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L'Eglise en Belgique à la dérive Official Papal Visit Website Fin de l'année sacerdotale Meurtre de Mgr Padovese Chypre, 4-6 juin Voyage au Portugal La lettre de Jeannine

Une Eglise plus combattive (II)

Suite à son précédent éditorial, Giuliano Ferrara répond à une belle lettre ouverte que lui a adressée un collaborateur de son journal. Et à un ahurissant article d'un vaticaniste de gauche, GianCarlo Zizola, paru sur La Repubblica. Ce sont trois conceptions de l'Eglise qui s'affrontent. (9/6/2010)

On trouvera sans difficulté le pendant chez nous, au moins pour la première et la troisième.
G.Ferrara reste inclassable, et si je me reconnais bien dans le portrait de "l'athée dévot" qui "aime le Pape et l'Eglise", mais qui se sent "exclu provisoirement de la dimension de grâce, la dimension surnaturelle, de la foi, mais qui cependant [a] de la considération, du respect et de l'amour pour la foi des autres", et si j'apprécie qu'il ait démasqué les faux amis, je suis plus réservée sur sa conclusion ("les raisons de certains de ses derniers accents me sont peu claires, comme sa difficulté à donner une voix, au-delà de la douceur de la reddition chrétienne devant l'histoire, à une ligne de résistance à la tyrannie séculariste et aux terrorismes idéologiques laïcistes").

-> Voir ici: Une Eglise plus combattive

Benoît XVI, les coupeurs de gorge, et les nouveaux amis ambigus
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1. La lettre de Benedetto Ippolito

(Il Foglio du 8 juin, ma traduction)

Au Directeur

J'ai lu votre éditorial d'aujourd'hui.
Tout en étant comme vous convaincu que Mgr Padovese a probablement été tué pour des raisons politiques et non pas seulement d'ordre privé, et qu'il est vrai qu'il y a une campagne articulée et efficace contre le christianisme catholique, en Occident et au-delà, laquelle inclut l'attaque concrète contre le sacerdoce et la tyrannie séculariste, je crois, cependant, que l'attitude chrétienne ne peut jamais suivre une logique purement géopolitique, éventuellement ancrée dans une sacro-sainte identité occidentale. Lorsque cela est arrivé, dans le passé, l'Église a fait un mauvais choix, et elle a dû en payer un lourd tribut.
Le Pape montre, au contraire, qu'il considére le surnaturel comme quelque chose de réel, c'est à dire de politiquement valide, particulièrement pour interpréter les événements du monde, et comprendre le mal et la souffrance que subit, et qui est dans l'Église. La question n'est pas de savoir si nous vainquons ou si nous nous perdons contre l'Islam, mais si nous réussissons, oui ou non, à être chrétiens dans le troisième millénaire, à savoir dans nos vies.
Benoît XVI dit que l'on peut. En effet, les musulmans doivent être accueillis, non par pitié ou au nom de la réciprocité. Et nous devons encore moins nous aimer et nous auto-pardonner, avant les autres, par commodité ou intérêt. C'est la foi chrétienne elle-même, qui en fin de compte impose intérieurement et publiquement d'accepter, de pardonner et d'agir vertueusement, même quand il n'y a pas de raison humaine ou sentimentale pour le faire. Le secret de Ratzinger est la fidélité et l'authenticité de sa foi, héroïque, triomphante et rationnelle, même si elle n'est pas politiquement en mesure de s'imposer, et est forcée à l'humiliation. L'ultime conviction est que de cette façon, l'Église finira par vaincre, non seulement dans le ciel mais aussi sur terre.

