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Le défi égyptien (III)

Dernière partie de l'interviewe du Patriarche catholique copte d'Alexandrie. L'histoire complexe de la relation entre les musulmans et les chrétiens, depuis l'arrivée des "conquistadors" musulmans, au VIIe siècle (épisode déjà raconté par Messori: Les racines de la haine contre les chrétiens) jusqu'aux derniers évènements. Les frères musulmans. Et la polémiques autour des propos du Saint-Père. (23/2/2011)

Articles précédents ici:
-> Le défi égyptien (I)
-> Le défi égyptien (II)

Antonios Naguib

Photo 30 Giorni

- Les relations avec les Musulmans ont toujours été un révélateur du caractère autochtone, "égyptien" de l'Église copte. Depuis leur arrivée.
- A l'époque, au VIIe siècle, les Coptes ont été non seulement marginalisés, mais persécuté par les Byzantins, qui étaient les dominateurs. Comme je l'ai dit, à Alexandrie, il y avait le patriarche byzantin imposé par l'empire. Lorsque les conquistadors musulmans sont arrivés, les Coptes, les ont accueillis comme des libérateurs. Leur premier gouverneur, Amr ibn al-As, a assuré qu'il respecterait la foi des chrétiens coptes et leurs lieux de culte, ce qui s'est passé effectivement avec lui et ses premiers successeurs. Ainsi, les moines coptes et les évêques ont pu reprendre la direction spirituelle du peuple, et également une position socio-politique reconnue dans le nouvel ordre musulman.

- Mais ensuite, les choses ont empiré.
- Le temps des souverains mamelouks et plus tard des sultans turcs, fut marqué par la violence et par des tentatives répétées pour éliminer les Coptes. Ils se sont déplacés principalement dans les régions du sud, où ils purent vivre une vie un peu plus tranquille.

- Et maintenant? Y a-t-il encore des régions, ou des groupes sociaux, où se concentrent les chrétiens?
- Aujourd'hui, les chrétiens vivent dans tout le pays, des côtes du nord à la frontière avec le Soudan. Il y a quelque rare village où tous les habitants sont chrétiens. Mais en général, nous vivons mélangés avec le reste de la population égyptienne. Avant, il y avait des quartiers du Caire où les chrétiens prévalaient, mais ce phénomène est maintenant en voie de disparition. Nous n'avons pas d'enclaves. Et nous ne sommes pas non plus identifiés avec une classe sociale. Il y a des chrétiens dans tous les milieux, des fellah, les paysans, à la riche élite. Toujours dans une proportion qui ne dépasse pas 10%. Des riches, il y en a aussi, bien connus au niveau international, mais ils sont peu nombreux par rapport aux musulmans riches. Et parmi les Coptes catholiques les riches sont peu nombreux, [rires] presque inexistants ....

- Pourtant, dès le XIXe siècle, a émergé parmi les Coptes un certain nationalisme, qui les identifait comme les vrais héritiers des anciens Égyptiens, les musulmans étant considérés comme des «étrangers». La bourgeoisie copte baptisait ses enfants avec les noms des pharaons.
- A dire vrai, cette mentalité existe chez les coptes. Je dis que c'est un fait: les chrétiens coptes étaient en Egypte avant l'arrivée des musulmans. Mais nous ne devons pas en faire un facteur d'opposition envers les autres Egyptiens. Comment fait-on pour effacer quatorze siècles de coexistence? Ainsi, même les musulmans pourraient dire: au fond, vous n'avez été ici "que" sept siècles avant nous ... Eventuellement, cet argument peut être utilisé pour définir un terrain commun qui nous unisse dans le présent et dans le futur, comme il nous a unis dans la joie et la tristesse pendant quatorze siècles jusqu'à aujourd'hui. Nous avons combattu ensemble pour l'indépendance, nous avons souffert ensemble dans les guerres passées, où le sang des chrétiens a été versé avec celui des musulmans.

