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Malentendu, ou manoeuvre?

Avant le voyage à Chypre, l'hymne "pro-pape" empoisonné d'un ministre turc (2/6/2010)

Il semblerait que le gouvernement d'Ankara prenne ses désirs pour des réalités.
C'est ce que relève (avec amusement?) Sandro Magister, qui dans son blog en italien Settimo cielo a lu une interviewe du ministre turc des affaires étrangères dans le mensuel "30 giorni".
Ce dernier y chante les louanges du Pape... en se fondant sur ce qui est au mieux un malentendu, au pire (et plus vraisemblablement) un mensonge: Benoît XVI se serait prononcé pour l'entrée de la Turquie dans l'UE (*).

Ma traduction.

Choses turques.
Le peana
(hymne) pro Pape du ministre des Affaires étrangères d'Ankara
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Benoît XVI doit se rendre à Chypre, une île évangélisée depuis l'époque de Saint-Paul, où pourtant aujourd'hui - dans la partie nord occupée par les Turcs - les vestiges chrétiens ont presque tous été détruits et où la population non-musulmane a été contrainte d'émigrer.
Mais Ankara ne semble absolument pas s'énerver pour ce voyage du Pape à proximité du territoire occupé.
Bien au contraire. Affichant envers le Vatican et la politique du Pape des sourires à 360 degrés.

Il suffit de lire le discours qu'a tenu au mensuel "30 giorni" le ministre turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu, à l'occasion du cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre la Turquie et le Saint-Siège.



Dans le discours - en grande évidence dans le dernier numéro de la revue dirigée par Giulio Andreotti, lecture obligée des diplomates du Vatican - tout est à peser. En prenant la précaution de le comparer ligne par ligne avec ce que disent les faits, souvent de ton opposé.
De même, la certitude avec laquelle le ministre attribue au pape un avis favorable pour l'entrée de la Turquie de l'Union européenne est impressionnante. Ici aussi en désaccord avec les positions réelles du Pape et du Saint-Siège sur le sujet. (*)
Voici quelques échantillons des propos du ministre des Affaires étrangères à Ankara. Si le Vatican s'attendait de la part du gouvernement turc à un "placet" pour le voyage du pape à Chypre, il a été servi sur un plateau d'or.

Les affirmations du Pape? Grandioses.
Ahmet Davutoglu
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[...] Par son histoire et sa géographie, la nation turque, avec le voyage aventureux de son peuple de l'Asie centrale à l'Europe centrale, a connu toutes les civilisations asiatiques et mésopotamiques. Toutes les civilisations traditionnelles sont venues se mélanger en Anatolie, produisant un amalgame de différentes cultures: la méditerranéenne, la grecque, la mésopotamique. Dans la société ottomane cohabitent ensemble des cultures différentes. Contrairement à de nombreux centres en Europe et en Asie, par exemple, les villes turques d'Anatolie ou dans les Balkans ont toujours été multiculturelles; dans de nombreuses villes turques on rencontre des mosquées, des églises, des synagogues côte à côte. Cela ne se rencontre pas en Occident, ou en Europe centrale. Au contraire, dans les Balkans sous l'Empire ottoman,par exemple à Sarajevo ou à Salonique, musulmans, chrétiens et juifs ont vécu ensemble pendant cinq ou six siècles. Voilà, la société turque a ce "background" multiculturel. [...]

C'est notre perspective: nous défendons une culture de la tolérance, des droits de l'homme, du respect du multiculturalisme, du respect des différentes cultures et religions. A Konya, ma ville natale, au treizième siècle, vivait un philosophe soufiste nommé Maulana Gialal al-Din Rumi. A cette époque, les gens fuyaient les attaques des Mongols et des autres peuples, on vivait une époque de crise, et Rumi fit entendre sa voix: «Qui que tu sois, musulman, chrétien, juif ou non-croyant, l'endroit où je vis, ma congrégation, ma dergah, est pour tout le monde. Tu ne devrais pas être sans espoir, tu devrais venir ici, qui que tu sois". C'était au XIIIe siècle et c'est la culture de l'Anatolie, alors qu'en Europe, un siècle plus tard, devait commencer la guerre de Cent Ans, en raison de différends politiques et religieux. Et vous le savez, ce fut une longue guerre, une guerre de religions. [...]

Cela se reflète sur la politique étrangère de la Turquie. Par exemple, nous essayons aujourd'hui de servir de médiateurs, sur différentes questions, entre Israël et la Syrie et entre la Bosnie et la Serbie. Dans le premier cas, une partie est juive et l'autre musulmane, dans le second l'une est musulmane et l'autre chrétienne. Nous essayons d'aider toutes les parties. Et encore, au Liban, où j'ai été plusieurs fois nous essayons d'encourager la réconciliation nationale, parce que le Liban, c'est comme notre maison. Les peuples du Liban, la Syrie, de la Palestine et des Balkans ont tous le même destin et nous travaillons durement, vraiment, pour parvenir à la paix. Telle est la philosophie de Rumi, la philosophie qui influence notre politique étrangère. [...]

