ou "Sade au FMI". Une réflexion de Massimo Introvigne, à partir des théories du penseur catholique brésilien Plinio Corrêa de Oliveira. (9/6/2012)
Massimo Introvigne propose une lecture en profondeur de faits qui relèvent finalement (encore!) plus de la philosophie de l'histoire que du fait divers crapuleux.
A lire aussi:
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¤ A propos de Massimo Introvigne et de Corrêa de Oliveira, articles sur ce site ici.
¤ Comment ne pas évoquer Sade, au récit des exploits sexuels de l'ex-patron du FMI? (cf. http://benoit-et-moi.fr/2011-II/)
Rappel
A la suite d'une information judiciaire ouverte en mars 2011 par le parquet de Lille, et après avoir été entendu près de huit heures par les juges Stéphanie Ausbart et Mathieu Vignau, Dominique Strauss-Kahn a été mis en examen, lundi 26 mars 2012, pour "proxénétisme aggravé en bande organisée" en marge de l'affaire du Carlton de Lille.
(Historique ici: Le Monde.fr)
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Dominique Strauss-Kahn tient aussi à expliquer à la juge d’instruction la différence entre la prostitution et le libertinage. "Il faut que vous compreniez quelque chose, le libertinage consiste à avoir des relations sexuelles libres et consenties. On en pense ce qu'on veut sur le plan moral mais elles ne sont pas tarifées", explique-t-il. "Le libertinage suppose le consentement et le plaisir commun, ce qui n'est pas le cas, à ma connaissance, d'une prostituée", argue-t-il encore. Enfin, sur les participantes : "J'ai souvent vu des jeunes femmes habillées comme vous et moi qui se changeaient à leur arrivée dans un club libertin pour mettre une tenue plus affriolante et cela n'en faisait pas des prostituées", insiste-t-il.
(Europe1.fr)
Strauss-Khan et Plinio Corrêa de Oliveira
(www.rassegnastampa-totustuus.it)
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Les journaux de toute l'Europe, ont repris du journal « Le Monde» - qui, comme la France n'est pas l'Italie, aura à répondre devant un tribunal pour la publication des procès-verbaux confidentiels d'une enquête judiciaire - les textes de l'interrogatoire de l'ancien directeur général de Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn par le juge d'instruction Stéphanie Ausbart à Lille le 26 Mars. Beaucoup écrivent que Strauss-Kahn a cherché à passer des infractions pénales qui lui sont reprochées à des questions de principe dans le cadre d'une stratégie défensive, en essayant de tromper et même d'embarrasser la jeune magistrate de trente ans (ndt: en fait, trente sept). Il se peut que ce soit le cas.
Je suggère toutefois, une autre interprétation, inspirée par les idées du penseur catholique brésilien Plinio Corrêa de Oliveira (1908-1995).
Ce profond observateur de la crise de l'Occident, dans son ouvrage principal, «Révolution et Contre-Révolution» de 1959, avait décrit la décadence de l'Europe comme un processus en trois Révolutions, qui avaient effacé respectivement les traditionnels liens religieux, (la Réforme protestante), politiques (la Révolution française) et économiques (la révolution russe et le communisme). Par la suite, il a ajouté une nouvelle catégorie, la quatrième révolution, qui a explosé en Europe avec 1968 et qui se présentait comme une révolution culturelle, en attaquant les liens microsociaux, les familles, le lien entre la mère et l'enfant par l'avortement, et même les liens que chaque personne établit avec elle-même, à travers les drogues, l'euthanasie, l'idéologie du genre.
Dans «Révolution et Contre-Révolution», Corrêa de Oliveira mentionnait également une «marche d'excès en excès» du processus révolutionnaire, quelque chose qui correspond à la sagesse populaire déposée en Italie dans le proverbe qui dit que «le pire n'est jamais mort». C'est vrai, il n'y a pas de limite au pire.
Après le divorce et l'avortement, après l'euthanasie et le mariage gay, où peut encore arriver la quatrième révolution?
Strauss-Kahn nous le montre avec des mots à sa manière, exemplaires: la prochaine frontière est le «libertinisme intelligent» - à ce qu'on croit comprendre, typiquement français et à ne pas confondre avec le libertinisme inintelligent à la Silvio Berlusconi - qui théorise des «dîners libertins» - en des temps moins éclairés, on les aurait nommés autrement - où «il n'existe plus l'objet, mais seulement des sujets» qui manifestent leur «désir» non seulement de toutes les façons possibles, mais en public, parce que l'essence du libertinisme consiste à regarder et être regardé.
On ne saurait mieux le dire, et ils n'ont pas tort, les commentateurs qui ont noté que, par moments, il semble que ce soit Strauss-Kahn qui mette en accusation la jeune juge, qui - la pauvrette - appartient à un monde désormais dépassé, celui où existe encore le réel, l'objet , et - comme l'explique patiemment l'économiste socialiste - ne peut pas comprendre le «libertinisme intelligent» parce qu'elle ne l'a jamais pratiqué.
Bien sûr, comme dans toutes les batailles, il y en a qui tombent: dans la même série d'interrogatoires, les prostituées engagées pour les «dîners libertins» ont affirmé avoir été enchaînées par les poignets par certains des convives «intelligents» pour permettre à Strauss-Kahn de pratiquer de force des formes de libertinisme non souhaitées par elles. Mais qu'est-ce que le corps d'une prostituée face à la perspective d'atteindre le glorieux monde nouveau du «libertisme intelligent»?
Voici donc la réponse à la question sur ce que peut offrir la Quatrième Révolution,après l'avortement et l'euthanasie: le «libertisme intelligent», c'est à dire l'éloge de l'orgie et de la violence charnelle, de la part d'une personne considérée jusqu'à ses récents démêlés judiciaires comme l'homme le plus puissant dans le monde.
Il y a de nombreuses années - écrivant sur le sujet de la quatrième révolution dans «Cristianità», la revue de l'Alliance catholique (ndt: cf. L'Europe en crise) -, j'attirai l'attention sur le marquis Donatien-Alphonse-François de Sade (1740-1814), qui, au temps de la Révolution française, vérifiait une autre thèse de Corrêa de Oliveira, celle selon laquelle, dans chaque Révolution, apparaissent des «révolutionnaires à marche rapide», qui ne réussissent pas, parce qu'ils sont en avance sur leur temps, mais qui annoncent des révolutions ultérieures. Le penseur brésilien citait Gracchus Babeuf (1760-1797), qui, durant la Seconde Révolution anticipa la Troisième, le communisme. De même, Sade anticipa la Quatrième.
Seulement que le marquis libertin - lui aussi chantre de la violence charnelle - finit dans un asile (ndt: à Charenton!). Alors que nous savons aujourd'hui que Sade peut devenir le premier fonctionnaire au monde, diriger le Fonds monétaire international et décider du sort de nations entières. N'est-ce pas cela, la perfection de la Quatrième Révolution?