Florence Cassez

Un grand moment de communion (ou de sidération) nationale. N'impliquons pas le Pape, SVP (24/1/2013, mise à jour le 28/1)

Mise à jour du 28/1

Réponse d'une "ultra-papiste":

Règle d'or d'une information honnête (et donc s'appliquant à tous ceux qui se réclament du christianisme): ne rien affirmer dont on ne puisse citer la source. Internet, qui est souvent aussi un véhicule du mal, est si l'on peut dire, fait sur mesure pour cela. Les adresses des pages sont précédés de l'acronyme "http" qui signifie "hypertext transfer protocol" et qui permet en particulier d'échanger des "liens".

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Je lis peu La Croix, encore moins Le Monde et Libération, il ne me paraît pas que ces journaux soient des sources plus fiables que le blog de Z ou le site de Y pour connaître l'activité du Saint-Père et surtout en voir tracé un portrait honnête.
Cela ne m'a pas empêché de suivre très minutieusement le voyage du Pape au Mexique au printemps dernier, et ces pages (http://benoit-et-moi.fr/2012-I) en sont le témoignage.
Il avait été, c'est vrai, précédé dans la presse française, d'un agaçant tintamarre médiatique autour d'une intervention attendue de sa part en faveur de Florence Cassez, comme s'il n'y allait que pour cela (le reste du voyage avait fait l'objet d'un silence assourdissant, à l'exception de la rencontre avec Fidel Castro, plus tard, à Cuba). Un tintamarre qui s'était soldé par un certain dépit, puisque dans la foulée, l'un des journaux qui avaient propagé cette rumeur titrait méchamment (JDD):
Florence Cassez: Le Vatican a échoué.

Selon mon expérience, le Pape n'intervient pas directement dans les situations politiques des pays qu'il visite - et ses discours se placent systématiquement à un niveau plus haut que le contingent. Et s'il intervenait, pour des raisons que nous n'avons pas à connaître, il n'en informerait certes pas les medias: la diplomatie ne se fait pas sur la place publique; et le Mexique (ou d'autres pays) étant encore un pays souverain, ce serait une goujaterie inconcevable envers ses hôtes de la part de l'authentique gentilhomme qu'il est!
Il n'a été dit nulle part dans la presse, à l'époque du voyage, qu'il était effectivement intervenu auprès des autorités pour F. Cassez. Et ce n'est pas parce que c'est écrit aujourd'hui dans les journaux mentionnés plus hauts - dont deux au moins peu réputés pour défendre la papauté - que c'est vrai. Et si c'est vrai, ce n'était pas destiné à la publicité, surtout en faveur d'un cas précis, alors que tant d'autres gens sont sans doute les victimes d'une justice (peut-être) gangrenée, et que de nombreux français sont détenus dans des prisons étrangères, non moins "méritants" que la même Cassez.

Par contre, ce que l'on sait de façon certaine, c'est qu'il a rencontré les victimes des narco-trafiquants (ce qui est une démarche bien différente - je dirais même diamétralement opposée).

Giacomo Galeazzi, l'envoyé spécial de La Stampa à la suite du Pape racontait la scène:

Intense et touchante a été la rencontre du Pape avec les familles des victimes des "narcos".
Tout le monde avait une histoire à raconter....
(cf. http://benoit-et-moi.fr/2012-I/0455009fcb0e2340d/045500a0211313337.html).

Bref, l'intervention du Pape en faveur de Florence Cassez me fait penser à un autre épisode déplaisant: rencontrant le premier ministre turc Erdogan entre deux portes à l'aéroport d'Ankara en novembre 2006, le Saint-Père lui aurait donné son feu vert pour l'entrée de la Turquie dans l'UE. Ce mensonge grossier et évident, est pourtant devenu une vérité, et même une page d'histoire, pour de nombreux sites.

Maintenant, à l'heure où il y a littéralement "le feu à la maison", est-ce vraiment le moment, pour les catholiques, de discuter du sexe des anges - ici de se déchirer autour de cette question finalement mineure (à moins de souhaiter effectivement la division).
Il y a mieux et plus important à dire, et surtout à faire.
Le pape bataille jour après jour avec passion dans la dénonciation des attaques, sans précédent dans l'histoire, à la nature même de l'homme à travers l'idéologie du genre (qui se traduit en ce moment chez nous par le "mariage pour tous"), et c'est certainement un enjeu infiniment plus crucial que le dysfonctionnement probable de la justice mexicaine (ou d'ailleurs... quid de l'italienne? et de la française?) et les droits de Florence Cassez.