2. La réponse de Giuliano Ferrara

Cher Ippolito,

Votre lettre met l'accent, avec une intelligence pleine de sensibilité, sur un grand problème, peut-être le plus grand problème pour les gens qui, comme moi, sont exclus provisoirement de la dimension de grâce, la dimension surnaturelle, de la foi, mais qui cependant ont de la considération, du respect et de l'amour pour la foi des autres. Et qui estiment impensable un monde occidental, et peut-être le monde en général, sans le christianisme et sans la foi catholique et son Eglise. Si ma revendication polémique et paradoxale de «dévotion» (ndt: rappelons que GF s'appelle "athée-dévot") a tellement irrité les libertins plus ou moins authentiques de notre époque, c'est parce qu'ils ont pressenti, que ce soit ces laïcistes qui se tiennent hors des murs de l'Eglise, que ceux qui sont à l'intérieur, qu'aimer l'Église et le Pape sans être en communion sacramentelle avec le peuple de Dieu est un scandale, une hypothèse politique de religion civile et d'Eglise de Constantin, autrement dit impériale.

En effet, les bons chrétiens bien comme il faut, de gauche, pacifistes et paupéristes, disent aimer le Christ, honorer la liberté de conscience, s'élever spirituellement à des hauteurs célestes inégalée, mais ils se méfient beaucoup de la fonction civile et mondaine de l'Eglise, méprisent souvent la hiérarchie et sa mission historique, ont en horreur la "papolâtrie".
Leur ligne théo-politique, et je parle des vieux ennemis de Jean-Paul II et du cardinal Ratzinger, aujourd'hui tentés par un sentiment soudain d'amitié pour Benoît XVI, louable, mais pas exempt d'ambiguïté, est la suivante: l'Evangile suffit, la foi est un fait privé, ou communional, dans le sens extra-institutionnel de la communauté du peuple en Dieu, c'est un facteur existentiel décisif, mais jamais un fait public, politique ou culturel (..)
Dernier ami improvisé du pape, Giancarlo Zizola (*), qui a commenté le voyage en République de Chypre, et la situation après l'assassinat rituel musulman d'un évêque martyr, renversant de manière puérile le paradigme de Ratisbonne: le monde doit se défendre contre ceux qui croient en l'alliance entre foi et raison, et en leur auto-limitation réciproque, pas contre les coupeurs de têtes islamistes (ndt: en effet, quelle mauvaise foi!!!); le problème est la violence des fondamentalistes catholiques et l'esprit de croisade, et pas le djihad meurtrier qui a inauguré le XXIe siècle (!!!); et vive Ratzinger s'il se jette sur le «surnaturel», s'il fait plein de mea culpa, pas comme ceux, prophétiques, du guerrier Jean-Paul II, mais ceux, tristes, d'un successeur de Pierre, qui se résigne à l'insignifiance, à l'état de minorité, au témoignage fragile, intimiste, expiatoire pour une église en retraite.
Je ne suis pas convaincu que Ratzinger a adopté cette vision iréniste, qui est la négation de toute son histoire; mais les raisons de certains de ses derniers accents me sont peu claires, comme sa difficulté à donner une voix, au-delà de la douceur de la reddition chrétienne devant l'histoire, à une ligne de résistance à la tyrannie séculariste et aux terrorismes idéologiques laïcistes; je vois malgré tout à l'œil nu, et votre lettre m'aide à "voir" que cette vision lui est de plus en plus attribuée par ses plus ou moins «réels» et plus ou moins «nouveaux» amis.

http://www.ilfoglio.it/redazione/130

3. L'article de Zizola, dans La Repubblica

L'adieu de l'Eglise à l'esprit de croisade
Giancarlo Zizola (*)
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La Croix "n'a rien à voir avec l'imposition forcée d'un credo, elle parle de la victoire de la non-violence sur l'oppression, elle parle d'un Dieu qui vainc la haine avec l'amour".
Benoît XVI fait honneur à son nom pacifiste et revendique le sens authentique de la croix d'un juste, qui avait appelé Bienheureux les doux et les artisans de paix.
Il lance de Chypre, riche de souvenirs des débuts du christianisme, mais aussi base stratégique de nombreuses croisades, un appel à la communauté internationale afin que soient trouvées "des solutions justes et durables aux conflits qui causent tant tant de souffrances". Il invoque même "un effort international urgent et concerté pour résoudre les tensions qui continuent au Moyen-Orient, en particulier en Terre Sainte, avant que ces conflits n'entraînent une effusion de sang accrue".
C'est le premier pape à poser le pied sur l'île liée aux expéditions militaires pour reprendre la Vraie Croix (objectif instrumental, selon les historiens, pour couvrir les intérêts commerciaux des puissances méditerranéennes). Il n'épargne pas non plus les critiques de la politique israélienne, parle ouvertement de "l'occupation des territoires palestiniens". Et dans un document de travail pour le Synode des Patriarches de l'Orient, en Octobre - un texte auquel avait travaillé l'évêque assassiné Mgr Luigi Padovese - l'analyse est crue: «Pendant des décennies, la non-résolution du conflit israélo-palestinien, le non-respect du droit international et des droits humains et l'égoïsme des grandes puissances ont déstabilisé l'équilibre de la région et imposé aux populations une violence qui risque de les jeter dans le désespoir".
Dans le même temps, la Papauté engage l'Eglise sur le terrain du dialogue avec les juifs et les musulmans pour la paix en Méditerranée.

