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L'obsession de la comparaison

Le site Radio Vatican « fustige » les nostalgiques de Benoît XVI… tout en tombant lui-même dans les travers qu’il prétend dénoncer (24/8/2013)

Bien entendu, ce n'est pas
Guzmàn Carriquiry qui s'exprime ici, mais Radio Vatican.
Et bien entendu aussi, cela me serait parfaitement indifférent si je ne tenais pas ce site depuis sept ans aujourd'hui. Et donc, je me sens visée.


>>> Photo ci-contre sur RV (1)

Dans un article daté du 22/8 de la version en Français de Radio Vatican, un certain Guzmàn Carriquiry (laïc uruguayen secrétaire de la Commission pontificale pour l’Amérique latine - poste qui lui a été confié par Benoît XVI), s'exprimant lors du Meeting de Rimini de C&L « déplore(rait) la tentation largement répandue de comparer sans cesse le pape François et on prédécesseur Benoît XVI ». (*)
Sur ce point, je ne le contredirai pas, précisant juste que ladite comparaison (dont l'article est une parfaite illustration, comme on va le voir) est systématiquement « entre les lignes »: Benoît XVI est très rarement cité - on fait juste sentir, en passant, que sous François, tout est bien (sous-entendu: mieux qu'avant).

Du reste, Guzmàn Carriquiry lui-même (?) le confirme d'emblée, puisqu'après avoir admis le « Chemin de Croix enduré par Benoît XVI » (et comment! mais il se garde bien de dénoncer ceux qui ont fait de son Pontificat ce "Chemin de croix"), il affirme qu' « on assiste à une explosion de joie inattendue qui pourrait ramener au bercail de nombreux catholiques qui s’étaient éloignés de l’Eglise ».
Air connu!
Et il « fustige ( !!!) aussi bien les nostalgiques du pontificat précédent que ceux qui exaltent le pape actuel pour dénigrer Benoît XVI ».

Sans parler du caractère violent et insultant du verbe « fustiger » utilisé ici, qu’on me permette de dire que Guzmàn Carriquiry (ou plutôt, l’auteur de l’article, qui évidemment fait passer ses idées à travers lui) se moque du monde!
D'abord, je ne vois pas à quel titre on interdirait aux nostalgiques de Benoît XVI de s'exprimer. Seraient-ils les seuls à être exclus de la sacro-sainte "liberté d'expression" pourtant réclamée à cor et à cri par tous les donneurs de leçons? Les nostalgiques en question écrivent ce qu'ils veulent, et ceux qui n'aiment pas ne sont pas obligés de les lire, la Toile est peuplée de sites vertueux.

Par ailleurs, durant tout le Pontificat de Benoît XVI, on n'a pas cessé de le comparer à son "géant" de prédécesseur, à son désavantage, et il n'a pas cessé d'être insulté, et pourtant, je n'ai guère entendu "la voix du Pape" s'en plaindre. La même "voix du Pape" qui, pendant cette période, n'a pas toujours résisté à la tentation de donner la parole à ses ennemis (exemple ici).

Mais surtout, mettre sur le même plan «les nostalgiques du pontificat précédent» et «ceux qui exaltent le pape actuel pour dénigrer Benoît XVI» , c'est un peu comme comparer la Chine et la Principauté de Monaco!!
Depuis le 13 mars, les médias sont unanimes à encenser François, il est même cité comme "homme de l'année" par "Vanity Fair", et reçoit les éloges de "people" comme Karl Lagerfeld et Elton John; le plus banal de ses gestes est rapporté pieusement par des journalistes touchés par la grâce, comme si chacun de leurs articles étaient devenues des pages d'une notice hagiographique et l'opinion lui est totalement acquise. A les entendre, les catholiques sont enthousiastes, la Place Saint-Pierre n'a jamais connu une telle affluence, les marchands d'objets-souvenirs ont vu leur chiffre d'affaires exploser, les églises se remplissent, et les files s'allongent devant les confessionnaux.
D'ailleurs, un peu plus loin, Carriquiry (enfin, le journaliste anonyme de RV...) rappelle les propos du Cardinal Ouellet, selon lequel « le pape François est une grande bénédiction pour l’Eglise qui avait besoin d’un pasteur vraiment proche de son peuple »: là encore, Benoît XVI n'est pas cité dans l’article de RV (2), mais il est suggéré qu'avec François, c'est mieux. Le cardinal entrerait-il dans la catégorie, dénoncée pourtant hypocritement dans l'article de « ceux qui exaltent le pape actuel pour dénigrer Benoît XVI »?

