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Rétrospective 2011

Après Mgr Luigi Negri, sur les accidents de la route, c'est au tour du Cardinal Bagnasco de "monter au créneau" sur un autre fléau de cette société sans repère. Et on en revient toujours au même problème: l'éducation - ou plutôt son absence. (3/3/2012)

     



Réflexions inquiètes sur les jeux de hasard, exprimées par le cardinal Angelo Bagnasco
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Le cardinal Angelo Bagnasco, Président de la CEI - la Conférence épiscopale italienne - a prononcé à Gênes, le 24 Février dernier, lors d'un congrès organisé par la Fondation Anti-usura, un discours fort sur le jeu «qui est présent depuis longtemps dans notre pays comme une pieuvre étendant ses tentacules mortelles, promettant beaucoup et déracinant encore plus, souvent tout, pour des raisons bien connues».

Texte ici: http://www.provincialatina.tv...
Ma traduction.

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1. Une urgence sociale
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J'ai lu qu'en Italie, il y a un million 800 000 joueurs à risque, dont 800 000 doivent être considérés comme «malades» parce que joueurs pathologiques et compulsifs; et que, dans l'année écoulée, environ quatre-vingts milliards ont été brûlés ainsi, soit presque deux fois le plan «Sauver l'Italie» du gouvernement Monti. En outre, il est aujourd'hui notoire qu'à Gênes, 46 mini casinos, impliquant un nombre exhorbitant de mineurs, sont florissants
Ces quelques faits font comprendre que nous sommes confrontés à une véritable situation d'urgence sociale.

Lorsqu'en effet on brûle ses ressources, en suivant le mirage du gain, il ne reste que les cendres, et pour pouvoir continuer à joindre les deux bouts, on cherche d'autres voies, ruineuses pour soi-même et pour ses proches. Pour cette raison, j'ai dit récemment qu' «il est nécessaire d'endiguer le fléau du jeu de hasard, comme fuite désespérée d'une réalité jugée ingrate, ou comme sirène séductrice d'une vie facile, mais qui se révèle comme une dépendance abrutissante qui déforme l'humain et brise les familles» (A. Bagnasco, Discours au Conseil épiscopal permanent, 23/01/2012).
Le jeu de hasard exaspéré, tandis qu'il crée l'illusion, se révèle être un facteur non négligeable de malaise général et de déstabilisation sociale, créant des cercles vicieux non seulement pour les personnes qui entrent dans le cercle de la dépendance psychologique et émotive, mais aussi pour la collectivité toute entière, qui est atteinte sur le plan de la solidité et de la sécurité.


2. Une culture plus humaine
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Cette situation, dont nous sommes désormais tous informés et, nous l'espérons tous inquiets, témoigne d'une vérité qui, aujourd'hui, est souvent non seulement méconnue mais également niée: à savoir, que nous sommes liés les uns aux autres, et que chaque comportement individuel a aussi des implications au niveau social, retombe tôt ou tard sur tous. A l'inverse, la mentalité actuelle, raisonne en termes d'individualisme forcené et aveugle, selon lequel chacun devrait faire ce qu'il veut et ce qu'il a envie de faire, comme si la seule référence de son action était justement lui-même, comme s'il était une monade (unité) indépendante des autres, comme si les autres n'intervenaient en aucune manière dans ses choix, et que la sphère privée, qui doit certes être respectée, était étendue à toute l'existence, sous toutes ses formes et en tout temps.

En réalité, comme l'a souligné le Saint-Père Benoît XVI récemment, «Notre existence est corrélée avec celle des autres, que ce soit dans le bien ou le mal; à la fois le péché et les œuvres d'amour ont aussi une dimension sociale» (Message pour le Carême 2012).

De la constatation empirique, nous sommes donc passés à la réflexion théorique, et cela ne signifie pas faire de l'abstraction, mais revenir aux principes qui toujours sous-tendent la pratique des hommes et de la société. Si nous devons apprendre de l'expérience - Historia magistra vitae - alors un premier remède à invoquer pour nous et pour le pays est une culture différente de celle qui est constamment médiatisée et que nous respirons; une culture qui ne nous est pas étrangère mais que nous devons tous rappeler à notre conscience. Elle naît d'un humanisme relationnel et ouvert à la transcendance: l'homme n'est pas un sujet fermé sur lui-même et égocentrique, mais ouvert sur l'ensemble de la réalité, en dialogue avec la vie. Réalité et vie qui viennent à notre rencontre à travers les visages des autres et le visage de l'Absolu qui fonde notre contingence humaine, et lui donne lumière et destin.

L'homme est donc un sujet à haute densité relationnelle, qui vit et se développe dans un contexte familial et social. Il est d'abord en relation avec Celui qui le place dans «l'être», et ensuite avec les autres, dans un don réciproque.
Si les choix ne sont pas vécus dans cet horizon culturel, alors, chacun est sa propre loi, et les autres sont perçus comme des liens fastidieux, comme des entraves dont il faut se libérer si elles ne sont pas utiles. Prévaut alors la catégorie de l'utile, et non de la vérité et du bien.


