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Le Pape président d'une ONG

Il y a confusion des genres, dit Marcello Venezziani, au lendemain de la publication du Message 2018 pour les migrants et les réfugiés... (30/8/2017)

Marcello Venezziani est un intellectuel italien de droite (ce qui vaut la peine d'être souligné - et salué! - car se réclamer de la droite, aujourd'hui, nécessite un certain courage) que nous avons rencontré récemment dans ces pages, dans un commentaire décapant intitulé "L'imbécile global au pouvoir" (25 juin).
Il est intéressant de noter qu'au lendemain de l'élection de François, en juin 2013, il ne nourrissait aucun préjugé hostile envers le nouveau Pape, tout au plus se posait-il des questions ("je n'ai toujours pas résolu son vrai mystère: est-il vraiment en train d'accomplir un changement radical, dans un style franciscain, ou bien est-ce la stratégie raffinée d'un jésuite pour gagner le consensus des médias et des croyants?"), mais il n'en affirmait pas moins: "pour l'Eglise, surtout aujourd'hui, nous avons besoin d'un pape comme François, parce qu'il parle à tout le monde et ramène la foi à sa simplicité originelle, enfantine" (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II).

Au fil du temps, son attitude a évolué, ou plutôt ce sont les faits qui se sont chargés de répondre à ses interrogations du début: dans un article écrit en novembre 2016, au lendemain de la visite du Pape à Lund pour "célébrer" Luther et le cinquième centenaire de la réforme, il le définissait alors d'une formule aussi lapidaire qu'efficace comme "un pape qui risque de finir non pas en odeur de sainteté, mais en odeur de publicité" (benoit-et-moi.fr/2016).

Ce dernier article, datant de ces jours-ci, poursuit le virage amorcé. Cette fois, le prétexte est la fameuse lettre pour la Journée 2018 pour les migrants et les réfugiés (cf. Une citation erronée et Ligne rouge).
Il est reproduit sur son blog, et publié dans le numéro de septembre 2017 du mensuel - de droite, bien sûr! - Il Borghese (dont on trouvera la "carte d'identité" sur la notice wikipedia en italien).
Parallélement, je suis en train de traduire un très bel article écrit par le même Marcello Veneziani à l'occasion du 90e anniversaire de Benoît XVI, qui permet de situer l'auteur par rapport au pape émérite. A suivre, donc.

Quand le Pape fait le président d'ONG

www.marcelloveneziani.com
Ma traduction

* * *

Je l'avoue. J'ai du mal à appeler Bergoglio 'Pape François'. Il lui manque l'aura du sacré, le charisme religieux, la grâce du Saint-Père. Je le sens plus comme le président d'une ONG, à la tête d'une antique, grande, organisation non-gouvernementale.

Son thème-clé n'est pas la relation entre l'homme et Dieu, le mystère de la foi et de la résurrection, l'âme immortelle et notre Seigneur Jésus-Christ. Mais c'est l'accueil, les migrants, le secours aux pauvres du monde entier, le dialogue avec les non-croyants ou avec les croyants d'autres religions, à commencer par les musulmans, le désir de plaire aux médias et à l'Esprit du temps, plus qu'à l'Esprit Saint.

C'est un pape extraverti, c'est-à-dire à usage externe, qui se rapproche des éloignés et éloigne les proches; et même, pour être plus précis ou caustique, qui voudrait se rapprocher des éloignés, mais en attendant éloigne les proches, c'est-à-dire les croyants et les "hypo-croyants", ceux qui pratiquent faiblement et de façon incertaine.

Dieu sait que je comprends qu'un pape se réfère à l'esprit d'origine de l'Evangile et fasse prévaloir les raisons de l'humanité sur la réalité d'une nation, d'un État, d'une communauté. Jean-Paul II l'a fait aussi, et même Benoît XVI, avec une sobriété retenue.

Mais Bergoglio va plus loin et prend place dans la file de l'idéologie du dépassement des peuples, des cultures, des sexes, de toutes les limites. Comme une Boldrini [présidente de la Chambre des députés italienne] ou un Mattarella [président de la République italienne] quelconques, avec lesquels Bergoglio forme le Trio de l'accueil.

Il veut transformer l'Italie en corridor humanitaire et l'Europe en un grand centre d'accueil, tonne contre les murs des autres et oublie qu'il vit dans l'enceinte sûre des murs du Vatican ...

Je reconnais au pape deux mérites. Le premier, de montrer par moments une foi naïve, de curé, familière, qui lui fait évoquer la présence de Jésus, de la Vierge Marie et même du diable dans la vie quotidienne, comme cela se faisait autrefois chez nous. Une foi domestique, un peu naïve et vintage.
Bergoglio vient d'un monde qui n'est pas vieux comme le nôtre, corrodé par le nihilisme et le cynisme.