Je me souviens que le pape Benoît ici en Turquie a déclaré être favorable à notre adhésion à l'Union européenne. Quelle a été et quelle sera la réaction turque à ce sujet? Je peux donner une réponse politique et une religieuse. (*)

La réponse religieuse est que le pape est une personnalité spirituelle et peut comprendre des choses au-delà de l'apparence. Quand il a fait cette déclaration, je pense que, comme un homme spirituel, il a vu le grand potentiel que la Turquie représente pour l'Europe.

En ce qui concerne la réponse politique, le pape a fait une analyse humaine et tous les gens raisonnables qui se livreraient à cette analyse se découvriraient favorables aux relations entre la Turquie et l'UE, parce que ces relations sont basées sur la rationalité. L'intégration de la Turquie dans l'Union européenne est un facteur de renforcement et, d'ici vingt ans, l'Union européenne avec la Turquie à l'intérieur, signifie une puissance mondiale. L'UE sans la Turquie, c'est un continent qui ne regarde pas vers l'extérieur, moins compétitif, moins important dans la politique mondiale et moins inclusif au sens culturel (ndt: pourquoi ne pas faire entrer la Chine, ou le Japon, dans l'UE??)

C'est un défi pour tout le monde. Je pense que le pape l'a compris, et a eu le courage de l'accepter, alors que certains politiciens en Europe ne sont pas aussi spirituels et pas aussi courageux. Pour cela, ses déclarations en Turquie ont été grandioses. Nous avons tous soutenu le pape. Sa visite a été un vrai succès et nous espérons qu'elle pourra se répéter.

Musulmans et chrétiens ont eu une longue histoire de relations et de respect mutuel. Aujourd'hui, je peux dire que la philosophie positiviste des Lumières est arrivée au terminus (ndt: oui!). Partout dans le monde il y a une augmentation de la spiritualité, et les bonnes relations entre les musulmans et les sociétés catholiques, entre le Vatican et la société musulmane et entre la Turquie et les forces politiques catholiques créeront un nouvel élan et livreront à l'humanité le message que cette coopération peut être une grande opportunité pour la paix mondiale. [...]

* * * *

Le texte intégral du discours du ministre des Affaires étrangères turc ici: "Nous sommes musulmans, démocrates, européens".

Note (*)

A propos de la prétendue caution apportée par le Saint-Père à l'entrée de la Turquie dans l'UE, il s'agit d'une grossière manoeuvre, dont on trouvera le rappel détaillé ici: http://beatriceweb.eu/Blog06/ .
Arrivant à Ankara, dans le contexte extrêmement tendu orchestré par certains, deux mois après le fameux discours de Ratisbonne, le Pape s'était très brièvement entretenu avec le premier ministre turc Erdogan, qui était en transit à l'aéroport, et avait auparavant menacé de lui faire l'affront de ne pas l'accueillir.
Il s'est agi d'une rencontre informelle et d'un tête-à-tête d'une dizaine de minutes.
Contrairement à tous les usages diplomatiques, et sans prendre le risque d'être démenti, puisque ce n'est pas dans les coutumes du Saint-Siège de contredire ses hôtes, il avait organisé une conférence de presse impromptue (et largement médiatisée) où il avait "révélé" que le pape appuyait l'entrée de la Turquie dans l'UE!!

Pour une fois, Le Monde, par la voix d'Henri Tincq ne s'y était pas trompé, qui écrivait le 30 novembre 2006:
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M. Erdogan était donc bien là à l'aéroport. Et, en dix minutes, il dit avoir obtenu ce qu'il voulait de l'ex-cardinal Ratzinger dont on pensait, depuis un discours de 2004, qu'il était hostile à l'adhésion de la Turquie à l'Union européeenne : "J'ai demandé au pape son soutien sur notre chemin vers l'Europe", a-t-il indiqué.

Benoît XVI lui a répondu en substance que le Vatican n'avait aucune compétence sur cette question, mais, selon le porte-parole Federico Lombardi,qu' "il envisagerait de manière positive, et même encouragerait un chemin de rapprochement sur un fondement de valeurs communes". Le premier ministre turc pouvait s'envoler au sommet de l'OTAN à Riga avec le sentiment du service minimum accompli.
(voir ici: http://beatriceweb.eu/Blog06... )

"Corpus Domini" en Turquie Une interviewe de Chrisostome II