Mgr Padovese: Un martyr comme Don Santoro
L'assassinat de Mgr Padovese à la veille de l'arrivée de Benoît XVI à Chypre n'est peut-être pas un simple hasard. Un article de Aldo Maria Valli (4/6/2010)
Il rappelle étrangement l'assassinat d'un prêtre italien, en Turquie, en Février 2006, alors qu'on commençait à parler d'une visite de Benoît XVI en Turquie.
Article original en italien sur le site www.europaquotidiano.it/ (voir aussi: Arrière-plan géopolitique d'un voyage difficile , du même site)
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Mgr Luigi Padovese tué
"Un martyr comme Don Santoro"
Aldo Maria Valli (ndt: il est l'un des vaticanistes de RAI 1)
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Ici, à Chypre, où le pape Benoît XVI arrive aujourd'hui, la nouvelle de l'assassinat de Mgr Luigi Padovese, survenue à Iskenderun, en Turquie, est tombée comme un rocher sur une route.
La route est celle, déjà en elle-même difficile et peu accessible, de la relation entre les Chypriotes grecs et turcs dans cette île divisée en deux parties depuis 1974.
Nous avons reçu la nouvelle de la mort de Mgr Padovese alors que nous étions en train d'interviewer l'archevêque orthodoxe de Nicosie, Chrysostomos II. Il réfléchissait sur les derniers événements tragiques au Moyen-Orient, et l'archevêque expliquait comment, malgré tout, Chypre était une île dans laquelle ceux qui croient en la paix peuvent travailler. Mais voilà que la nouvelle en provenance de Turquie rend le tableau beaucoup plus sombre.
Après Don Santoro il y a quatre ans, c'est maintenant le tour de Mgr Padovese, vicaire apostolique d'Anatolie depuis 2004. Un autre crime, et là encore, une histoire dont les contours ne sont absolument pas clairs. Ce qui est certain, c'est qu'à chaque fois que chrétiens et musulmans parviennent à se rapprocher, "quelqu'un" s'emploie à rompre les relations, à diviser, et à introduire de nouveaux éléments de haine.
Benoît XVI travaille en effet concrètement pour le dialogue. Il suffit de penser aux lettres qu'il a reçues de la part de membres éminents du monde culturel et religieux musulman, et qui ont permis pour la première fois d'entamer au Vatican un discours de réelle coopération de la part de l'islam. Efficace également l'engagement du pape dans le domaine oecuménique, comme en témoigne l'atmosphère beaucoup plus détendue avec le patriarche de toutes les Russies, les excellentes relations avec le patriarche d'Istanbul et l'amitié envers l'antique Eglise orthodoxe de Chypre. Le voyage vers cette île, pour la remise de l'Instrumentum laboris (c'est-à-dire le document préparatoire) du Synode des évêques du Moyen-Orient (qui se tiendra en Octobre à Rome), montre à quel point, Chypre depuis toujours carrefour de peuples, cultures et religions, et par conséquent, endroit stratégique de la méditerrannée, est considérée comme un pays crucial par l'Église catholique, même si ici les catholiques (Maronites, Arméniens et Latins) sont une petite minorité par rapport aux orthodoxes.
La division existant dans l'île depuis 1974 lorsque les troupes turques ont envahi la partie Nord, déterminant la naissance d'une république reconnue seulement par Ankara, a apporté ici aussi des éléments de tension, mais depuis quelques années il y a des signes d'amélioration .
L'ouverture en avril 2008 dans la rue Ledra, la rue principale de Nicosie, a été le symbole du renouveau et de la bonne volonté. Comme une brèche dans le dernier mur en Europe, le passage a permis de cultiver de nouveaux espoirs pour l'unification.
Pour le moment tout est arrêté, parce que du côté turc il ya eu un durcissement, et c'est de cela que nous parlions avec l'archevêque Chrysostomos lorsque nous avons appris la nouvelle du meurtre de Mgr Padovese. "Un événement terrible, une véritable catastrophe pour la paix et le dialogue entre les religions", a déclaré à chaud le chef de l'Eglise orthodoxe de Chypre dans son bureau de l'archevêché, où il travaillait aux derniers préparatifs pour accueillir le pape au mieux.
Tout aussi consterné, George Poulides, Ambassadeur de la République de Chypre près le Saint-Siège, qui se trouve à Nicosie, justement dans la perspective de l'arrivée du pape: "C'est une chose terrible. Je suis sans voix. Un épouvantable retour en arrière". C'est la même consternation que celle exprimée au téléphone par le père Claudio Monge, dominicain, directeur du Centre de documentation interreligieux à Istanbul: "On croit revivre l'histoire tragique du père Santoro. Mêmes circonstances, même scénario".
Le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi communique la douleur et le trouble du pape, et précise que le voyage à Chypre ne sera pas modifié. Et même, il y a une raison de plus de témoigner de l'attention envers les chrétiens au Moyen-Orient.
© Copyright Europa 4 Juin 2010