Deux réactions au discours d'Obama
John Allen, et le Père Samir. Et Daniel Hamiche, à propos de l'Osservatore Romano. (7/6/2009)
Comme cela a été écrit ici (Obama et le Pape: deux discours ) la tentation était forte de comparer Benoît XVI et Obama, ne serait-ce que par la proximité des dates, des lieux (à l'échelle du village planétaire) et des thèmes abordés.
J'ai choisi pour l'illustrer de traduire deux textes, un de l'anglais, l'autre de l'italien.
1. Le premier est de notre vieille connaissance, John Allen, qui est presque en pamoîson. Son désir de voir se concrétiser une sorte "d'union sacrée" entre le Pape et le Président (un pacte dont il se verrait bien un peu l'instrument) est si vif qu'il en devient presque touchant - un peu comme ces enfants dont les parents sont peut-être sur le point de divorcer, et qui essaient à tout prix de les raccomoder.
Après tout, pourquoi pas? même s'il est permis de trouver son enthousiasme un peu excessif, ou pour le moins prématuré.
En ce qui concerne les réactions favorables du "Vatican", il est amusant de le voir s'appuyer sur les déclarations du Père Lombardi, dont il ne s'était pourtant pas privé de dénoncer l'incompétence, et qu'il avait sciemment cherché à mettre dans l'embarras le mois dernier en Israël. Il le cite même doublement, car il devrait savoir que Radio Vatican, c'est l'autre "casquette" de Lombardi...
Quant à l'appui de l'Osservatore Romano (de plus en plus politiquement correct, certains, comme le père Scalese, l'ont déjà remarqué), identifié avec l'appui du Pape lui-même, là aussi, c'est peut-être un peu excessif. A ce sujet, il convient de lire le blog de Daniel Hamiche, et notamment la dernière contribution.
2. Le second texte est du Père Samir, jésuite, islamologue distingué, déjà cité dans ces pages (il avait notamment évoqué l'apport de l'islam à l'occident chrétien, à propos du livre de Gougenheim "Aristote au Mont Saint-Michel, thème sur lequel il "retoque" sans ménagement le président Obama).
Son analyse très méthodique est plutôt modérée; vu le contexte, et dans un souci de réserve compréhensible, il ne peut pas en dire plus mais il est pour le moins réservé, sinon sceptique.
Et sa conclusion est sans appel: au Moyen-Orient, le mois dernier, Benoît XVI en a dit plus.
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John Allen
«Remarquable "congruence" » sur l'Islam entre le pape et le président
John Allen, 5 juin 2009
Source.
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Si quelqu'un s'interroge encore sur les raisons pour lesquelles le Vatican ne s'est pas joint à l'agitation autour de l'apparition du président Barack Obama à l'Université Notre Dame - et, plus généralement, pourquoi le Vatican a refusé de permettre que ses relations avec Obama ne soient définies par les différends évidents sur l'avortement - le discours du président au monde musulman, hier au Caire, devrait permettre de prendre le chemin d'une clarification des choses.
Vu à travers des yeux catholiques, ce qu'il y a peut-être de plus frappant à propos du discours d'Obama, c'est ce que le père James Massa, le responsable du dialogue inter-religieux de l'épiscopat des États-Unis, a appelé sa «remarquable congruence» avec le message de Benoît aux musulmans lors de son voyage du 8 au 15 Mai en Jordanie, en Israël et dans les Territoires palestiniens.
La coïncidence de Benoît et Obama en visite au Moyen-Orient, à peu près au même moment, et s'exprimant sur le même ton, suggère une séduisante perspective géopolitique: tout comme Jean-Paul II et Ronald Reagan ont uni leurs forces il y a un quart de siècle pour vaincre le communisme, un pape et un président pourraient cette fois s'épauler, pour construire un rapprochement historique entre l'islam et l'Occident.
