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Le magistère de Benoît et les migrants

Au cours de son pontificat, Benoît XVI n'a pas accompli de geste à grand spectacle comme celui de François hier à Lampedusa, mais il a à de multiples reprises témoigné de sa sollicitude envers les migrants. Sans moralisme, sans repentance. Et surtout, il a cherché à identifier les causes, insistant sur "le droit à ne pas émigrer". Rappels (9/7/2013)

Image ici: benoit-et-moi.fr/2011-I

Bien entendu, tout a été oublié par les medias, qui n'en pipent mot, et s'extasient avec une touchante unanimité sur le geste révolutionnaire (il l'est sans doute... mais un Pape peut-il accomplir des gestes "révolutionnaires"?) du "Pape des pauvres".

On trouvera l'essentiel du magistère de Benoît XVI sur le sujet dans les «Messages pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés» (http://www.vatican.va). Et bien sûr dans la grande encyclique sociale Caritas in Veritate.

Ci-dessous: Angelus du 4/12/2011

     

«Migrations : pèlerinage de foi et d’espérance»
(message 2013)

Certes, chaque État a le droit de réguler les flux migratoires et de mettre en œuvre des politiques dictées par les exigences générales du bien commun, mais toujours en garantissant le respect de la dignité de chaque personne humaine. Le droit de la personne à émigrer – comme le rappelle la Constitution conciliaire Gaudium et spes au n. 65 - est inscrit au nombre des droits humains fondamentaux, avec la faculté pour chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun pour une meilleure réalisation de ses capacités, de ses aspirations et de ses projets.
Dans le contexte sociopolitique actuel, cependant, avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre, répétant avec le Bienheureux Jean-Paul II que « le droit primordial de l’homme est de vivre dans sa patrie : droit qui ne devient toutefois effectif que si l’on tient constamment sous contrôle les facteurs qui poussent à l’émigration » (Discours au IVe Congrès mondial des Migrations, 1998). Aujourd’hui, en effet, nous voyons que de nombreuses migrations sont la conséquence d’une précarité économique, d’un manque de biens essentiels, de catastrophes naturelles, de guerres et de désordres sociaux. A la place d’une pérégrination animée par la confiance, par la foi et par l’espérance, migrer devient alors un « calvaire » pour survivre, où des hommes et des femmes apparaissent davantage comme des victimes que comme des acteurs et des responsables de leur aventure migratoire. Ainsi, alors que certains migrants atteignent une bonne position et vivent de façon digne, en s’intégrant correctement dans le milieu d’accueil, beaucoup d’autres vivent dans des conditions de marginalité et, parfois, d’exploitation et de privation de leurs droits humains fondamentaux, ou encore adoptent des comportements nuisibles à la société au sein de laquelle ils vivent. Le chemin d’intégration comprend des droits et des devoirs, une attention et un soin envers les migrants pour qu’ils aient une vie digne, mais aussi, de la part des migrants, une attention aux valeurs qu’offre la société où ils s’insèrent.
À ce propos, nous ne pouvons pas oublier la question de l'immigration clandestine, thème beaucoup plus brûlant dans les cas où celle-ci prend la forme d’un trafic et d’une exploitation des personnes, avec plus de risques pour les femmes et les enfants. De tels méfaits doivent être fermement condamnés et punis, alors qu’une gestion régulée des flux migratoires, qui ne peut se réduire à la fermeture hermétique des frontières, au renforcement des sanctions contre les personnes en situation irrégulière et à l'adoption de mesures visant à décourager les nouvelles entrées, pourrait au moins limiter pour de nombreux migrants les dangers de devenir victimes des trafics mentionnés. Des interventions organiques et multilatérales pour le développement des pays de départ et des contre-mesures efficaces pour faire cesser le trafic des personnes sont en effet extrêmement opportunes, de même que des programmes organiques des flux d’entrée légale et une plus grande disponibilité à considérer les cas individuels qui requièrent des interventions de protection humanitaire, au-delà de l’asile politique. Aux normes appropriées doit être associée une œuvre patiente et constante de formation de la mentalité et des consciences.

