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Interviewe-fleuve de Peter Seewald sur le site allemand 'Kath.net'. Première partie (20/4/2012)

Lorsqu'il parle de Benoît XVI, Peter Seewald est intarissable!

http://www.kath.net/detail.php?id=36138
Traduction VB.



Benoît XVI personnifie aussi l’ère d’une foi authentique qui n’inscrit plus sur son étendard « Nous faisons seulement comme si » mais « Nous le faisons » même si nous échouons sans cesse et que nous devons sans cesse recommencer.

KATH.NET (KN) : Monsieur Seewald, 85 ans pour Joseph Ratzinger, 7 ans pour Benoît XVI, des raisons de jubiler ?

Peter Seewald (PSE) : De jubiler peut-être pas, mais de se réjouir certainement ! Personne n’aurait pu mieux que l’actuel Pape non seulement préparer l’Eglise Catholique aux exigences de notre temps, mais aussi désigner les enjeux, se cuirrasser, trouver les solutions pour se sortir de l’ornière. A vrai dire, l’imprévoyance peut aussi être à l’origine d’une crise véritablement dramatique.
La propagation de l’incroyance est certainement, parmi les maladies de notre civilisation, la plus dangereuse, car lorsque la foi va mal, la société ne peut pas aller bien.

KN : Récemment, un vaticaniste italien (ndt: Politi)a posé la question de savoit si Ratzinger n’avait pas été le mauvais choix ?

PSE : La vérité est que, à l’époque, il n’y avait aucun autre choix possible. Ratzinger avait co-dirigé le pontificat de Jean-Paul II. Il était le cardinal le plus connu et le plus fascinant au monde. Personne n’avait une meilleure connaissance de la Curie. Il était devenu au cours de ses 25 années comme préfet de la Congrégation de la Foi un Romain, parlait 9 ou 10 langues, était reconnu comme une personnalité parfaitement intégrée et formée, sur le plan international comme un des plus éminents théologien et penseur de notre temps, et j’en passe … Bien entendu, il y a eu aussi des erreurs au cours de ces 7 dernières années. Mais le seul fait d’avoir su, après un homme comme Wojtyla, passer à un nouveau pontificat sans rupture, d’une manière si fine et si élégante, est une performance immense.

KN : Qu’est-ce qui le caractérise particulièrement ?

PSE : Il y a beaucoup de choses : son infatigabilité, sa flamme, son sacrifice, son amour des hommes. Dans une époque qui est si éloignée de Dieu, si morose, il prône de louer Dieu. Là ou les croyants et les prêtres s’égarent dans l’activisme, il montre la continuité et les vraies sources de la foi chrétienne. Pour lui, une catastrophe est toujours aussi la possibilité d’un nouveau départ ; sur ce qui ressemble à un effondrement avec débris et pourriture, on peut accueillir de nouvelles fondations. Benoît XVI n’est pas seulement le pape d’une renaissance des racines chrétiennes, il remplit aussi la fonction de Pierre d’une manière très œcuménique, ce qui permet plus facilement aux autres confessions de voir dans l’évêque de Rome non un concurrent mais un symbole de la grande œuvre de l’unité.

KN : On affirme que son prédecesseur était mieux accueilli par le public ?

PSE : Il rassemble cependant au cours de ses audiences générales plus de public. Lors de ses voyages, comme dernièrement au Mexique, il est accueilli avec enthousiasme par des millions de personnes. Aucun homme politique, aucune star n’arrive à réunir tant de personnes. Et quelle image que celle de Cuba, où le vieux Commandante Fidel Castro, qui a parcouru un long chemin depuis la rébellion contre la religion jusqu’à sa redécouverte, demande justement à ce pape des livres pour son éducation spirituelle.

KN : Toujours selon la critique, Benoît XVI n’est pas assez moderne ?

PSE : Mais celui qui met de côté les clichés et y regarde de plus près va être d’une certaine façon décontenancé. En un temps où le non-sens, la déraison, la démence la plus complète s’accroissent exponentiellement, il y a la tête de l’Eglise quelqu’un qu’on peut parfaitement qualifier de pape de la raison. A une époque, où la classe des intellectuels s’est effondrée et où les débats publics deviennent de plus en plus maigres, le siège de Pierre est occupé par un véritable intellectuel. Quelqu’un qui, en pensant rationnellement, ne fait pas mais montre, comment de la symbiose entre science et foi, peuvent naître sagesse, beauté et sincérité.
Et alors que toute la terre pense pouvoir se passer de la vérité, le pape tient bon et signale les vérités éternelles qu’il ne faudrait pas oublier de respecter.
Benoît XVI est de toute façon l’un des papes les plus humbles. Pour lui le refus de la violence et l’amour sont la plus grande force qui peut agir sur terre. Avec lui, la papauté n’est pas synonyme de faux attributs et d’expression de puissance. Oui, il est celui-même qui encourage son Eglise à l’humilité et à la suppression des privilèges.

KN : Mot d’ordre « Dé-mondanisation» (ndt: ou désacralisation?).

