Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Rencontre des familles

Toscane

Accord avec la FSSPX

Anniversaires

Luigi Accattoli a eu l'idée d'opposer la métaphore musicale à la légende - fausse - de la solitude du Pape. (20/4/2012)

     



Parmi les souhaits d'anniversaire au Pape, ceux de Marco Tosatti, traduits ici (cf. Un Pontificat de transition) avaient deux facettes. L'une, réjouissante, soulignant que ceux qui avaient prévu un Pontificat de transition en sont aujourd'hui pour leurs frais - sauf à mesurer l'histoire à l'échelle de l'éternité, et considérer les faits à celle du cosmos, et là, les commentateurs n'auraient vraiment plus grand'chose à dire, le Pape, si! Et l'autre, plus obscure, et que j'avais moins appréciée, mettant l'accent sur la "solitude" du Pape. Un argument à double tranchant, que ses contempteurs ne se privent pas d'utiliser contre lui.
Sachons donc gré à Luigi Accattoli, dans cet article (même si son énumération statistique peut agacer, mais il faut tenir compte du fait qu'il écrit ici dans la presse généraliste) d'avoir l'idée vraiment géniale de recourir à la métaphore musicale!
Le Pape est un soliste.

* * *

Je vous raconte le Pape soliste
(http://www.luigiaccattoli.it/blog/)
-------------

Benoît n'est pas, comme beaucoup le soupçonnent, un pape seul, entouré d'une Curie hostile. Il n'est pas non plus un pape solitaire par nature: c'est un pape soliste, par choix, et comme méthode de gouvernement. Ce pape soliste a atteint hier ses 85 ans, des ans qu'ils portent bien, pour nombreux qu'ils soient. Nous l'avons vu se déplacer avec agileté, un peu aidé par les cérémoniaires, lors des longs directs des célébrations pascales: l'œil pensif et inquiet, le pas rapide, mais plus prudent, la parole vive comme toujours.

Il a une faiblesse à la hanche droite; depuis octobre dernier, il utilise dans la Basilique l'estrade mobile qui fut celle de Papa Wojtyla; lors du dernier vendredi Saint, il ne s'est pas prosterné, comme le prévoit le rituel, il s'est seulement agenouillé. Mais tout cela indique seulement qu'il a cet âge-là; il a été élu à 78 ans, et jeudi, il entrera dans la huitième année de son pontificat. Aucun pape du siècle dernier n'est arrivé à 85 ans. Pie X vécut 79 ans, Benoît XV 67, Pie XI 81, Pie XII 82, Jean XXIII 81, Paul VI 80, Papa Luciani 65, le pape Jean-Paul II 84.

La bonne condition physique de Benoît XVI est attestée par les voyages et les nombreux engagements publics. Il a bien résisté au voyage au Mexique et à Cuba du 23 au 28 mars. A Pâques, nous l'avons vu célébrer la nuit, et ensuite le matin, pour un total de plus de six heures dans un espace de temps de quatorze heures. Il sera à Milan pour la rencontre mondiale des familles les trois premiers jours de Juin, et du 14 au 16 Septembre, il sera au Liban. Au Liban, il ira «remettre» aux évêques de la région l'exhortation apostolique qui recueille les conclusions du Synode sur le Moyen-Orient qui s'est tenu au Vatican en Octobre 2010.

Les visites au Mexique, dans le tsunami du narco-trafic, à Cuba dans le crépuscule des frères Castro et dans le Moyen-Orient du «printemps arabe» sont des entreprises extraordinaires, mais les prochains mois porteront à leur accomplissement d'autres engagements de grande importance dans l'agenda papal: du déroulement - en Octobre - d'un Synode sur la Nouvelle Evangélisation, au début, toujours à l'automne, de l'Année de la Foi pour le cinquantième anniversaire du Concile Vatican II. Année qui pourrait voir la publication d'une encyclique sur la foi complétant la trilogie sur les vertus cardinales, avec l'encyclique sur la charité (Deus Caritas Est, 2006) et l'autre sur l'espérance (Spe salvi, 2007).

En 2012, nous devrions également voir la publication du troisième volume de «Jésus de Nazareth» sous la signature de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, après ceux parus en 2007 et en 2011. «Depuis plusieurs jours, le Saint-Père a commencé à travailler au troisième volume de son grand ouvrage sur Jésus», avait dit le père Lombardi, parlant des vacances du pape en Juillet 2010. Nous aurons donc un «Jésus de Nazareth III» sur la naissance et l'enfance du Nazaréen, après les deux premiers qui traitaient l'un de la vie publique et l'autre de la Passion et la Résurrection.