Malgré les différences dans le cadre de référence et dans le style rhétorique (et malgré le fait qu'Obama situe à tort l'Inquisition au cours de la période de domination musulmane en Espagne, une erreur que Benoît n'aurait probablement pas faite), le message de Benoît, au monde islamique, il y a trois semaines et le discours d'Obama hier se croisent néanmoins sur plusieurs points importants:
• Engager le dialogue avec l'islam, en appelant à un nouveau départ après les divisions du passé;
• Proposer la Terre Sainte comme un lieu de co-existence pacifique entre les juifs, les musulmans et les chrétiens;
• Voir la violence et l'extrémisme comme une perversion de l'islam;
• Sauvegarder la solution à deux États au problème du conflit israélo-palestinien;
• Appel pour la protection de la liberté de religion et d'autres droits de l'homme dans les sociétés islamiques, y compris une plus grande place pour la démocratie et l'autonomie des femmes;
• Reconnaissance que certaines caractéristiques corrosives de la modernité occidentale, ont donné aux musulmans des raisons légitimes de se méfier;
• S'opposer à la militarisation et à l'usage de la force pour régler les différends.
Quelle différence un tel ton de la part du plus importants leader du monde spirituel et du plus important responsable politique peut-elle faire? Jeudi soir, j'ai retrouvé Mgr Thomas, du diocèse d'El-Qussia de l'Église copte en Haute-Égypte, qui était présent au discours d'Obama à l'Université du Caire, et je lui ai demandé quel en avait été l'impact dans cette partie du monde. Se référant à l'effet combiné du voyage du pape et du discours d'Obama, il a été bref: « Cela a rendu l'atmosphère beaucoup plus légère."
Mgr Thomas, soit dit en passant, n'est pas naïf au sujet de l'extrémisme islamique. L'an dernier, il a prononcé un discours en soulignant qu'il y avait une culture copte en Egypte, bien avant que l'islam et la langue arabe n'arrivent, déclenchant des critiques féroces contre l'évêque qui avait attaqué l'identité arabe et islamique de l'Égypte. Une agence d'information a exigé qu'il soit jugé pour sédition.
Si la sensibilisation d'Obama à l'Islam vient de sa biographie et de sa politique, l'approche de Benoît XVI a été progressivement affinée depuis son discours controversé de Ratisbonne, il y a trois ans, où il avait cité un empereur byzantin reliant Mahomet et la violence (ndt: décidément, Allen prend ses lecteurs pour des amnésiques en phase terminale...). Bien que le pape ne soit pas revenu sur son défi aux musulmans à propos du terrorisme et de la liberté religieuse - de façon théorique, la nécessité d'intégrer la raison et la foi - il est devenu beaucoup plus favorable à une vision positive d'une "alliance des civilisations» avec l’islam, qui est devenue sa principale priorité inter-religieuse et le premier exemple du glissement opéré de dialogue «inter-religieux" à "inter-culturel" . La volonté de Benoît de mettre l'accent sur l'Islam était palpable au cours de son voyage au Moyen-Orient, avec des expressions répétées de "profond respect" pour les musulmans et la deuxième visite d'une mosquée en quatre ans par la pape.
Les points communs entre le pape et le président expliquent les commentaires élogieux du Vatican sur le discours d'Obama.
Le président n'avait pas encore quitté le bâtiment du Caire que le porte-parole du Vatican, le Père Federico Lombardi, avait exprimé « sa vive satisfaction» pour le discours reçu à Rome. Lombardi l'a qualifié de "très important", "non seulement pour les relations entre les États-Unis et l'Islam, mais pour la paix internationale" (ndt: tiens! ce gaffeur de père Lombardi, multipliant bourdes et maladresses, et Allen n'est pas le dernier à l'avoir aligné pour cela, devient soudain prophète, parce qu'il a bien choisi son sujet et sa réponse? étrange!). Simultanément, L'Osservatore Romano appelle le discours « un nouveau départ dans les relations entre les États-Unis et le monde arabe», et Radio Vatican est enthousiasmé par un discours qui «dépasse les attentes» et a créé "les bases d'une véritable plate-forme commune" (ndtr: radio vatican = père Lombardi: il en est le directeur).
Mgr Wilton Gregory d'Atlanta (ndt: une connaissance... l'élection d'Obama lui avait donné l'idée d'un pape noir), en Géorgie, qui dirige la commission épiscopale des États-Unis pour les affaires inter-religieuses, était aussi optimiste, soulignant les similitudes entre Obama et Benoît.
"Le discours du président touche de nombreux points importants qui ont été abordés par le Pape Benoît XVI lors de sa récente visite en Terre Sainte", a déclaré Gregory dans une déclaration écrite à NCR.