- Les Coptes ont ressenti une grande amertume quand, dans l'Egypte moderne, les garnisons des puissances occidentales ont été démantelées.
- Bien au contraire. Ils ne voyaient pas dans le pouvoir des puissances occidentales un élément de protection des chrétiens. Pour eux, c'était un facteur d'affaiblissement de l'Eglise locale, avec le passage de membres de l'Église copte orthodoxe à celle copte protestante. C'est ce qu'affirment aussi les coptes catholiques. D'autre part, la liberté religieuse ne peut être niée. Et dans l'Egypte moderne, il n'y a pas eu de domination qui favorise l'Église copte catholique. Même maintenant, nous ne sommes que 250 000. On ne peut pas nous accuser de prosélytisme.

- Dans l'Église copte orthodoxe, même pendant les longues périodes de marginalité, les laïcs ont toujours eu une grande influence dans la conduite de la vie de l'Eglise.
- Avant, c'étaient eux qui s'occupaient de tout. Les notables laïcs avaient de l'argent et des position sociales influentes, le clergé n'avait pas d'instruction. Dans les monastères, il y avait des paysans, on prenait les plus pieux et on en faisait des évêques. Il en a été ainsi jusqu'à ce que le Patriarche Cyrille VI, le prédécesseur du patriarche Chenouda III, qui était un saint homme de Dieu et a commencé à attirer de jeunes universitaires dans les monastères, et les a ensuite consacrés évêques pour la mission parmi le peuple. Ces évêques, avec les laïcs, ont lancé les école de catéchisme du dimanche, et de là est parti une vague de renouveau qui a impliqué toute la communauté copte. Un renouveau qui a fleuri autour des monastères. Dans ce contexte, sont venus les évêques ordonnés par le patriarche Chenouda III. Ils sont plus d'une centaine, et maintenant ce sont eux qui dirigeent l'Église. Le poids des laïcs a diminué, mais reste très important.

- De nombreuses communautés chrétiennes d'Orient sont caractérisés par une certaine discrétion. Elles ont tendance à être socialement peu visibles. Au contraire, en Egypte, les Coptes manifestent une certaine exubérance, y compris dans leur visibilité publique. Grands monastères, grandes cathédrales, manifestations publiques.
- Bien sûr, l'Eglise copte est visible, présente, active. Mais ce n'est pas un désir de paraître. Le fait est que, tous en étant une minorité, ils sont une minorité très conséquente. Il sont nombreux, au moins huit millions, ils ne peuvent pas se cacher.
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- Revenons à la dramatique situation actuelle. Le massacre de l'année dernière a impressionné tout le monde. Mais les coptes avaient déjà subi des attaques et des violences, depuis les années 80. Qu'est-ce qui a changé par rapport à cette époque?
- Il y a le phénomène général d'une progression des courants fondamentalistes et islamistes, qu'au Synode nous avons appelé "l'islam politique". Ce phénomène a plusieurs formes et manifestations. Certains de ces groupes tentent de faire du lavage de cerveau sur les jeunes, afin de réaliser leurs desseins de domination, localement et au niveau mondial. Ils ne le cachent pas, ils le disent clairement, ils l'écrivent. Et étant donné les conditions difficiles que vit notre pays, ils y parviennent. Parmi eux il y a ceux qui développent une culture de rejet et de haine des autres. De cet humus peuvent émerger des groupuscules qui décident de faire des "coups" de mort, comme l'attentat d'Alexandrie.

- Derrière les violence contre les chrétiens, il y a les Frères musulmans, comme certains le soutiennent?
- Les Frères musulmans sont partis d'une idéologie qui promouvait le renouveau de l'islam pour revenir à la pureté de ses origines. Ce prétexte est devenu une orientation politique qui prétend revenir au mode de vie de l'époque du Prophète par l'imposition de la charia et par la domination islamique dans la société. Mais ensuite, les choses ont évolué. Même au sein des Frères musulmans se sont créées différentes ramifications, les différents groupes prennent souvent des voies différentes et se heurtent. Ils ne peuvent pas tous être mis dans le même sac. Toute généralisation est erronée. Il convient de distinguer un groupe de l'autre. Et puis aujourd'hui, il y a les nouveaux groupes salafistes qui attaquent les autres, y compris les Frères musulmans au nom d'une prétendue plus grande pureté islamique.
Le grand mérite historique du Synode pour le Moyen-Orient a été de définir clairement cette situation, dans une perspective de communion au sein de l'Église, avec les autres chrétiens et aussi avec les autres citoyens, pour bâtir des sociétés fondées sur le droit, sur le respect des valeurs communes et sur l'égalité dans la citoyenneté.

