Le Pape et le keffieh
L'oeil du Père Scalese (23/4/2009)
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Le Père Scalese commente à sa façon (grave, finalement) un épisode de l'audience d'hier, qui pouvait passer pour une simple anecdote:
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Deux jeunes moyen-orientaux ont offert au Pape un keffieh blanc et noir, couvre-chef traditionnel de la culture arabe, au terme de l'audience générale du mercredi Place Saint-Pierre. La jeune fille a tendu le keffieh au Pontife, qui l'a mis sur ses épaules pendant quelques instants, avant qu'il ne soit pris par son secrétaire personnel, avec d'aux autres objets qui sont offerts au Pape à la fin de l' audience. Les deux jeunes (une fille et un garçon) qui ont offert le keffieh au Pape appartiennent à un groupe de 27 pèlerins de la paroisse du Champ des Bergers de Béthléem qui ce matin ont pris part à l'audience Place Saint-Pierre. Et justement Benoît XVI fera étape à Béthléem, pendant son voyage qui, du 8 au 15 mai le conduira en Jordanie et en Israël (APCOM, ma traduction)
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Article du père Scalese ici: http://querculanus.blogspot.com/...
Ma traduction:
Voir aussi: Nuages sur la visite en Terre Sainte
jeudi 23 avril 2009
Le Pape et le keffieh
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Au-delà des inquiètudes et des perplexités sur le voyage du Saint Père en Terre Sainte, cette image dilate le coeur, avant tout parce qu'elle montre que les palestiniens aussi aiment Benoît XVI, et ensuite parce qu'elle est la preuve que le Pape, au-delà de certaines décisions discutables dictées par la raison d'État, est vraiment le père de tous.
Mais combien pariez-vous que cette image créera quelques ennuis au Pape? Combien pariez-vous que la visite au Yad Vashem et au Mur des lamentations ne seront pas des actes suffisants de réparation pour ce geste? Déjà j'imagine les titres des journaux israéliens, qui seront ensuite repris de toute la presse « libre » internationale : « Le Pape du côté des terroristes ! ».
Naturellement, certains penseront que j'exagère ; mais entretemps, qu'on lise cet article de Giacomo Galeazzi sur la Stampa. Comme on peut le voir, on en est arrivés au point que le Pape doive avoir le consentement du gouvernement israélien pour décider qui il doit recevoir en audience. Remarquons que Mazen Ghanaim n'est pas un représentant du gouvernement de Gaza ou du mouvement du Hamas en exil; il est le maire légitime d'une ville arabe de Galilée (donc de l'État d'Israël). Eh bien, le Pape ne peut pas le recevoir, parce qu'il est « un soutien du terrorisme et un fomenteur de conflits ». Et tant pis si en ce moment a lieu à Genève la conférence contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance !
La Repubblica |
L'article de La Stampa
Deux jeunes Palestiniens, originaires de Bethléem, ont offert un keffieh noir et blanc à Benoît XVI à la fin de l’audience générale du 22 avril, Place Saint-Pierre
(Source: La Stampa)
Le Pape met le keffieh
C'est le symbole palestinien. Dans deux semaines, le voyage en Terre Sainte
GIACOMO GALEAZZI
Le Papa met le keffieh d'Arafat le jour où le ministre israélien qui organise son arrivée en Terre Sainte lui demande de ne pas recevoir au Vatican le maire de Hamas.
Place Saint-Pierre, devant 40 mille fidèles, Benoît XVI s'est mis sur les épaules le tissu noir et blanc symbole du patriotisme palestinien.
Hier, à la fin de l'audience, deux jeunes de Béthléem ont offert à Benoît XVI la traditionnel écharpe - couvre-chef : une anticipation de Terre Sainte, arrivée au Vatican depuis la paroisse du « Champ des bergers », alors que le Pape se prépare à partir, dans deux semaines, pour la Jordanie, Israël et les Territoires palestiniens.
Au débuts du XXème siècle le keffieh fut associée à la révolte arabe au point de conduire l'armée britannique à emprisonner tout palestinien qui la portait. Ensuite on détermina une distinction sur la base des couleurs.
La keffieh blanche et noire (celle mise hier par le Pontife) fut associée à l'OLP de Yasser Arafat et à al-Fatah.
Celle blanche et verte devint l'emblème des fondamentalistes islamiques du Hamas. La blanche et rouge, au contraire, représente depuis des décennies le mouvement d'inspiration marxiste-communiste pour la libération de la Palestine.
Hier matin le Pontife a d'abord serré la main à un jeune homme originaire du moyen-orient, qui portait un keffieh, il s'est donc mis autour du cou une autre keffieh, noir et blanc, qu'une jeune fille lui a offert... Après quelques instants son secrétaire personnel, Mgr Georg Gaenswein, a pris le morceau de tissu des épaules du Pape et l'a rangé avec d'autres cadeaux que le Pontife a reçus des pèlerins qui célébraient le 25ème anniversaire de la consigne de la croix de l'Année Sainte aux jeunes du monde.
Une image insolite, celle du Pape avec le keffieh, qui a fait immédiatement le tour du monde, justement le jour où avec une initiative sans précédent, le ministre israélien du tourisme Stas Misezhnikov (membre d'« Israel Beitenu », la droite radicale) a formellement demandé à Benoît XVI de s'abstenir de recevoir au Vatican dans les jours qui suivent le maire d'une ville arabe de Galilée. Le maire de Sakhnin, Mazen Ghanaim, selon le ministre de l'État hébreu, « est un soutien du terrorisme et fomenteur de conflits, qui agit contre les intérêts nationaux de l'État dans lequel il fait fonction de maire ».
Mots très durs, accompagnés de l'appel « à Sa Sainteté pour qu'il s'abstienne de le recevoir chez lui ».
Le ministre est le responsable suprême des préparatifs pour la visite de Benoît XVI en Israël le mois prochain.
La réaction du maire Ghanaim ne s'est pas fait attendre. Dans une lettre transmise au premier ministre Benyamin Netanyahu il a exprimé sa « stupéfaction » pour l'intervention du membre du gouvernement.
« Il est de votre devoir de mettre fin à des expressions de ce genre », a ajouté Ghanaim. « Peut-être que Misezhnikov n'a pas remarqué que la campagne electorale de février est finie ».
Il faisait allusion à la propagande électorale d'Israel Beitenu, qui a été caractérisée par un ton âpre et critique vis-à-vis de la minorité arabe en Israël. De vives protestations pour la sortie du ministre Misezhnikov ont été exprimées également par l'organisation Adala qui lutte pour l'émancipation de la minorité arabe en Israël.
Entre temps, le noir et blanc sur l'habit papal passe à l'histoire.