Cette trilogie sur Jésus est une œuvre d'une grande importance à laquelle d'abord le cardinal Ratzinger, et ensuite le pape, auront travaillé pendant près d'une décennie. Dans la préface au premier volume, Ratzinger-Benoît XVI raconte qu'il a entamé le travail «pendant les vacances d'été» en 2003-2004 et l'a terminé après son élection comme pape, «en utilisant tout mon temps libre».
Nous sommes face à un fait inédit, à l'époque moderne, d'un pape qui a publié un travail théologique après son élection.

Et c'est un fait d'importance, pour reconduire la figure papale vers la dimension apostolique et la prédication, allégeant le rôle de gouvernement de la Curie et des épiscopats: un déplacement du gouvernement vers la mission, qui a déjà engagé tous les papes de l'époque contemporaine depuis Pie IX, et qui a fait de grands progrès avec les papes du Concile et de la période post-conciliaire.

Cette concentration sur Jésus est également importante pour l'approbation de la figure du pape Benoît XVI au sein du monde catholique, où l'appréciation de sa prédication est vaste, alors que perdure une certaine prévention envers son oeuvre de gouvernement, malgré les points de consensus acquis ces dernières années avec les excellentes décisions sur le scandale de la pédophilie et la réforme du secteur financier du Saint-Siège. A ceux qui ont du mal à aimer Benoît XVI - à cause de l'image de gardien sévère de la foi que les médias ont donnée du Cardinal Ratzinger vingt ans avant son élection - on peut adresser l'invitation à lire ses livres à propos de Jésus: que peut-on attendre à mieux de la part d'un pape, si ce n'ests de parler du Nazaréen?

Beaucoup affirment que le pape doit «de toutes façons» gouverner, et le pape théologien qui publie des livres et écrit les homélies de sa main, risque de déléguer le gouvernement à la Curie.
C'est une idée schématique, tributaire du passé. Il a été dit de Papa Wojtyla qu'il faisait le missionnaire du monde, laissant à la Curie le gouvernement ordinaire de l'Église, et maintenant, on dit de Papa Ratzinger qu'il écrit et s'appuie sur la Curie, mais le parallèle ne tient pas. Je suis convaincu qu'il convient de créditer le pape Benoît d'une pleine conscience de ces questions, lui qui passe de nombreuses heures à son bureau pour étudier les dossiers, par exemple en vue de la nomination des évêques.

Il est désormais clair que la rumeur des corbeaux - qui semble pour le moment apaisée - est due à la réforme du secteur financier: elle a eu lieu à cause d'un acte fort de gouvernement, et non pas parce qu'il n'y a pas de gouvernement.
Quant à la communication, en tant que technicien en la matière, je trouve une seule spécificité de ce pontificat par rapport au précédent, qui ne doit pas nécessairement être lue de façon négative: nous avons - comme je l'ai dit - un pape soliste, qui a toutefois encore une Curie, en substance la même Curie qu'avant, mais qui n'a plus cette espèce de cour qu'avaient les papes précédents, une cour qui entravait et conditionnait, mais aussi contribuait à fournir, préparer et accompagner les actes pontificaux. Je dirais que le delta d'embouchure de la communication médiatique qui se réalisait avec Papa Wojtyla aidait à préparer le terrain pour une réception articulée et relativement flexible des grandes initiatives, par les opérateurs des médias, tandis que l'embouchure en estuaire propre à Papa Ratzinger prédispose à des sorties sans filet: soit cela se passe très bien, grâce aux effet de surprise et au caractère univoque, soit cela se passe très mal, car l'absence de concertation empêche de tenir compte de toutes les contre-indications.