Le discours peut-être le plus riche de perspectives, et même de conséquences politiques, durant les trois jours de sa visite, reste celui sur la Croix (cf. aussi En embrassant la Croix... ). Cette lecture alternative, précisément en raison de l'endroit débordant de souvenirs conflictuels d'où elle a été proposée, et de l'autorité de celui qui l'a proposée - le Pape de Rome - assume la signification d'une épitaphe sur l'histoire de l'entreprise la plus folle et la plus sanguinaire de la chrétienté latine.
Il y avait eu dans l'histoire récente de l'Eglise des mea culpa cruciaux de Wojtyla, pour la complicité des chrétiens dans l'histoire de la violence religieuse. Mais ce pape n'avait abordé qu'une seule fois le thème ensanglanté des croisades, et cela en 2001, quand à Athènes, devant l'Archevêque de l'Église grecque orthodoxe Christodoulos, il avait récité le mea culpa pour le sac de Constantinople, le pillage désastreux "consommé au cours la quatrième croisade en 1204 sur la ville impériale, capitale de neuf siècles de civilisation chrétienne en Orient".
Mais aujourd'hui, le pape Benoît XVI a repris le fil de cette revisitation historique pénitentielle initiée par son prédécesseur et avalise pour l'avenir de l'Église une plate-forme programmatique qui exclut une fois pour toutes l'usage de la Croix pour toute nouvelle guerre politique ou religieuse. Et se rattache plutôt au modèle de Saint-François, qui en pleine croisade, alla pieds nus en terre sainte pour traiter avec le Sultan.
Très préoccupé par la continuité avec la Tradition, le pape cette fois, ne recule pas devant la nécessité d'une rupture de l'Église avec une culture de guerre, comme celle qui depuis le XIe siècle dirigeait une Église guerrière, y compris avec des plans stratégiques élaborés par les Conciles œcuméniques comme celui de Latran IV. Incontestablement, la première guerre de religion dans l'histoire a un brevet pontifical. Une facture lourde et pas facile à liquider, et qui, pour l'équilibre, exige des engagements plus complexes qu'un simple mea culpa: l'agonie des communautés chrétiennes au Moyen-Orient, déplorée par le pape à Chypre, pourrait être versée sur ce compte.

