contraception ou à l'avortement, ou qui prennent parti en politique de manière non conforme à la doctrine sociale de l'Eglise, les fidèles auront un vrai droit de demander que ces activités cessent immédiatement et de s'adresser l'évêque afin que les normes du Motu Proprio sont immédiatement appliquées.