"Tant le pape que le président sont d'accord sur l'idée que le dialogue des civilisations doit supplanter le spectre d'un choc des civilisations ... Tous les catholiques américains qui espèrent en un monde plus sûr, et dans la paix entre les religions, peuvent se sentir heureux que le président ait souligné le rôle indispensable de la religion pour des objectifs éducatifs, économiques et scientifiques. "
Plusieurs experts sentent que quelque chose d'important se prépare.
"Cela semble être un tournant», a déclaré John Esposito, directeur du Prince Alwaleed Bin Talal Center for Muslim-Christian Understanding à l'Université de Georgetown. "Vous avez le chef de la plus grande église chrétienne du monde, et celui de la nation la plus puissante au monde, d'accord pour admettre le fort sentiment parmi les musulmans qu'ils ne sont pas respectés en tant que partenaires égaux."
«C'est un "pas de deux" vraiment très impressionnant", a déclaré Esposito.
A coup sûr, Benoît et Barack ne chantent pas entièrement la même chanson. Pour Benoît, un objectif essentiel d'une "alliance des civilisations » est que les musulmans et les chrétiens unissent leurs forces contre la laïcité occidentale. En partie, cela signifie une opposition commune à certaines des politiques sociales libérales qu'Obama incarne - sur l'avortement et la contraception, sur les droits des homosexuels, etc. Tout partenariat entre le pape et le président, par conséquent, peut avoir une durée de vie limitée.
D'autre part, le fait que Benoît et Obama représentent deux facettes différentes de l'Occident - Obama l'"ultra-chic" progressiste, Benoît, la voix de la religion traditionnelle et des convictions morales - peut offrir la meilleure preuve que leur ouverture à l'islam n'est pas une marotte, ou un choix partisan, mais plutôt un mouvement profond de l'histoire (..).
Le père jésuite australien Daniel Madigan, vétéran de longue date du dialogue catholique-musulman, dit qu'il y a de forts signaux en provenance de dirigeants musulman disposés à rencontrer le pape et le président à mi-chemin. Il parle de "The Common Word" initiative lancée par la Jordanie, où un échantillon de dignitaires religieux et d'érudits musulmans ont répondu positivement à la conférence controversée de Benoît XVI à Ratisbonne, et à un récent sommet inter-religieux à Madrid, organisée par la Muslim World League, basée en Arabie Saoudite, qui a rassemblé des musulmans, des juifs, des chrétiens, des bouddhistes, des hindous et des sikhs (ndt: démarche syncrétiste a priori suspecte...).
En mettant le tout ensemble, Massa a suggéré le parallèle avec Jean-Paul II et Reagan.
"La dernière fois qu'un pape et un président ont été alliés dans l'un de ces changements titanesque en cours dans le monde, c'était Reagan et Jean-Paul II vis-à-vis du communisme", a déclaré Massa. "Cette alliance s'est avérée très, très efficace."
Imam Yahya Hendi, un des Palestinien qui sert d'aumônier musulman à Georgetown, est d'accord.
L'accord entre Benoît et Obama "ne changera peut-être pas la mentalité des terroristes», a dit Hendi, "mais il aura une incidence sur les jeunes musulmans qui ne sont pas sûrs de ce qu'il faut penser," et il "fournira aux modérés du monde islamique, un terrain où se placer. "
Hendi a dit qu'il a prêté une attention particulière aux discussions arabes, après le voyage du pape et le discours du Président et, dans les deux cas, il a constaté que même la ligne dure des religieux musulmans, traditionnellement sceptiques à la fois envers l'église catholique et envers les États-Unis, a salué ce qu'ils ont appelé un «ton de réconciliation."
Bien sûr, reste à voir si Benoît et Obama vont déclencher une "révolution de velours" dans l'islam. Déjà, certains observateurs ont averti que l'élan serait vain s'il ne s'accompagnait pas de progrès sur le terrain, en particulier sur le conflit israélo-palestinien. Telle est la teneur de la lettre du 4 Juin à Obama, signée par un échantillon de leaders chrétiens americains , dont cinq évêques catholiques et les dirigeants des principaux groupes de coordination des ordres religieux dans le pays.
"La fenêtre se referme rapidement" pour une résolution pacifique, met en garde la lettre, affirmant entre autre, qu'un conflit prolongé menace la viabilité de la chrétienté en Terre Sainte.