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«Migrations et nouvelle évangélisation»
(message 2012)

Les migrations internes ou internationales, comme issue pour rechercher de meilleures conditions de vie ou pour fuir la menace de persécutions, de guerres, de la violence, de la faim et de catastrophes naturelles, ont produit un brassage de personnes et de peuples sans précédent, avec des problématiques nouvelles non seulement d’un point de vue humain, mais également éthique, religieux et spirituel. Les conséquences actuelles et évidentes de la sécularisation, l’apparition de nouveaux mouvements sectaires, l’insensibilité diffuse à l’égard de la foi chrétienne, la nette tendance à la fragmentation, rendent difficile de se concentrer sur une référence unifiante qui encourage la formation d’ « une seule famille de frères et sœurs dans des sociétés qui deviennent toujours plus multiethniques et interculturelles, où les personnes de diverses religions aussi sont encouragées au dialogue, afin que l’on puisse parvenir à une coexistence sereine et fructueuse dans le respect des différences légitimes », comme je l’écrivais dans le Message de l’an dernier pour cette Journée mondiale. Notre époque est marquée par des tentatives d’éliminer Dieu et l’enseignement de l’Eglise de l’horizon de la vie, tandis que progressent le doute, le scepticisme et l’indifférence, qui voudraient éliminer jusqu’à toute visibilité sociale et symbolique de la foi chrétienne.
Dans ce contexte, les migrants qui ont connu le Christ et l’ont accueilli sont souvent poussés à ne plus le considérer comme étant important dans leur vie, à perdre le sens de la foi, à ne plus se reconnaître comme faisant partie de l’Eglise et conduisent souvent une existence qui n’est plus marquée par le Christ et son Evangile. Ayant grandi au sein de peuples marqués par la foi chrétienne, ils émigrent souvent dans des pays où les chrétiens constituent une minorité ou dans lesquels l’antique tradition de foi n’est plus une conviction personnelle, ni une confession communautaire, mais est réduite à un fait culturel. Là, l’Eglise est placée face au défi d’aider les migrants à maintenir solide la foi, même lorsque manque l’appui culturel qui existait dans le pays d’origine, en identifiant également de nouvelles stratégies pastorales, ainsi que des méthodes et des langages pour un accueil toujours vital de la Parole de Dieu.
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Le phénomène migratoire actuel est également une occasion providentielle pour l’annonce de l’Evangile dans le monde contemporain. Des hommes et des femmes provenant de diverses régions de la terre, qui n’ont pas encore rencontré Jésus Christ ou ne le connaissent que de façon partielle, demandent à être accueillis dans des pays d’antique tradition chrétienne. Il est nécessaire de trouver à leur égard des modalités adéquates afin qu’ils puissent rencontrer et connaître Jésus Christ et faire l’expérience du don inestimable du salut, qui est pour tous source de « vie en abondance »

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Caritas in veritate

62. Le phénomène des migrations est un autre aspect qui mérite attention quand on parle de développement humain intégral. C’est un phénomène qui impressionne en raison du nombre de personnes qu’il concerne, des problématiques sociale, économique, politique, culturelle et religieuse qu’il soulève, et à cause des défis dramatiques qu’il lance aux communautés nationales et à la communauté internationale. Nous pouvons dire que nous nous trouvons face à un phénomène social caractéristique de notre époque, qui requiert une politique de coopération internationale forte et perspicace sur le long terme afin d’être pris en compte de manière adéquate. Une telle politique doit être développée en partant d’une étroite collaboration entre les pays d’origine des migrants et les pays où ils se rendent; elle doit s’accompagner de normes internationales adéquates, capables d’harmoniser les divers ordres législatifs, dans le but de sauvegarder les exigences et les droits des personnes et des familles émigrées et, en même temps, ceux des sociétés où arrivent ces mêmes émigrés. Aucun pays ne peut penser être en mesure de faire face seul aux problèmes migratoires de notre temps. Nous sommes tous témoins du poids de souffrances, de malaise et d’aspirations qui accompagne les flux migratoires. La gestion de ce phénomène est complexe, nous le savons tous; il s’avère toutefois que les travailleurs étrangers, malgré les difficultés liées à leur intégration, apportent par leur travail, une contribution appréciable au développement économique du pays qui les accueille, mais aussi à leur pays d’origine par leurs envois d’argent. Il est évident que ces travailleurs ne doivent pas être considérés comme une marchandise ou simplement comme une force de travail. Ils ne doivent donc pas être traités comme n’importe quel autre facteur de production. Tout migrant est une personne humaine qui, en tant que telle, possède des droits fondamentaux inaliénables qui doivent être respectés par tous et en toute circonstance