On peut alors se demander si Carriquiry (même remarque) n'a pas des hallucinations visuelles ou auditives.
Où les a-t-il vus, ces nostalgiques de Benoît XVI, prétendus si bruyants qu'il faut les "fustiger" pour les faire taire? Il est sous les yeux de chacun qu'ils ont pratiquement disparu des blogs; ils n'ont aucun accès aux médias, ils n’osent rien dire, et ils rasent les murs, comme s'ils étaient des pestiférés, car ils ont peur de s'attirer l'oppobre unanime, d'un bout à l'autre de l'échiquier religieux, et même médiatique. Il n'est jamais facile d'aller "à contre-courant", comme le répète constamment le Pape lui-même.

Carriquiry poursui(vrai)t: « La Providence (ndlr: tiens ! je croyais que c'était l'Esprit Saint) - choisit les hommes dont l’Eglise a besoin à tel moment précis de son histoire ».
La Providence a bon dos...
Et il se dit convaincu que « Benoît XVI est heureux que son successeur bouscule l’apparat et la pompe vaticane ». Passons sur "la pompe" vaticane"... qui n'est rien d'autre que l'héritage de 20 siècles d'histoire. Mais c'est fou ce que les gens parlent au nom de Benoît XVI - un exercice sans risque, il n’y a ni démenti ni mise au point.
L'aurait-il rencontré, et lui aurait-il posé la question?
Et si Benoît XVI est si "heureux" des entorses à l'étiquette de son successeur, on peut se demander pourquoi lui-même n’en a faite aucune en huit ans.
Enfin, interrogé à propos de la réforme de la Curie, Guzmàn Carriquiry affirme que « le pape François est en train de faire ce que l’évêque émérite (3) aurait voulu mais n’a pas pu faire ».
Là encore, est-il dans les confidences du Pape Emérite?

Le reste de l'article (ici) est de la même eau, illustration parfaite de ce qu'il prétend dénoncer. Le tout serait parfaitement insignifiant, s'il n'était issu de l'un des médias officiels du Vatican.
Et bien entendu, cela me serait parfaitement indifférent si je ne tenais pas ce site depuis sept ans aujourd'hui.

Décidément, ce genre de plaidoyer, s'il est blessant pour Benoît XVI et ceux qui ne l'on pas oublié, ne sert pas le Pape François. C'est même totalement contre-productif.
A vouloir trop bien faire...

Notes

(1) La photo désormais célèbre qui illustre l’article est accompagnée d’une légende qui est elle-même tout un programme:
(Photo : Accolade fraternelle et chaleureuse entre le pape François et le pape émérite Benoît XVI le 5 juillet dernier, à l'occasion de la consécration du Vatican à St Michel-Archange, dans les jardins du Vatican)

(2) En réalité, Ouellet écrivait que son pontificat était « plus distant », cf. Opinion publiée

(3) Sic ! Voilà Benoît XVI rétrogradé au rang de simple évêque émérite

* * *

>>> Haut de page

Mise au point ultérieure grâce à Carlota

(*) Guzmàn Carriquiry est très probablement instrumentalisé par l'auteur de l'article, qui a extrait une phrase de son discours pour conforter sa thèse, et je ne veux pas être injuste envers lui.
Carlota me dit qu'il a toujours défendu la vie.
C'est d'autant plus grave pour la rédaction de Radio Vatican.