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Effet Bergoglio

Un article - sévère, mais argumenté - d'Antonio Socci (17/11/2014, mise à jour)

     

Socci est sévère, il peut lui arriver d'être excessif.
On n'est pas obligé d'être d'accord avec tout. Mais on peut tout dire, sauf qu'il parle sans savoir.
Tout ce qu'il dit ici est développé, références à l'appui dans son livre "Non è Francesco" (j'en reparlerai, j'encourage vivement mes lecteurs qui se débrouillent à peu près en italien à l'acheter, il est aussi un magnifique hommage à Benoît XVI), boycotté par les médias unanimes, catholiques et laïcs, mais qui cartonne au hit-parade des meilleures ventes d'essais en Italie. J'attends d'ailleurs de voir s'il sera traduit en français: j'aurais tendance à parier que non, auquel cas il faudra tirer les conclusions qui s'imposent, et notamment écarter l'argument économique, souvent trop commode pour dédouaner la désinformation.

Le titre de l'article fait allusion à Scalfari que tout le monde connaît désormais, car grâce à ses interviews du Pape, il s'est bâti une notoriété "commerciale" qui a largement franchi les Alpes, et même les océans, mais aussi à deux dinosaures de la gauche italienne, Marco Panella, né en 1930, leader du Parti Radical, et Fausto Bertinotti, né en 1940, ex-membre du PCI et actuellement membre du Parti Refondation communiste.
Tous deux féroces contempteurs de la papauté jusqu'en 2013, tous deux devenus depuis lors papistes de fer.

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PANNELLA, SCALFARI ET BERTINOTTI SE SONT-ILS CONVERTIS? OU EST-CE LE CONTRAIRE?
16 novembre 2014
Lo Straniero
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Avec Fausto Bertinotti et Eugenio Scalfari, le fan le plus électrisé du pape Bergoglio est Pannella («Vive le pape!», «Nous, radicaux, nous l'aimons beaucoup», «Je veux devenir un citoyen du Vatican»).

Une conversion «incroyable» à «l'opium du peuple», la religion, ultime abordage recommandé dans la vieillesse, parce que - on ne sait jamais - là-haut, on pourrait même trouver la surprise de Dieu?
Non, il n'y a aucun signe d'un retour à l'Eglise catholique, ni de repentir, ni de changement de vie, dans ce coup de foudre qui a frappé le leader de Rifondazione Communista, et les deux symboles de l'anticléricalisme, du laïcisme et de la déchristianisation de l'Italie.
Au contraire. C'est l'exact opposé. C'est - de leur part - le sentiment d'un triomphe inouï de la culture radicale et laïciste - après la société italienne - même dans l'Église.
Et de la part de Bertinotti, il y a l'enthousiasme pour un pape qui se pose comme le nouveau leader révolutionnaire et «noglobal» (anti-mondialiste) du monde.
Mais est-ce le cas? Ne serait-ce pas plutôt parce que Scalfari et Pannella sont simplement gratifiés d'appels téléphoniques et d'entretiens, compte tenu de leur ego depuis toujours incandescent?
Et Bertinotti n'aurait-il pas mal compris l'appel à «la lutte» lancé par Bergoglio à Leoncavallo et compagnie?
Je rappelle que des intellectuels, journalistes ou hommes politiques qui sont restés foudroyés par les papes, il y en a eu beaucoup dans le passé. En particulier, par le charismatique Jean-Paul II et par le savant Benoît XVI.
Dans ces cas, toutefois, il s'agissait de vrais retours à la foi catholique ou de «conversions» culturelles qui conduisaient à adhérer au moins à l'enseignement culturel et éthique de l'Eglise.
Au contraire, a expliqué Sandro Magister, la popularité de François «ne provoque pas de vagues de convertis. En fait, avec lui il y a une certaine satisfaction dans la culture étrangère ou hostile au christianisme».
Dans quel sens? «En voyant que le chef de l'Eglise se déplace vers leurs positions, qu'il semble comprendre et même accepter»
Donc l'exaltation des différents Scalfari Pannella et Bertinotti n'est pas celle de celui qui a trouvé la foi, mais de celui qui prétend avoir «conquis» même le Vatican.