Mais il y a ensuite les longues traces de la mémoire des violences sous le signe de la croix chrétienne, reproduites dans les stéréotypes, auto-alimenté par les lectures hégémoniques de l'Occident. Les murs de méfiance, les préjugés anti-pape enracinés dans le cœur des chrétiens d'Orient et dans l'islam lui-même, ne s'arrêteront pas par magie. D'autant plus que, si l'histoire des croisades est terminée, la culture de la croisade continue à faire des dégâts dans le monde catholique, avec la répétition cyclique fondamentaliste de l'esprit de Lépante, avec l'utilisation idéologique de la croix comme un instrument contondant, référence identitaire de l'Occident, pour masquer l'athéisme pratique d'une politique fondée sur le culte de l'or et la chasse xénophobe à l'Islam.
Le Père Davide Maria Turoldo m'a raconté le crucifix qu'il avait vu sur le bureau d'un banquier à Genève. Une pièce d'antiquité. On tirait sur la tige verticale, et du crucifix on extrayait un poignard. Il avait été utilisé par les croisés pour l'offrir au baiser des prisonniers musulmans. S'ils ne l'embrassaient, ils étaient embrochés sur place.
Plus solide théologien qu'historien, Ratzinger a préféré, à Chypre laisser dans l'implicite la référence historique aux croisades. Il a également contesté (ndt: mais non!) l'utilisation de la croix comme "un signe d'appartenance à un groupe dans la société" (*). Et c'est justement après avoir défendu la nécessité d'une lecture non partisane, non-violente, ni sociologique ni intégriste (??*) de la croix qu'il a pu soutenir qu'"un monde sans la croix serait un monde sans espoir".
Ces recommandations ne sont pas restées isolées, mais elles constituent une clé de lecture appropriée de la figure de l'Eglise proposée dans le document de travail publié à Chypre en vue du Synode des Patriarches du Moyen-Orient en Octobre: une Eglise qui accepte son statut minoritaire de "petit troupeau", sans se replier en une secte.

Il y a un point révélateur du document, là où on trouve la critique explicite (et nouvelle sous cette forme) des groupes chrétiens fondamentalistes qui "arrivent à justifier, en se basant sur la Sainte Écriture, l'injustice politique imposée aux Palestiniens". Il me revient à l'esprit l'invective de Urs von Balthasar, un ami de Ratzinger, contre des groupes de "chrétiens Mamelouks, prêts à brandir leurs épées pour conquérir le monde", avec le risque de "rendre l'Eglise suspecte et odieuse tant aux chrétienne qu'aux non-chrétiens".
"Qui fait ces choses, disait le cardinal n'a pas une idée exacte de l'impuissance de la Croix ou de la toute-puissance de Dieu".

(*) Note

Je n'ai pas besoin de commenter le dernier article, qui fait la liste des pires lieux communs des ennemis de l'Eglise, et interprète à sa façon les intentions du Saint-Père, notamment avec une lecture très personnelle de l'homélie du 5 juin sur la Croix, où il faut avoir vraiment un esprit tordu pour voir un mea culpa pour les croisades:
La Croix, dit Benoît XVI, n’est pas uniquement un symbole privé de dévotion. Elle n’est pas seulement l’insigne des membres d’un groupe particulier au sein de la société, et, en son sens le plus profond, elle n’a rien à voir avec l’imposition par la force d’un credo ou d’une philosophie. La Croix parle d’espérance, elle parle d’amour, elle parle de la victoire de la non-violence sur l’oppression.

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Un mot sur Zizola, pour que mes lecteurs puissent le situer:

Il est régulièrement présenté comme un 'grand vaticaniste' par les medias de gauche, mais pour ma part, fréquentant pourtant la presse italienne depuis au moins quatre ans, dans ses pages consacrées à la papauté, je ne le connais qu'à travers ses citations élogieuses par Le Monde, Libération et Golias.
Au moment de l'élection, il avait co-écrit avec un autre "grand spécialiste", Jacques Duquesne, un livre de circonstance qui n'a pas laissé de grande trace, ni dans l'histoire de la littérature, ni dans celle du Vatican: "Le mystère Ratzinger".
Dans un article publié en 2001, après un consistoire de Jean-Paul II, sur le Monde Diplomatique, et intitulé rien moins que "Guerre de succession au Vatican", il écrivait:
Le principal candidat de l’aile réformatrice reste le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite. Actuellement, les qualités spirituelles de Martini, sa vision universelle des problèmes, ses convictions œcuméniques et interreligieuses, son expérience pastorale dans le plus grand diocèse du monde, alliées à la lucidité et à la prudence avec lesquelles il a préconisé, lors du dernier consistoire encore, une réforme collégiale de la papauté, lui ont gagné l’estime de nombre de cardinaux.

Je vous fais grâce de la suite (à lire éventuellement ici ) mais avec le recul, c'est plutôt divertissant.
Comme disait Pierre Dac "la prévision est un art difficile... surtout quand elle concerne l'avenir".

Jasmitha et le Pape Christianophobie et indifférence de l'Occident