Mise à jour du 25/1

A propos des medias, du soutien de l'Eglise, etc..
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Je me doute que mon opinion sur la libération de Florence Cassez, et surtout son traitement en France, n'intéresse pas grand monde, mais comme j'ai la chance de disposer d'une petite tribune ici, je vais quand même la donner! Peut-être certains s'y reconnaîtront-ils, et peut-être se sentiront-ils moins seuls, même si j'ai bien conscience qu'il ne s'agit que de lieux communs (lieux communs contre lieux communs: pourquoi pas ceux-là?).

En suivant les medias (surtout audiovisuels) hier, j'ai repensé à une réflexion de Robi Ronza que j'ai traduite récemment, et que j'aurais pu appeler "le temps de la mire" (cf. La télévision et la liberté). Le journaliste italien traitait spécifiquement de l'annonce d'une catastrophe, mais ses propos collent bien à la situation qui nous occupe ici (au désespoir près, encore que...):
Les auditeurs de la radio, les téléspectateurs sont considérés et traités non comme des personnes , mais comme des sacs vides à remplir d'émotions par ailleurs de courte durée dont le «précipité» est un désespoir sceptique et impuissant envers la réalité et le monde dans lequel nous vivons.

Comme tous les épisodes surmédiatisés (on a connu l'otage des FARC, hypermédiatisée durant toute sa captivité, Ingrid Betancourt, libérée à grand fracas - depuis lors, on n'entend plus beaucoup parler des FARC, c'est curieux... les otages auraient-ils tous été libérés?) qui permettent aux journalistes de se livrer à leur (non) activité préférée - le remplissage - le "soufflé Cassez" va retomber très vite, avec peut-être une tentative de percée dans le domaine éditorial. Pas forcément couronnée de succès, il y a tellement de livres qui passent deux semaines sur les gondoles des grandes surfaces avant de finir au pilon. C'est le contre-coup de l'info 24 heurs sur 24, les gens se lassent très vite, et beaucoup ont suffisamment de bon sens pour ne pas être dupes.
Il n'en reste pas moins que le traitement qui lui a été réservé est révoltant. Dans le meilleur des cas, elle n'a rien fait d'héroïque, elle n'a sauvé personne. Rien de toutes façons qui justifie qu'elle soit reçue en urgence par le président de la république, même pas son "innocence", puisque les prisons, on le sait, sont remplies d'"innocents". C'est un nouvel exemple de l'inversion des valeurs qui jour après jour fait monter la température dans la casserole de la grenouille. Il suffit de voir la différence de traitement avec le rapatriement du corps de Yann Desjeux, otage tué en Algérie, dont nous parlions hier (voir notes ci-dessous).
Que ce soit bien clair: à titre personnel, Florence Cassez m'indiffère. Mettons que, pour nos critères français (mais on n'est pas obligés d'être d'accord), huit ans de prison, c'est suffisamment payé pour ce qu'elle a éventuellement fait, et je pense que certains assassins, en France, n'en font pas plus.
Ce qui me fait bondir, c'est la prétendue implication de l'Eglise - une implication dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'avait pas un caractère d'unanimité, comme le prouve l'article traduit hier par Carlota: un témoignage mexicain - et, partant, du Pape. Et surtout, que l'on ose mettre en balance les "principes non négociables" de Benoît XVI et les droits éventuellement bafoués de Florence Cassez.

A propos du soutien de l'Eglise, corroboré par la section française de radio Vatican (laquelle cite aussi très élogieusement Christine Pedotti, c'est donc une référence... toute relative) [*], Carlota note qu'elle n'est pas sans risque: Insister sur le soutien de l'Eglise à Cassez, c'est grave car cela peut faire penser aux Mexicains que l'Eglise soutient les puissants et les privilégiés d'un système gangréné.... Et quand on sait la progression des églises protestantes et des sectes, en plus du laïcisme, comme en France, d'une certaine classe politique, on peut se dire que mettre en avant le soutien de l'Eglise pourrait bien être, finalement, contre-productif pour elle...

En effet, et pour autant que les brèves réactions entendues hier soir, au journal de France 3 soient représentatives, l'"homme de la rue", au Mexique, est très remonté contre la décision de la Cour Suprême, et risque donc de trouver déplacée l'ingérence de l'Eglise, à l'inverse très appréciée dans ce cas précis, des medias qui, sur la plupart des autres sujets, la dénoncent à cor et à cris.
Mais, on le sait, le peuple a tendance à mal penser.
Heureusement, les médias veillent!