Au minimum, toutefois, les perspectives alléchantes d'un partenariat entre le pape et le président sur l'islam contribuent à expliquer pourquoi le Vatican n'est pas prêt à rejoindre les plus ardants catholiques pro-life d'Amérique, sur les barricades anti-Obama. Quand un président des États-Unis se déplace au cœur du monde musulman et fait substantiellement écho au pape, ou du moins en donne l'impression, il ne peut pas être entièrement mauvais.
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Le Père Samir
ISLAM - EGYPTE - USA
(Source)
P. Samir : Sur l'Islam, Obama plaît, mais il y a des mensonges et des silences
Samir Khalil Samir
Une analyse du discours du président américain de la part d'un expert de l'islam et du monde arabe.
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D'une façon générale, il y a beaucoup d'honnêteté et de justes mea culpa. Mais il y a aussi trop de réthorique sur les contributions de l'islam ; un faux historique sur le califat de Cordoux et sur la naissance d'Israël ; des ambiguïtés sur les installations israéliennes dans les Territoires occupés ; la liberté religieuse est plus que la tolérance ; oublis sur les droits quotidiens des femmes. Au Moyen Orient, le pape en a dit davantage.
Beyrouth (AsiaNews)
Le vaste discours de Barack Obama prononcé hier à l'université du Caire est une proposition à passer d'un conflit des civilisations à une nouvelle ère de rapports magnifiques entre Occident et Islam ou plutôt entre Etats Unis et Islam
Dans la première partie il cherche à calmer des musulmans, lorsqu'il parle à la première personne de son expérience et de l'expérience américaine. Il fait même une légère autocritique sur le comportement américain en Irak.
Tout cela sert à créer une atmosphère de dialogue et d'ouverture. C'est une tactique normale pour faire en sorte que l'autre écoute. Dans une seconde partie il énumère 6 points sur lesquels Etats Unis et monde musulman doivent collaborer.
Le discours est essentiellement celui d'un homme politique, appartenant au pays le plus puissant du monde et les arguments sont exprimés au niveau politique, par quelqu'un qui se sait responsable.
Par différents aspects, le discours d'Obama est très honnête. Par exemple, traitant de l'extrémisme violent, il insiste pour ne pas l'identifier avec l'islam, même s'il dit qu'il y a des musulmans qui pratiquent la violence. Nous savons que les extrémistes sont une minorité, mais ils ont inacceptables.
Sur l'Afghanistan et l'Irak il y a un discours très équilibré, pour répondre aux critiques que le monde islamique adresse à l'Amérique. Et il cite même Thomas Jefferson lorsqu'il dit : « J'espère que notre sagesse croît avec notre force et nous enseigne que moins nous l'employons, plus nous sommes puissants ». Il confesse aussi que les évènements en Irak ont poussé l'Amérique à comprendre que les voies diplomatiques sont meilleures que les voies de la guerre.
La lecture de l'histoire des rapports entre occident et Islam est un peu manipulée, peut-être pour faire plaisir aux musulmans.
Lorsque par exemple il parle de l'islam de Al'Azhar, qui aurait contribué à la Renaissance et aux Lumières européennes, il me semble vraiment que c'est un peu trop, même si c'est sympathique.
Il énumère aussi tous les contributions de la culture islamique à la civilisation mondiale : l'algèbre, la philosophie, etc. Et je l'approuve: c'est un peu exagéré, mais cela sert à dire aux musulmans qu'ils doivent être fiers de cette contribution à la culture mondiale. Obama insiste aussi pour ne pas rester figé dans le passé, mais à aller au-delà, dans les conflits, et dans la collaboration, inspirant beaucoup d'optimisme et de courage.
Dans le discours, il cite deux fois le Coran, outre le Talmud et l'Évangile, mais à la fin il conclut avec une citation de Saint-Paul (« la paix de Dieu soit avec vous »).
Ceci le montre comme un homme courageux, qui ne cache pas son identité : il dit être chrétien et avoir un père musulman tout en sachant toutes les polémiques qu'il y a dans le monde musulman à propos des conversions. Il souligne aussi qu'il faut de l'honnêteté dans le dialogue et que ce qu'on dit en privé doit être dit en public, et que son discours veut trouver des fondements communs dans la vérité.