- Dans le passé aussi, face aux attentats et aux violences subies par les coptes, l'Eglise en Egypte n'a jamais attribué la faute à la majorité musulmane, ou à l'islam en général. Et maintenant?
- Après la tragédie d'Alexandrie, il y a eut une réaffirmation encore plus forte du destin commun qui en Egypte est partagé par les chrétiens et les musulmans. Toutes les interventions à la télévision et dans les journaux, y compris par des intellectuels et des leaders de la communauté musulmane, à commencer par le Grand Imam d'Al-Azhar, ont suivi cette ligne, plus que jamais.

- Les propos du pape ont été suivies par des réactions retentissantes. Jusqu'à la suspension des relations de dialogue entre le Saint-Siège et l'Université de Al-Azhar, le plus grand centre d'enseignement religieux de l'islam sunnite. Comment les choses se sont-elles passées?
- Une chaîne de télévision [Al Jazeera, ndlr] a rapporté les nouvelles de façon déformée, en disant que le pape avait appelé les États et gouvernements de l'Occident à intervenir pour protéger les chrétiens persécutés en Égypte et au Moyen-Orient. Le Pape n'a jamais dit cela. Mais cette version fausse de ses paroles a été prise comme si c'était la version officielle. C'est devenu le prétexte pour lequel Al-Azhar a suspendu son dialogue avec le Saint-Siège.

- En somme, on a déformé les paroles du pape. Mais en Occident, il y vraiment eu des campagnes organisées, allant jusqu'au Parlement européen, où il était demandé de suspendre l'aide aux pays qui ne protègeainet pas les chrétiens.
- Cette attitude est une erreur. Elle finit par confirmer les interprétations déformées des paroles du Pape. En tant que chrétiens en Egypte - catholiques, protestants et orthodoxs, sans diistinction - nous voyons que tout appel aux pressions diplomatiques, aux sanctions économiques ou à des mesures punitives contre l'Egypte à propos des événements concernant les chrétiens d'Egypte, est le plus grand tort qui puisse être fait aux chrétiens. Je voulais le dire aussi à Bruxelles, au Parlement européen, où j'avais été invité à parler de la persécution des chrétiens au Moyen-Orient. Mais je ne voulais pas quitter le pays, dans les circonstances de ces jours tragiques.

- Comment les coptes orthodoxes ont-ils jugé ces actions, et les appels du pape?
- Eux aussi ont été conditionnés par la version déformée qui a été donnée. Et ils ont officiellement assumé le même critère de jugement que celui exprimé par l'imam d'Al-Azhar. Nous, en tant que catholiques, nous avons un lien de foi et de hiérarchie avec l'évêque de Rome. Mais nous n'avons aucune obligation de nous sentir liés par les initiatives de groupes et organismes européens, occidentaux ou internationaux. Ce qui est important, et qu'il faut souligner, ce sont les contributions qui peuvent venir de tous, le but à poursuivre est de favoriser un climat positif et d'identifier un terrain d'entente pour la coexistence et la coopération, et de ne pas aggraver les tensions et les conflits.

Pour terminer, je voudrais vous demander avant tout de prier pour la paix et la tranquillité en Egypte et dans tous les pays qui souffrent d'instabilité et de violence. Et je vous remercie pour votre intérêt et votre proximité.

FIN

© 30 Giorni nella Chiesa e nel mondo, Mars 2011

Maghreb et Moyen-Orient Ils arrivent! Ils arrivent!