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Rétrospective 2011

Dans ce dernier billet, José-Luis Restàn analyse à la perfection le "wikileaks" du Vatican. Traduction de Carlota (14/2/2012)

Original ici: http://www.paginasdigital.es/

Sur ce sujet



La guérison est en marche
José Luis Restán
14/02/2012
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J’avoue que je ne sais pas qui sont les corbeaux, les taupes ni les sangliers qui vont masqués dans les Palais apostoliques. Je suis trop loin, à Madrid, et je ressens quelque chose comme de l’ennui à lire autant d’interprétations, d’hypothèses, de plaintes et gestes scandalisés. Toute cette scène me fait mal, mais d’autre part, ne ferait-elle pas partie de notre histoire de vingt longs siècles ?

C’est un fait que depuis quelques temps, quelqu’un se charge depuis l’intérieur de la structure vaticane, de la vieille et sale besogne de laisser filtrer à la presse des documents confidentiels, avec l’intention non pas de faire apparaître de la lumière mais de générer la confusion et de construire une image désolante de l’intérieur de l’Église. La finalité des objectifs peut être mince ou de longue portée. Règlements de comptes personnels, démolition de l’image du Secrétariat d’État, opposition aux mesures de nettoyage et de transparence promues par Benoît XVI, guerre préventive contre quelques cardinaux avant un futur Conclave…Mais ne nous trompons pas: les officines vaticanes ne sont pas toujours un modèle de sainteté, mais pas non plus le Far West.

S’il y a quelqu’un qui connaît à fond les lumières et les ombres de ce monde, c’est Joseph Ratzinger qui aura bientôt passé trente ans en ces lieux. Une fois, alors qu’il était Préfet de la Foi, on l’interrogea sur la Curie s’attendant, du fait sa finesse spirituelle et de son impulsion réformatrice notoire, à ce qu’il fulmine contre cette structure, qui inspire tant les auteurs des fantaisistes best sellers, et qui même à lui n'a jamais rendu la vie trop facile. Avec sa douceur et son intelligence habituelles, et avec cet instinct particulier pour ne pas se laisser emporter par le courant, Ratzinger a répondu que dans cette machinerie tant décriée travaillent aussi des gens exemplaires, qui consacrent leur vie au service de l’Église avec une ardeur et une modestie de moyens qui feraient pâlir beaucoup d’entreprises et d’administrations publiques.

Mais il est clair aussi que Benoît XVI connaît bien quels sont les risques qu’a courus le Seigneur en faisant passer son dessein par la chair d’instruments aussi faibles. Cela arrive dans les familles, avec les prêtres, les intellectuels. Pourquoi cela n’arriverait-il pas à la Curie ?
Il me revient à la mémoire ce qu’il a dit dans l’avion qui le conduisait au Portugal, au sujet des persécutions dont souffre l’Église, à la lumière de la prophétie de Fatima ; « Les attaques contre le Pape et l’Église ne viennent pas que de l’extérieur, mais les souffrances de l’Église viennent précisément de l’intérieur de l’Église, du péché qu’il y a dans l’Église. On l’a également toujours su, mais aujourd’hui nous le voyons d’une façon vraiment effrayante: que la plus grande persécution de l’Église ne vient pas des ennemis externes mais naît du péché dans l’Église, et que l’Église, par conséquent, a un profond besoin de réapprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon, mais aussi la nécessité de la justice…Nous sommes réalistes quand nous nous attendons à ce que le mal attaque toujours, il attaque de l’intérieur et de l’extérieur, mais aussi que les forces du bien sont présentes et que finalement le Seigneur est plus fort que le mal ». Bien sûr, il ne parlait pas juste pour parler. Et en regardant ce qui se passe on se rappelle le curé de Torcy quand il dit à son collègue d’Ambricourt Dans le génial Journal d’un curé de campagne de Bernanos, que dans l’Église vivent des ânes, des mulets et des boucs, parmi eux tellement sauvages qu’on a envie de les tuer, mais ce n’est pas possible parce que « le Maître veut les recevoir tous en bon état ».

Depuis pas mal de temps, j’écris qu’il existe une sourde opposition à la ligne fondamentale du magistère et du gouvernement de Benoît XVI, qui curieusement unit des personnes situées à des positions très différentes à l’intérieur des schémas aussi habituels que la gauche et la droite, ou les conservateurs et les progressistes. Si cela se passe dans tant de milieux catholiques (presse, intellectuels, quelques évêques…), comment cela ne se passerait-il pas dans le lieu le plus propice pour faire des crocs-en-jambe à son gouvernement ? Je le répète, il est bien de ressentir une profonde douleur pour tout cela, mais évitons de déchirer nos vêtements. D’ailleurs celui qui conçoit ces stratégies de confusion joue toujours avec les émotions, il essaie de dessiner une image grotesque à partir de quelques petits faits véridiques.

L’image d’un Pape isolé et impuissant, qui se consacre à ses écrits et à ses catéchèses alors que le monde est en train de couler tout autour, a une intention très claire, mais est surtout un grand mensonge. D’abord parce qu’il a plus que montré son sens du gouvernement : gouverner c’est prévoir avec sagesse, signaler les urgences missionnaires, établir les sources de la purification, convoquer l’Année de la Foi, dialoguer avec la culture laïque… C’est aussi mettre des hommes de poids et d’une fidélité prouvée dans des postes essentiels comme il le fait non sans difficultés. Ce serait stupide de penser que dans une équipe formée par des hommes comme Bertone, Ouellet, Levada, Cañizares, Piacenza, Koch… le Pape est seul. Ce qui est vrai c’est que Benoît XVI n’a pas cherché à former un escadron de clones et de gens serviles. Chacun a son accent et son style, ils peuvent diverger en ceci ou en cela, ils peuvent nous plaire plus ou moins. Mais l’idée d’un pape séquestré dans ses appartements et débordé par les évènements est tout simplement ridicule. Que le pus sorte à la lumière est le symptôme de ce que la guérison est en marche.

Je brûle vraiment d’impatience d’écouter ce que dira Benoît XVI la prochaine fin de semaine au Consistoire, et à travers lui, à nous tous, au monde entier. Entre temps, je crois que tout ce brassage se résume en sa préoccupation la plus insistante : la faiblesse de la foi, la fatigue de la foi, le risque qu’elle s’éteigne. Et il serait stupide de penser que ce problème n’est qu’à l’extérieur, et non à l’intérieur de notre propre maison. Dans l’un des ses derniers discours en Allemagne, il nous a laissé ce jugement et ce guide : « il ne s’agit pas ici de trouver une tactique pour relancer l’Église. Il s’agit bien plus de laisser tout ce qui est simple tactique et de chercher la pleine sincérité, qui ne néglige ni ne réprime la vérité de notre époque mais qui réalise pleinement la foi dans notre temps, en la vivant intégralement précisément dans la sobriété d’aujourd’hui, en l’amenant à sa pleine identité, en lui enlevant ce qui est apparemment la foi, mais qui n’est rien de plus en réalité que convention et habitude ».