La dernière partie est pleine de mots forts : ne pas se laisser lier par le passé ; aller en avant dans le futur ; l'invitation adressée aux jeunes de toutes les confessions : ceci est très américain, proposant à chacun, du plus petit au plus grand, la responsabilité de l'engagement, et regardant les efforts avec optimisme.
Même quand il propose la collaboration américaine dans les investissements pour la culture, le développement, l'échange d'étudiants, il montre qu'il est conscient de la force des Etats Unis, mais il demande quand même la collaboration du monde musulman, un « partnership ».
L'atmosphère du discours est donc de collaboration globale, où chacun s'efforce d'apporter des progrès, dans le respect l'un pour l'autre et sans orgueil.
Ambiguïté sur Israël, la Palestine et les "installations" (des "colons" israéliens)
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Obama énumère 6 thèmes sur lesquels la collaboration est urgente et nécessaire : l'extrémisme violent ; Israël, la Palestine, le monde arabe ; les armes nucléaires (où il vise l'Iran) ; la démocratie ; la liberté religieuse ; les droits des femmes.
Les 3 premiers points sont les aspects politiques internationaux ; les trois autres sont sur les droits humains. On voit qu'il a visé les aspects plus importants.
1. À propos de l'extrémisme, Obama a cherché à éviter l'identification de la violence avec l'islam. Et il fait aussi un mea culpa discret pour les erreurs de l'Amérique en Irak, pour indiquer enfin la violence extrémiste comme « l'ennemie commun ».
2. Le problème israélo-palestinien présente quelques limites. Lorsqu'il explique que les rapports entre USA et Israël sont « indestructibles », il dit une phrase très dure pour le monde musulman. Barack l'a fait pour rassurer Israël, en montrant que ces rapports sont basés sur des liens culturels et historiques et sur l' « aspiration à un foyer juif enraciné dans une histoire tragique qui ne peut pas être niée ». Tout ceci est vrai. Mais quand il fait la comparaison entre les juifs et les palestiniens qui ont souffert pour une « patrie », il fait une erreur : les juifs n'ont pas souffert à cause des palestiniens ou des musulmans, mais en Europe, à cause de l'occident. Et au contraire les palestiniens souffrent à cause d'Israël et du monde occidental. Un autre élément ambigu est lorsqu'il met sur le même plan le désir légitime des palestiniens et des juifs à avoir une patrie à eux dans le monde moyen oriental. Le désir légitime des juifs en Europe était celui de vivre en paix où ils se trouvaient, et pas d'avoir de force une patrie au Moyen Orient. Cette ambiguïté est présente chez beaucoup d'occidentaux. On dit que maintenant, Israël est présent au Moyen orient et qu'il faut cohabiter ensemble, mais il est important ne pas manipuler l'histoire du passé.
Un autre élément ambigu est la question des "installations" dont Barack Obama dit qu' « elles doivent être arrêtés ».
Mais il n'est pas clair s'il veut dire qu'il n'y en aura plus dans le futur ou si celles déjà construites doivent être démantelées aussi, rendant aux palestiniens les territoires séquestrés par les colons israéliens.
Les Etats Unis doivent aller au-delà des phrases génériques et doivent poursuivre la politique des « deux États », en précisant aussi « dans les frontières assignées par les Nations Unies ». Si cela ne se produit pas, il n'y aura pas de paix. Ceci, je pense, est le point le plus faible du discours d'Obama. Mais il est aussi vrai qu'il ne pouvait en dire plus, si l'on tient compte de la politique américaine des 60 dernières années ! C'est déjà un petit pas en avant d'avoir dit qu'il faut « deux États ».
3. La troisième urgence est une allusion à l'Iran et à son programme nucléaire. Il est beau qu'il dise de travailler afin qu'aucune nation n'ait d'armes nucléaires. Ce n'est qu'ainsi que ses critiques à l'Iran et à la Corée du Nord sont significatives. C'est une grande différence avec son prédécesseur, qui avait une vision un peu plus manichéenne, en condamnant ces Pays, mais en revendiquant que les Usa devaient avoir des armes nucléaires.
La liberté religieuse est plus que la tolérance
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La seconde partie traite des droits humains sous divers aspects.