JE DIS ET JE ME DÉDIS
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Mais, direz-vous, hier Bergoglio a parlé aux médecins catholiques contre l'avortement et l'euthanasie. Alors, comment peut-il être acclamé par les Pannella et par les Scalfari? N'est-ce pas la preuve qu'ils se sont trompés?
En réalité, le discours d'hier ne refroidira absolument pas leur enthousiasme bergoglien.
Avant tout parce que les interventions de François sur ces questions sont très rares, tandis que celles de ses prédécesseurs étaient fréquentes parce qu'ils voulaient sonner l'alarme pour une humanité qui - selon l'Eglise - est en pleine «urgence humaine» ayant perdu (comme le répétait Mère Teresa de Calcutta), jusqu'à l'ABC de l'humanité.
Bergoglio a tout de suite averti qu'il n'adhérait pas à la bataille sur les «principes non négociables» (ce qui constituait une lourde rupture dans le magistère) et il a même qualifié d'«obssession» ce choix du magistère précédent.
Mais pourquoi les discours du pape Bergoglio semblent-ils si contradictoires entre eux.
À l'automne 2013, une intellectuelle catholique bien connue d'Amérique latine, professeur d'université, Lucrecia Rego de Planas, qui connaît bien Bergoglio et a travaillé avec lui, a dressé un portrait de l'homme, où, entre autres choses, elle écrivait (traduit par Carlota ici: ...un-cahier-de-doleances-pour-francois).

«(Bergoglio) aime avoir un bon accueil de tout le monde et être bien avec tout le monde, de sorte qu’il peut un jour dire un discours à la télévision contre l’avortement et le jour suivant à la même télévision, apparaître en train de bénir les féministes pro-avortement sur la "Plaza de Mayo" ; il peut dire un discours merveilleux contre les francs-maçons et, quelques heures après, être en train de dîner et de trinquer avec eux au Rotary Club... Tel est le cardinal Bergoglio, que j’ai connu de près: un jour parlant avec animation avec Mgr Duarte et Mgr Aguer au sujet de la défense de la vie et de la Liturgie et, ce même jour, au dîner, conversant, toujours avec animation, avec Mgr Ysern et Mgr Rosa Chávez au sujet des communautés de base et les terribles barrières que signifient "les enseignements dogmatiques" de l’Église. Un jour, ami du Cardinal Cipriani et du Cardinal Rodríguez Maradiaga, parlant de l’éthique de l’entreprise et contre les idéologies New Age et, un instant après, ami de Casaldáliga et de Boff, en parlant de la lutte des classes et de la "richesse" que les techniques orientales peuvent apporter à l’Église».

Alors, un vide de pensée théologique et philosophique? Une sorte de péronisme pastoral qui contient tout et son contraire? Son bagage culturel est vraiment très pauvre (lui-même l'appelle «pensée incomplète»), mais la stratégie pastorale est là, et elle est très évidente.


MASCARADE (carnevalate)
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L'incohérence des contenus est un choix politique qui est utilisé pour atteindre un objectif précis. Les fans l'acclament: enfin, voilà un pape moderne et laïc.
En réalité, la boussole stratégique de ce pontificat semble être la «désacralisation».
C'est cela qui explique - en plus de l'abandon des «principes non négociables» - de nombreux choix petits et grands, apparemment sans connexion logique entre eux.
Depuis sa première apparition sur le balcon de Saint-Pierre, dans la soirée du 13 Mars 2013, quand il a refusé l'étole sacerdotale et la mozette rouge (symbole du martyre de Pierre et de la juridiction) les qualifiant de «mascarade» (ndt: en fait, ceci n' a jamais été ni confirmé ni vraiment démenti)
Immédiatement, les médias ont salué la «désacralisation» de la papauté, cueillie également dans d'autres signes, tels que le «bonsoir», et le fait de s'être défini à quatre reprises comme «évêque de Rome» et jamais pape.