     

Cherchant une image pour illustrer cette page, je suis tombée sur un site qui offre une bonne synthèse, et qui rappelle d'autres exemples de l'enseignement de Benoît.

Les Chrétiens, les migrations de populations et la nouvelle Evangélisation : la position de notre Saint-Père Benoît XVI
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Résumé :
Le Saint-Père Benoit XVI s’est exprimé à maintes reprises sur les migrations, qui sont selon lui un « phénomène social caractéristique de notre époque » .

Selon le Saint-Père, réfugiés et migrants « ne sont pas des chiffres », et « ne doivent pas être considérés comme une marchandise » ou « simplement comme une force de travail ». Selon le voeu du Saint-Père, « chaque chrétien est appelé à ouvrir ses bras et son coeur à chaque personne, quel que soit le pays dont elle provient ». Les migrants, « malgré les difficultés liées à leur intégration », apportent « une contribution appréciable au développement économique du pays qui les accueille, mais aussi à leur pays d’origine par leurs envois d’argent » .

L’accueil des migrants et réfugiés devrait, en principe, « susciter la compassion et la solidarité généreuse de tous ». Mais le Saint-Père constate que les migrations font souvent naître « la peur et l’anxiété », les immigrés étant parfois perçus comme « des fardeaux », et leur présence suscitant « des réactions d’intolérance, de xénophobie et de racisme », qu’il déplore.

Les chrétiens vivant dans les pays qui accueillent les immigrés ont le devoir d’« ouvrir leurs bras et leurs coeurs à chaque personne, quel que soit le pays dont elle provient », et doivent ensuite « laisser aux autorités responsables de la vie publique le soin d'établir dans ce domaine les lois considérées comme opportunes pour une saine coexistence ». Ces mêmes autorités publiques se doivent « d’harmoniser les divers ordres législatifs », dans le but de « sauvegarder les exigences et les droits des personnes et des familles émigrées et, en même temps, ceux des sociétés où arrivent ces mêmes émigrés ».

Le Saint-Père se dit lui-même « conscient des difficultés que l’accueil d’un grand nombre de personnes peut provoquer » et précise notamment que les immigrés ont « le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale ». Accueillir l’autre ne signifie pas renoncer à son identité chrétienne, « par l’indifférentisme ou le relativisme ».

Bien au contraire, ces brassages de populations peuvent se révéler une occasion nouvelle d’Evangélisation, et le Saint-Père nous invite à « être des porteurs infatigables de la Bonne Nouvelle auprès de nos frères et sœurs réfugiés et migrants ». Il nous demande donc d’être, vis-à-vis des réfugiés et migrants, « des témoins authentiques de l’Evangile en vivant concrètement la solidarité et la charité chrétienne, non seulement par la prière mais aussi par des actes ».

Les phénomènes d’émigration et d’immigration devraient nous amener à « réfléchir sur les conséquences d'une société fondée essentiellement sur le simple développement matériel ». De ces conséquences de la mondialisation pourraient alors naître « une occasion propice pour promouvoir le développement intégral », mais uniquement si « les différences culturelles sont perçues comme une occasion de rencontre et de dialogue et si la répartition inégale des ressources mondiales provoque une nouvelle conscience de la solidarité nécessaire qui doit unir les familles humaines ».