4. Sur la démocratie il est conscient des disparités entre les différents Pays, mais il énumère les besoins qui sont à la base de la démocratie : la possibilité d'exprimer ses idées, la confiance dans la loi et dans l'administration de la justice ; etc. Et là, il fait aussi l'autocritique de la politique américaine qui en Irak voulait répandre la démocratie avec la force. Obama par contre dit : « aucun système de gouvernement ne peut être imposé par une nation à une autre ».
5. Le cinquième point est la liberté religieuse. Ici Obama va un peu au-delà de la vérité historique et emploie des concepts mythiques pour justifier sa position. Il affirme que l'Islam a toujours été une religion tolérante. Mais ici, il y a une ambiguïté : la liberté religieuse n'est pas seulement la tolérance.
Tolérer signifie permettre à l'autre d'exister, mais cela ne signifie pas avoir la liberté de parole, de prédication, de conversion.
Et ensuite il tombe dans le mythe lorsqu'il présente comme exemple de tolérance la période islamique des califats en Andalousie et à Cordoue, les opposant à l'Inquisition. Tout cela est exagéré et mythifié.
D'abord l'Inquisition vient historiquement après le califat, mais l'affirmation est erronée aussi dans les contenus. Sous le califat, en Andalousie, il y a eu beaucoup de persécutions de chrétiens, de juifs et même d musulmans : Averroès a dû fuir de Cordoue ; idem pour le philosophe juif Maimonide. Il cite ensuite le cas de l'Indonésie, où il a vécu enfant. Et jusqu'ici rien à dire. Mais l'Indonésie d'aujourd'hui n'est plus aussi tolérante que par le passé. Il semble de toute façon conscient qu'il faut faire des pas en avant par le respect réciproque. Parmi les situations difficiles il cite (un peu hors de propos) les maronites au Liban et (avec un certain courage, vu qu'on se trouve en Egypte) les coptes en Egypte. Enfin il cite aussi le conflit entre les sunnites et les chiites pour montrer que la tolérance doit être vécue aussi entre les musulmans et pas seulement avec les chrétiens.
Il donne ensuite quelques exemples de tolérance dans le style « américain ». Par exemple il parle du zakat, l'aumône religieuse juridique, pour soutenir les autres musulmans. Mais ceci est un fait privé et personne ne peut l'empêcher, pourtant il le cite comme une marque important de tolérance. Il cite deux ou trois fois le voile et les vêtements des femmes, pour dire qu'elles ont plein droit à se vêtir comme elles veulent, mais tout ceci me semble davantage un argument pour satisfaire le peuple musulman, plutôt qu'un véritable thème de liberté religieuse. Par contre le droit de croire ou ne pas croire, d'être homosexuel ou non, de se convertir d'une religion à l'autre, n'est pas affronté. Il cite l'Arabie Saoudite à titre d'exemple de collaboration entre les religions, mais il ne dit rien sur le manque de liberté religieuse dans ce Pays.
6. Le dernier point est sur les droits des femmes. Et même ici il cite des exemples éclatants, comme la Turquie, le Bangladesh, le Pakistan, l'Indonésie, où quelques femmes ont été des leaders politiques, mais ne touche pas les problèmes des femmes dans la vie quotidienne, pleine d'humiliations et de marginalisation.
Le voyage d'Obama et celui du pape
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En conclusion, Obama insiste sur le progrès humain, sur l'éducation, sur l'intégration entre développement et tradition. En effet, une des raisons du conflit entre l'occident et le monde islamique est cette idée du progrès et donc il invite à créer un monde nouveau, en citant tous les thèmes qu'il a affrontés : plus d'extrémisme ; avec les soldats américains de retour à maison ; avec des israéliens et des palestiniens qui vivent en paix ; sans la menace nucléaire ; etc.
D'une façon très américaine, il pousse tout le monde au courage et à faire un pas vers la nouveauté.
Le discours est beau ; ici et là quelque concession pour plaire aux musulmans, mais pour un homme d'état, cela me semble positif. De cette façon, il cherche à faire comprendre que l'Amérique veut changer son attitude avec le monde islamique.
En comparant son message avec celui du Pape au cours de son voyage en Terre Sainte, il me semble qu'envers les palestiniens, le pape a été moins ambigu.
Tous deux ont défendu l'existence d'Israël, tous deux ont condamné la violence, mais Benoît XVI a parlé avec clarté de deux États ; il a dit aussi que le Mur est inacceptable et que Jérusalem doit être la capitale des deux États. Obama a par contre parlé de Jérusalem seulement comme « capitale spirituelle » des trois religions abrahamitiques.