Et puis, autre mérite, Bergoglio critique la primauté absolue du marché et du profit, condamne l'égoïsme du néo-capitalisme, frôlant parfois un langage qui rappelle Peron plus que la théologie de la libération. En cela, il continue l'oeuvre des papes précédents, comme [l'encyclique de 1987] Sollicitudo Rei Socialis du Pape Woityla.

Pour le reste, François est en train de précipiter l'Eglise catholique dans un destin syndicalo-humanitaire, type Emergency ou Sant'Egidio, d'agence pour la restauration philanthropique universelle; une entité spirituellement éteinte qui préfère dialoguer avec les progressistes athées plutôt qu'avec les catholiques non progressistes.

Et sans convertir qui que ce soit à la foi. La prédilection pour le sociologue [Zygmund] Bauman [voir par exemple benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/les-athees-aiment-le-pape-franois], l'amitié avec Scalfari et la préférence déclarée pour le quotidien Repubblica en sont des témoignages supplémentaires. Ou le fait que devant tous les massacres et les persécutions de chrétiens, il reste silencieux ou décide de parrainer au Vatican un groupe de musulmans, en dit long sur ses priorités.

Ou encore, se présenter comme le pape du sourire, dialoguant avec tout le monde et indulgent envers ceux qui se trompent, puis mettre dehors quiconque dans la hiérarchie de l'Église n'est pas de son côté, ou est considéré comme conservateur, montre son double visage.

Sans parler de son silence assourdissant sur les questions concernant la vie et la mort, l'avortement et des mutations transgéniques, la propagande de genre, les couples homosexuels et l'adoption homosexuelle, les mères porteuses, la fécondation in vitro, la naissance et la famille, qui furent des points cruciaux des pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI.

Même en face d'épisodes spectaculaires, de déclarations absurdes ou de manifestations populaires en défense de la famille et des naissances, Bergoglio est silencieux; mais il est prompt à intervenir quand il s'agit de questions syndicales ou de controverses humanitaires, écologistes, pacifistes, sans épargner la démagogie et le moralisme facile.

Un pape des migrants, un pape format import-export, un pape-portier de la réception de l'Auberge Italie. Bergoglio est encore resté mentalement à son premier voyage pastoral à Lampedusa. Il ne se rend pas compte qu'entre dénatalité et flux migratoires, la civilisation chrétienne s'éteint.

Mais c'est surtout sur une question que la méthode Bergoglio se révèle inadaptée: il n'approche ni ne rapproche à l'Église aucun fidèle ancien ou nouveau, il n'éveille pas de vocations ni l'assiduité pour assister à la messe. La déchristianisation se poursuit, les églises restent désertes, les données le confirment de façon dramatique.

Il suscite la sympathie personnelle et médiatique, en particulier chez les non-croyants; mais l'acclamation du fan club Bergoglio ne se traduit pas en foi.

Quand il a été élu pape , nous avions espéré qu'après un pape allemand théologien, intellectuel, loin du peuple des croyants [ndt: comme ce lieu commun est regrettable!!] et proche des tempêtes théologiques et philosophiques de l'Europe en crise, arrive un pape plus pasteur, plus communicateur, moins lié à la crise européenne, venu d'un autre monde lointain et plus jeune, moins pénétré par le désespoir.

Le pasteur argentin, qui se présentait déjà asticieusement sous le nom de François, semblait pouvoir répondre à ce besoin de tout recommencer. Seul un jésuite pouvait se faire appeler François, un franciscain n'en aurait jamais osé autant.

Mais ce pape a très vite démontré qu'il n'avait pas la grâce, ni la lumière dans sa manière d'agir, de parler; il a montré qu'il ne supportait pas la tradition, le rite, la liturgie, qu'il rejetait le sacré et réduisait ce qui est saint à une révolte humanitaire. Et l'exaltation récente de don Milani et de don Mazzolari (cf. François aime les "mauvais prêtres") en sont la preuve.

Sans parler de cette touche de cabotinage et de vanité qui le caractérise.

Alors ces présages néfastes, les deux papes vêtus de blanc, lui qui vit pratiquement à l'hôtel, la colombe déchirée sous les yeux [allusion au lâcher de colombes lors de l'angélus du 26 jnvier 2014 cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/la-colombe-dechiree-et-les-signes), les vilaines histoires vaticanes qui se remettent à pleuvoir ...

C'est comme si une énergie spirituelle s'éteignait, et les deux papes, ensemble, s'annulaient mutuellement. Le pape émérite et le pape démérite ...