[*] L'Eglise catholique mexicaine avait dénoncé publiquement les violations des droits de Florence Cassez, lors d'une conférence de presse organisée par l'ONG de défense des droits de l'homme le Centro de derechos humanos Fray Francisco Victoria.
Une ONG, tiens tiens... Carlota me dit qu'elle a pignon sur rue, ayant été citée en 2009 sur le portail du Réseau Voltaire (http://www.voltairenet.org/article162576.html ). L'Eglise au Mexique aurait-elle de drôles de fréquentations?

     

La France est en guerre au Mali. La situation économique du pays est tout simplement le bord de la faillite.
Mais il paraît que LA question que se posent aujourd'hui les français est: "à qui (lire: des deux derniers présidents de la république française) doit-on la faveur de la libération de Florence Cassez?"
Une question bien sûre accompagnée de l'habituelle admonestation: pas de récupération politique.

Mais la question que devraient surtout se poser les français, c'est celle-là: QUI est Florence Cassez? Pourquoi en parle-t-on autant? Qu'a-t-elle fait pour notre pays, qui lui vale l'honneur d'être reçue à Roissy comme un chef d'état?
Pourquoi, dans son comité de soutien, voit-on au premier rang le nom de Jean-Luc Roméro?

Je renvoie mes lecteurs à ce "petit rappel" d'Yves Daoudal: http://yvesdaoudal.hautetfort.com/.

Et surtout, je veux dire ma stupéfaction en lisant le blog de Patrice de Plunkett (j'espère qu'il ne va pas profiter d'une tribune de l'OR pour répandre ce mensonge!!) qui ose écrire que la libération de Florence Cassez est une victoire de l'Eglise, et qui ose surtout mettre en balance le sort de Florence Cassez et les principes non négociables si chers à Benoît XVI:

Pour cette oeuvre de justice, l'Eglise n'a pas hésité à prendre le contrepied du président Calderon, pourtant catholique, pro-life et anti-mariage gay. On peut avoir des positions honnêtes sur certains points, et violer sur d'autres points les droits humains élémentaires ; mais c'est une attitude inqualifiable.
N'ayons donc pas d'oeillères. Ne faisons pas comme la droite religieuse US, qui nie une nécessité au nom d'une autre nécessité.
Les points non-négociables ne doivent pas boucher l'horizon : certes ils sont non-négociables, mais la justice l'est aussi, et dans tous les domaines. L'Evangile le veut. Donc l'Eglise livre tous les combats que l'évangile lui indique. Elle ne réduit pas pharisaïquement le champ de ses préoccupations : le catholique ne dit pas "ou bien... ou bien", il dit : "et... et". Ca lui crée beaucoup de sujets d'intervention ? Il est là pour ça.

Sans compter que je n'ai lu nulle part que les parents Cassez avaient été reçus par le Pape (info reprise de façon erronée, ou abusive, d'un article de la Croix). Evidemment, je suis loin de tout savoir... mais je ne suis pas la seule: et j'évite d'affirmer des vérité douteuses sans citer mes sources.

Un tel degré de désinformation me laisse presque sans voix!!!

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Notes additives

1. Il convient de garder présent à l'esprit le contexte politique au Mexique.
Le nouveau président, Enrique Peña Nieto est issu du parti révolutionnaire institutionnel (PRI, celui de l'époque des anticristeros, cf. Mais qui sont les cristeros? ) qui a eu la majorité absolue au parlement mexicain de 1929 à 1989, puis à part quelques intermédes, la majorité avec des petits partis. Les présidents mexicains ont été du PRI de 1929 à 2000 et de nouveau avec Peña Nieto depuis 2012. La libération de Cassez, c'est simplement un acte politique du nouveau président mexicain
(Carlota)

2. A propos de l'affaire Cassez, je viens de retrouver cette analyse du très clairvoyant et très subtil Aymeric Chauprade datant d'il y a deux ans:
www.realpolitik.tv/2011/02/affaire-cassez-halte-a-la-diplomatie-emotionnelle/

3. Ce site met en parallèle deux faits qui, placés côte à côte, sont particulièrement choquants: Florence Cassez et le corps de Yann Desjeux, otage tué en Algérie, sont arrivés au même moment à Roissy. L’une a été accueillie en grande pompe, l’autre en catimini..

Le corps de Yann Desjeux, l’otage français tué lors de l’assaut par l’armée algérienne pour libérer les personnes retenues sur un site gazier du Sahara, est arrivé jeudi matin à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. La dépouille a été accueillie par la famille du défunt, âgé de 52 ans, lors d’une cérémonie intime à laquelle a assisté la ministre déléguée des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret, animée par l’aumônier catholique de l’aéroport. Le corps a ensuite été escorté par les proches du défunt jusqu’à un corbillard, sur les pistes.