Une désacralisation de la papauté (tandis que commençait la construction du mythe de l'homme Bergoglio) qui a continué ensuite avec d'autres choix, petits (tels que le refus de l'appartement pontifical) et plus graves de conséquences (même ambigus), comme l'expression «qui suis-je pour juger?», la condamnation du prosélytisme catholique et de la soi-disant «ingérence spirituelle» (c'est-à-dire de l'influence chrétienne dans le monde).
Et le Synode n'est-il pas une désacralisation flagrante de la famille? Et ne pas faire la génuflexion devant le tabernacle lors de la consécration? Et l'admission de tous à l'Eucharistie déjà pratiquée à Buenos Aires?
Et dire que pour les chrétiens, il n'y a pas de «vérité absolue»?
Et les affirmations sur le Bien et sur le Mal comme opinions subjectives faites à Scalfari ne relativisent-elles l'objectivité de la morale?
Et proclamer qu’«il n'y a pas de Dieu catholique» n'est-ce pas relativiser la foi? Et le discours de Caserta?
Et insinuer - comme il l'a fait dans son homélie du 20 Décembre 2013 - que la Sainte Vierge, sous la Croix «avait peut-être envie de dire 'j'ai été trompée'» parce que les promesses messianiques lui semblaient des «mensonges»? (cf. w2.vatican.va: ce passage semble avoir été expurgé de la version officielle) [(*)].
N'est-ce pas une désacralisation de la figure de la Mère de Dieu? La doctrine catholique a toujours affirmé que - comme nous le lisons dans le Catéchisme - «sa foi n'a jamais vacillé, Marie n'a jamais cessé de croire dans l'accomplissement de la Parole de Dieu. Voilà pourquoi l'Église vénère en Marie la réalisation la plus pure de la foi ».
On pourrait continuer avec les remarques sarcastiques (et parfois péjoratives) sur les chrétiens, sur ceux qui prient le chapelet, sur les prêtres en soutane, les religieuses qui jeûnent. Dans la perspective de la désacralisation de la liturgie et la vie religieuse.
Et puis les lieux: l'imam appelé à prier au Vatican (où il a invoqué Allah pour la victoire sur les mécréants), la Chapelle Sixtine accordée à Porsche pour un événement d'entreprise, Leoncavallo (et d'autres groupes marxistes) reçus et harangués par le Pape le 28 octobre (ils reviendront), Patty Smith appelée au concert de Noël au Vatican. La seule chose qui manque, c'est Vladimir Luxuria (célèbre transexuel) à TV2000 (la chaîne de la CEI, qui l'avait invitée) (reporté). A quand une partie de basket-ball à Saint-Pierre?

NAUFRAGE
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Il y a en revanche avec Bergoglio une sacralisation des thèmes sociaux, typique de la gauche.
C'est pour cette raison que l'Eglise en Amérique du Sud depuis des décennies est à la dérive, elle est celle qui est la plus en crise de toute la planète:les derniers chiffres, qui viennent d'être diffusés par le «Pew Research Center», confirment cet écroulement vertical de l'appartenance à l'Eglise catholique en Amérique latine.
Maintenant, cette recette de faillite est appliquée à toute l'Église. Et bientôt, nous allons voir les ruines elles-mêmes.
Effet Bergoglio.

Note

Mon ami Yves Daoudal me signale que le passage en question se trouve sur Zenit .
Le fait que la version "officielle" ait été expurgée prouve que les gens chargés, au Vatican de mettre en forme puis publier les méditations matinales de Sainte Marthe, ont tiqué!

Le pape a donné le modèle de la Vierge comme icône du silence, évoquant « toutes les fois où elle s’est tue pour préserver le mystère de sa relation avec son fils », jusqu’au silence « au pied de la Croix ».

« Elle était silencieuse, mais dans son cœur, que de choses elle disait au Seigneur : ‘Toi, ce jour-là tu m’as dit qu’il serait grand, tu m’as dit que tu lui donnerais le trône de David, son père, qu’il règnerait pour toujours, et maintenant, je le vois là’. La Vierge Marie était humaine ! Et elle avait peut-être envie de dire : ‘Mensonge ! J’ai été trompée !’ »
(traduction Hélène Grimblat)