Le pape a aussi parlé des rapports « indestructibles » entre le judaïsme et l'Église, mais il n'a pas justifié la chose avec des motivations historiques plutôt hasardeuses.
Il faut dire que la situation du pape était beaucoup plus délicate, parce que Benoît XVI est allé dans l'œil du cyclone, entre les israéliens et les palestiniens. Par contre ce discours d'Obama servait seulement pour faire plaisir à l'Islam.
D'une certaine façon, ce discours sert à étendre la pax américaine. Ce qui n'est pas un mal, pourvu qu'on tienne compte des réserves qu'Obama lui-même a soulignées : tout doit se produire dans le « partnership » et pas dans la domination. De toute façon, le changement par rapport à Bush est clair : tous les deux ont conscience du rôle des USA dans le monde, mais ce que dit Obama semble plus correct.
© Copyright AsiaNews
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Voir aussi: "Pour faire la paix, il faut l'Eglise", un entretien du Père jésuite et islamologue Samir Khalil Samir dans l'hebdomadaire italien "Tempi", avant le voyage du pape en Terre-Sainte.
Il y évoque aussi le livre de S.Gouguenheim, "Aristote au Mont Saint-Michel"
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Daniel Hamiche
Vendredi 5 juin 2009
Obama : L’Osservatore Romano en “repli tactique” (et temporaire ?)
(Source)
Je me suis amusé – si je puis dire ! – à suivre, lire, disséquer et archiver tous les articles de L’Osservatore Romano consacrés à Obama depuis la veille de son « Inauguration » qui se déroula le 20 janvier dernier, jusqu’à la fin mai.
Puis-je me permettre, avant d’entrer dans le détail, de faire un petit commentaire. Le président Obama a prêté serment de défendre la Constitution et les lois des États-Unis devant le président de la Cour suprême, John Roberts, et en posant la main droite sur la fameuse Bible qui a appartenu à Abraham Lincoln. Toutefois, la formule rituelle n’ayant pu être prononcée par Obama qui l’a bafouillée, il fut décidé de renouveler cette prestation de serment le soir même à la Maison Blanche : mais lors de cette prestation la Bible avait disparu. Ce qui permet de souligner qu’Obama n’a pas prêté serment sur la Bible comme l’ont fait tous les présidents américains avant lui. Détail qui ne manque pas d’intérêt.
Mais revenons à nos moutons.
J’ai rédigé un article sur les commentaires de L’Osservatore Romano relatifs à Obama que Monde & Vie vient de publier.. Tous sont sympathiques ou enthousiastes ! Le mécontentement exprimé, publiquement, par des “ténors” du catholicisme américain et, discrètement, par nombre d’évêques américains a contraint le soi-disant « journal officiel » du Vatican (ce qu’il n’est pas !) à mettre un peu d’eau dans le vin de ses libations obamaniaques.
Dans son édition datée d’aujourd’hui, mais qui a été mise en vente hier au soir, L’Osservatore Romano publie, sans signature, un article de relative autocritique. Voyez vous-même.
« En relatant quelques déclarations et initiatives du président des États-Unis, L’Osservatore Romano n’avait assurément pas l’intention d’exprimer son appréciation pour ses positions sur les questions éthiques. Évidemment, le Saint Siège et L’Osservatore Romano ont été, sont et seront toujours aux côtés des évêques des États-Unis dans leur dévouement à l’inviolabilité de la vie humaine à toutes les étapes de son développement ». Ce n'est pas vrai.
En effet, on serait bien en peine, par exemple, de trouver dans L’Osservatore Romano une quelconque information sur les protestations de quasiment un cinquième des quelque 350 évêques américains contre l’invitation d’Obama par Notre Dame… Et je pourrais citer bien d’autres exemples du traitement univoque dont Obama a profité dans les colonnes du quotidien.
Le pas en arrière d’aujourd’hui, après les dix pas en avant constatés depuis janvier, montre, à l’évidence, que la tension est forte entre l’épiscopat américain et les responsables de la Curie qui contrôlent L’Osservatore Romano et qui tentent, peut-être, de mettre en œuvre une “Westpolitik” à laquelle je ne prédis par plus de succès qu'à la “Ostpolitik” d'hier…
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