Sur le fait que nous avons un pape soliste et pas un pape seul, on peut juste citer une réplique adressée aux journalistes dans l'avion, en Mars 2009, quand il volait vers le Cameroun: «Pour dire la vérité, je dois dire que ce mythe de ma solitude me fait un peu sourire: en aucune manière je ne me sens seul. Chaque jour je reçois dans les visites programmées mes collaborateurs les plus proches, à commencer par le secrétaire d'Etat jusqu'à la Congrégation de Propaganda Fide, etc. ; je vois ensuite régulièrement tous les chefs de dicastères, chaque jour je reçois les évêques en visite «ad limina» ... Ces derniers jours nous avons eu deux assemblées plénières, une de la Congrégation pour le culte divin et l'autre de la Congrégation pour le clergé et il y a aussi toutes les rencontres amicales; un réseau d'amitié; même mes compagnons d’année d’ordination d'Allemagne sont venus récemment une journée pour parler avec moi... Alors vraiment la solitude n'est pas un problème, je suis réellement entouré d'amis dans une merveilleuse collaboration avec les évêques, avec mes collaborateurs, avec des laïcs et je suis reconnaissant pour cela» (http://www.vatican.va/).
Il écoute beaucoup, et tout le monde, mais décide ensuite seul: en ce sens, il est un pape soliste.

Il y en a aussi qui affirment qu'il n'a pas une perception adéquate de la crise dans laquelle verserait l'Église catholique , mais cela aussi est faux. Nous avons la situation curieuse d'un pape qui dit plus de choses négatives au sujet de l'Eglise, avec ses homélies, que n'en disent ses détracteurs avec leurs pamphlets. Ces critiques - prenons Hans Küng, ou le Mouvement international 'Nous sommes Eglise' , ou les curés autrichiens qui ont lancé un «appel à la désobéissance» - affirment que les choses n'iraient pas aussi mal si seulement il avait le courage de faire des réformes: pour plus de démocratie dans la prise de décision, un rôle plus actif des laïcs, hommes et femmes, une tonalité plus positive de la prédication, une mondre préoccupation pour la nouvelle culture sexuelle et bioéthique.

Le pape Benoît croit au contraire que la crise est beaucoup plus profonde, et que ces mises à jour de l'organisation et de la prédication ne remédieraient à rien si une reprise de la foi ne se réalise pas. Il en a parlé dans les termes les plus forts le 22 Décembre dernier, devant la Curie déjà toute enfièvrée par les questions internes qui devaient plus tard venir à la lumière avec les nombreuses fuites de documents confidentiels. Il a parlé d'une «crise de l'Eglise en Europe» qui vient d'une «crise de la foi» et il la décrit avec les mots «fatigue» et «ennui d'être chrétiens»: ce sont des expressions dramatiques, bien autre chose qu'une perception inadéquate. Le 5 avril, le jeudi saint, il a évoqué sur le même ton dramatique - à propos des curés autrichiens - «l'impulsion désespérée à faire quelque chose».

Le pauvre pape a, d'un côté ces «rebelles» et de l'autre, les lefebvristes qui - jusqu'à présent - semblent refuser la main tendue (ndt: l'article a sans doute été écrit avant la bonne nouvelle d'avant-hier...).
Mais le drame, il ne le voit pas dans ces tensions et ces fractures, mais plutôt dans l'abandon de la foi de la part de tant de gens, et dans la «saleté» de ceux qui défigurent le visage de l'Eglise. Et il l'appelle à la repentance et voudrait qu'elle se réforme par la purification. De ce point de vue dramatique de l'état de la foi, il tire une attitude de confiance radicale en Dieu, qu'il a exprimée de la façon la plus explicite dans une invocation livrée la nuit de Noël dernier, peut-être la plus belle de toutes les prières qu'il a offertes depuis qu'il est pape. Il l'a développée à partir d'une citation du prophète Isaïe, qui annonce la naissance d'un «fils» qui libèrera son peuple des bottes, des manteaux et des bâtons des oppresseurs:

« En ce moment où le monde est continuellement menacé par la violence en de nombreux endroits et de diverses manières; où il y a toujours encore des bâtons de l’oppresseur et des manteaux roulés dans le sang, nous crions vers le Seigneur : Toi, le Dieu-Fort, tu es apparu comme un enfant et tu t’es montré à nous comme Celui qui nous aime et Celui par lequel l’amour vaincra. Et Tu nous as fait comprendre qu’avec Toi nous devons être des artisans de paix. Nous aimons Ton être-enfant, Ta non-violence, mais nous souffrons du fait que la violence persiste dans le monde, c’est pourquoi nous te prions aussi : montre Ta puissance, ô Dieu. En notre temps, dans notre monde, fais que les bâtons de l’oppresseur, les manteaux roulés dans le sang et les chausseurs bruyantes des soldats soient brûlées, qu’ainsi Ta paix triomphe dans notre monde »
(http://www.vatican.va/)

Luigi Accattoli