3. La tâche éducative

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Nous sommes arrivés ainsi à l'horizon éducatif, celui qui est décisif, même s'il a besoin de temps. En ce sens, j'ai dit qu'encore avant le déficit budgétaire, nous devons résister «aux maladies nouvelles d'un post-modernité fragilisée par ses propres obsessions» (A. Bagnasco, Discours au Conseil épiscopal permanent, 23/01/2012)
Il y a, en effet, des distorsions culturelles et éducatives, qui, si elles ne sont pas corrigées fermement et uniformément, cultivent des illusions dévastatrices dont résultent le malheur et la dépression, non pas seulement de l'individu - particulièrement la jeune génération - mais de la société tout entièreL
Les maladies que j'évoquais sont celles, notoires, du mythe de la vie facile et de la recherche du plaisir, comme si la discipline, le travail et le devoir quotidien étaient des choses dépassées, d'un autre temps, peut-être même des objets de dérision.
L'éducation complète, qui trouve son paradigme et sa source dans le Seigneur Jésus, nous parle au contraire de la vie comme un don et une tâche, comme liberté et responsabilité, qui réclame le goût de la fidélité au travail comme marque de l'existence commune; non pas le goût pour le gain ou les honneurs avant tout, mais la satisfaction de bien faire son travail.

L'oeuvre d'éducation aide à une prise de conscience sereine et honnête de soi-même, de ses capacités, sans dépression et sans présomption; elle entraîne à avoir la vraie mesure des choses, y compris des attentes, elle appelle à la confiance et au courage dans l'enreprise, à être disposé au sacrifice et la joie au cœur; elle rappelle la beauté de la construction lente et méthodique, la patience de l'attente, sans prétendre avoir tout, tout de suite, dans les affections, dans le travail et dans la vie. Elle enseigne à rester debout et avec fermeté, même quand les déceptions et les échecs se font sentir et voudraient nous conduire au découragement, jusqu'à échapper à la réalité.

Mais - nous le savons - on ne peut pas échapper à la vie, et quand on essaie, on voit qu'on a glissé dans un abîme plus dangereux et triste. Nous devons donc aider l'homme à se retrouver lui-même, sa vérité et sa beauté. La vie n'est pas un jeu de hasard.
Aujourd'hui, on veut faire croire que l'essence du temps réside dans le succès et l'apparence, dans la quantité d'expériences gratifiantes; et que pour obtenir cette brillante patine, il est nécessaire de tenter le sort. Mais il ne s'agit pas seulement de nos propres ressources, il s'agit aussi et surtout de quelque chose de spirituel, d'intime, qu'on ne voit pas et qu'on ne peut pas peser, qu'on ne peut pas acheter, mais qui vaut la vie elle-même, qui définit l'homme non pas dans ce qu'il a, mais dans ce qu'il est.
Sortir de l'horizon de son âme pour devenir un adepte obsessionnel et forcené du hasard, signifie par conséquent non seulement lui remettre ses biens, mais le bien que chacun est pour lui-même, et donc appauvrir toute la société. Le Pays lui-même est dénaturé dans son âme profonde, qui est le trésor le plus précieux, car il l'identifie et le fait vivre.


4. Une société qui éduque
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C'est là - à mon avis - le pire du pire auquel nous ayons à penser et à mettre la main avec une extrême rigueur intellectuelle et éthique. Mais ensemble!
C'est pourquoi j'ai insisté à plusieurs reprises que la famille ne soit pas laissée seule par la société, ni dans sa tâche éducative, ni dans ses dynamiques internes qui doivent trouver - si nécessaire - des interlocuteurs appropriés.
Des politiques de soutien adéquates doivent de plus en plus et de mieux en mieux être ressenties par les familles en tant que telles, c'est à dire comme sujets spécifiques, sinon on verra disparaître le premier et irremplaçable noyau social, qui a de multiples significations pour les composants individuels et pour l'ensemble de la communauté.
Mais l'école doit être aussi, par sa finalité même, un lieu d'instruction et d'éducation humaine; un lieu où - en plus des connaissances et des compétences nécessaires -sont offerts une stimulation constante à penser, un rappel quotidien aux valeurs ultimes et décisives qui se rapportent non pas au comment des choses, mais à leur sens, au goût de la vérité pour elle-même, au critère du bien, aux valeurs qui donnent substance à la vie et créent l'appartenance à la communauté.
L'Eglise est «mère et maîtresse», comme l'a dit le bienheureux Jean XXIII: éclairée par son Seigneur et soutenue par le Saint-Esprit, elle a une histoire bimillénaire d'évangélisation et de promotion culturelle et humaine qui est à l'origine de la civilisation européenne et de l'humanisme.

Mais, comme cela a été plusieurs fois souhaité, c'est l'ensemble de la société qui doit devenir éducative.
Dans le moment historique que nous vivons, dans lequel le risque de désorientation est évident, même s'il est souvent interprété comme un enrichissement, il est nécessaire que la société dans son ensemble fasse un saut de responsabilité et de qualité: des institutions aux différentes associations, du monde vaste et important de la communication au corps législatif, de l'économie à la finance, de la bureaucratie au temps libre ... chacun doit faire sa part en termes de rigueur et de cohérence, pour que les jeunes générations soient admiratives et contaminées par des styles de vie vrais et vertueux, pour être à la hauteur non seulement de notre devoir d'adultes, mais aussi des attentes des jeunes générations. Les jeunes ont l'instinct du vrai et bon, il ressentent la nostalgie de l'Absolu et du Transcendant et ils essayent de le trouver chez ceux qui plus avancés dans la vie. Ils en ont le droit.

Il est désormais évident, même dans la culture occidentale qui semble pourtant inexorablement sécularisée et sourde aux appels de l'esprit, que la recherche de Dieu, de la vérité et de la beauté spirituelle, de ce qui donne sa substance à la vie et à la mort, est désiré, et traverse le cœur.
J'espére avec vous que des lois opportunes et appropriées seront mises en place tant au niveau local que national, comme cela a été fait dans d'autres domaines néfastes, mais sans oublier que c'est avant tout une éducation nouvelle qui est la meilleure prévention et la vraie réponse non seulement au fléau du jeu, mais ausssi de tous les autres mirages destructeurs. Une culture qui soit véhiculée par l'expérience de la société tout entière.