PSE : On s’étonne que ce concept soit si mal ou pas du tout compris chez nous. Rien n’est plus étranger au pape que le fait que l’Eglise construise son propre monde.
Dé-mondanisation ne veut pas dire éloignement des hommes mais éloignement du pouvoir, de Mammon le veau d’or, du népotisme, du faux brillant, de la tromperie et l’aveuglement. Par ailleurs, Ratzinger, dès 1958, parle déjà textuellement de « processus de désacralisation de l’Eglise ». Cette désacralisation est nécessaire afin que la foi puisse à nouveau répandre ses principes actifs. La désacralisation n’a rien à voir avec un retrait de l’engagement sociétal et politique ou même de l’éloignement des chrétiens vertueux de Caritas. Il s’agit de rester vigilant, de montrer qu’à la Chrétienté est lié un comportement qui dépasse de beaucoup toute vision du monde uniquement mondialiste et matérialiste.
Benoît XVI personnifie aussi l’ère d’une foi authentique qui n’inscrit plus sur son étendard « Nous faisons seulement comme si » mais « Nous le faisons » même si nous échouons sans cesse et que nous devons sans cesse recommencer.

KN : Le Spiegel titrait en 2009 "Benoît XVI « celui qui se dérobe »", en 2010 « l’inclassable » et en 2011 le « mal informé ».

PSE : La couverture de 2012 est encore à venir, et cela sera certainement « l’entêté », tout cela parce qu’il ne joue pas selon le bon plaisir des médias. De plus, Ratzinger est l’un des derniers représentants de la grande culture par formation et talent, cette culture qui fut admirée dans le monde entier comme le « génie allemand ». Il y a de nos jours la peur de ne pas être assez conformiste. On veut de toutes parts recevoir des retours souriants, même si cela doit se faire au détriment de la vérité ou de la loyauté. Le Pape résiste à cette tentation. De ce fait, il est embarassant, inadapté, et dans les faits, il n’est pas dans le courant majoritaire. Pour lui, ne se pose pas la question, 'qu’est-ce qui est à la page', mais au contraire 'qu’est-ce qui sera à la page dans l’avenir ?' Comment peut-on encore avoir un avenir ? Est-ce vraiment un bien de suivre sans réfléchir des modes qui ne sont pas compatibles avec l’odre fondamental qui régit la création ? N’est –il pas nécessaire de créer une nouvelle ère qui se caractérise par le sens de la responsabilité, une manière de vivre qui nous aide à sauver notre âme et à ne pas détruire cette belle planète qu’est la Terre ?

KN : Le Pape serait une gêne pour le progrès, il est un ennemi des Modernes.

PSE : On a dit la même chose de Wojtyla jusqu’à ce qu’on soit obligé de reconnaître que sa contribution à la victoire sur les systèmes ennemis de l’homme installés en Europe de l’Est avait été largement sous-estimée. En quoi consiste cette modernité ? N’est-ce pas plutôt une illustration, au vu des nombreuses dérives actuelles, de la pierre d’achoppement.
Oui, le pape est âgé. Mais justement grâce à l’expérience du siècle passé et une réflexion biblique, il éblouit par sa clairvoyance. Là où toujours plus d’hommes se sentent malades, il peut offrir une guérison qui au fond ne se refuse pas. Nous assistons non seulement au retour des démons mais aussi à un grand retour de la papauté.

KN : Qu’entendez-vous par là ?

PSE : Que l’Eglise possède une grande puissance institutionnelle fait partie du passé. Les sphères d’influence qui lui restent reculent devant les agressions, la moquerie et de plus en plus la persécution. L’Eglise devient pour ainsi dire de nouveau « chrétienne ». Paradoxalement, elle y perd et elle y gagne en même temps.
La faiblesse institutionnelle de l’Eglise correspond au renforcement du contenu de la papauté. Justement les hommes cherchent un père spirituel dans lequel ils peuvent avoir confiance et dont la parole est fiable.
Ne construisez pas sur le sable a conseillé Jésus, mais construisez sur le roc.

KN : Il s’est très rapidement accomodé à sa fonction.

PSE : Personne n’avait cru cela possible. Il y a une certaine symbolique dans le fait que pour Benoît XVI son anniversaire et l’anniversaire de l’élection tombent au même moment. Les 3 jours qui séparent les 2 évènements étaient semble-t-il nécessaires à la transformation de Joseph Ratzinger Gardien de la Foi en Berger des Croyants.
Il est remarquable que tout semble lui servir. L’humilité est justement, à côté des signaux forts de vérité, de foi et d’amour, le sceau de ce pontificat.
Conformément à la devise qu’il a choisi à l’occasion de son ordination en tant que prêtre : « Nous ne sommes pas maîtres de votre foi mais le serviteur de votre joie ».

KN : On le surnomme le pape théologien.

PSE : Mais cela est insuffisant. Il personnalise d’une part une nouvelle forme d’intelligence dans la transmission de la synthèse de la foi, d’autre part, il n’est pas une érudit conventionnel qui écrit de gros bouquins, avec des millions de notes de bas de page ordonnées, enragé à donner le moindre détail. Chez lui, il s’agit avant tout d’atteindre le cœur des hommes. Il prend le difficile mais le rend facile, sans simplifier la grandeur de son mystère, sans banaliser ce qui est acquis.

KN : A-t-il beaucoup changé au cours de ses 7 ans de pontificat.

PSE : Chez Ratzinger, déjà très tôt, tout était « central ». Non dans le sens de moyen (« médiocre »), mais dans le sens de milieu et de dimension, c'est-à-dire ayant trouvé son centre. Cela concerne l’étude et le comportement devant les questions de théologie et de politique de l’Eglise, mais cela se retrouve aussi dans son comportement. Il est toujours dans la cadence. Et avec cette régularité, il est non seulement particulièrement perspicace mais encore particulièrement efficace. Dans ce domaine, il y a eu aussi peu de changement dans sa simplicité et dans sa nature aimable. D’autre part, entre temps, fonction et personne ont fusionné à tel point qu’on ne peut plus les distinguer.

(à suivre)