Le Saint-Père donc nous invite donc à réfléchir sur la soif de richesses matérielles qui a généré l’immigration, ainsi que sur les moyens de combattre l’extrême pauvreté et l’arbitraire dans les pays du Sud. Parmi ces moyens, le Saint-Père suggère notamment « une politique de coopération internationale forte et perspicace sur le long terme ».
(lepeupledelapaix.forumactif.com/t13420-migrants-et-refugies-la-position-de-benoit-xvi )

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Dans son action d'accueil et de dialogue avec les migrants et les personnes en déplacement, la communauté chrétienne a comme point de référence constant le Christ, qui a laissé à ses disciples, comme règle de vie, le commandement nouveau de l'amour. L'amour chrétien est, de par sa nature, prévenant. Voilà pourquoi chaque chrétien est appelé à ouvrir ses bras et son coeur à chaque personne, quel que soit le pays dont elle provient, en laissant ensuite aux autorités responsables de la vie publique le soin d'établir dans ce domaine les lois considérées comme opportunes pour une saine coexistence.
Benoît XVI, salle Clémentine, 15 mai 2006

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La condition des migrants, et plus encore celle des réfugiés, rappelle à l'esprit, d'une certaine façon, l'épisode de l'antique peuple biblique qui, fuyant l'esclavage de l'Egypte, avec dans le cœur le rêve de la terre promise, traversa la Mer Rouge et, au lieu d'arriver immédiatement au but désiré, dut affronter les difficultés du désert. Aujourd'hui, de nombreux migrants abandonnent leur pays pour fuir des conditions de vie humainement inacceptables, sans toutefois trouver ailleurs l'accueil qu'ils espéraient. Face à des situations si complexes, comment ne pas s'arrêter pour réfléchir sur les conséquences d'une société fondée essentiellement sur le simple développement matériel? Dans l'encyclique Caritas in veritate, je soulignais que le véritable développement est uniquement le développement intégral, c'est-à-dire celui qui concerne chaque homme et tout l'homme.
Le développement authentique revêt toujours un caractère solidaire. En effet, "dans une société en voie de mondialisation, le bien commun et l'engagement en sa faveur - ai-je observé encore dans Caritas in veritate - ne peuvent pas ne pas assumer les dimensions de la famille humaine tout entière, c'est-à-dire de la communauté des peuples et des Nations". Le processus même de mondialisation, selon ce qu'a souligné de façon opportune le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, peut même constituer une occasion propice pour promouvoir le développement intégral, mais uniquement si "les différences culturelles sont perçues comme une occasion de rencontre et de dialogue et si la répartition inégale des ressources mondiales provoque une nouvelle conscience de la solidarité nécessaire qui doit unir les familles humaines"
Benoit XVI, Salle Clémentine, 9 novembre 2009

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Un immigré est un être humain, différent de par sa provenance, sa culture, ses traditions, mais une personne à respecter et avec des droits et des devoirs, en particulier dans le domaine du travail où la tentation de l'exploitation est plus facile, mais aussi dans le domaine des conditions de vie concrètes. La violence ne doit jamais être pour personne le chemin pour résoudre les difficultés. Le problème est avant tout humain! Je vous invite à regarder le visage de l'autre et à découvrir qu'il a une âme, une histoire et une vie: c'est une personne et Dieu l'aime comme il m'aime.
Benoît XVI, Place Saint-Pierre, 10 janvier 2010

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Les Etats ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la dignité de chaque personne humaine. En outre, les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale. «Il faudra alors concilier l'accueil qui est dû à tous les êtres humains, spécialement aux indigents, avec l'évaluation des conditions indispensables à une vie digne et pacifique pour les habitants originaires du pays et pour ceux qui viennent les rejoindre»
Benoît XVI, Castelgandolfo, 27 septembre 2010

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Je suis conscient des difficultés que l’accueil d’un grand nombre de personnes peut provoquer ; ce sont des difficultés qui ne peuvent être résolues seul par aucun pays de premier accueil. En même temps, je suis sûr aussi que, s’appuyant sur la force de ses racines chrétiennes et sur sa longue et glorieuse tradition d’accueil des étrangers, Malte cherchera, avec l’aide des autres États et des Organisations internationales, à venir en aide à ceux qui arrivent ici et à s’assurer que leurs droits soient respectés.
Benoit XVI, aéroport de Malte, 18 octobre 2010