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Réflexion de JL Restàn, sur les vicissitudes actuelles de l'Eglise, à savourer. Traduction de Carlota (29/5/2012)

     



Sur cette pierre
http://www.paginasdigital.es
José Luis Restán
29/05/2012

La barque de Pierre ressemble à un esquif, me commentait récemment un collègue. Peut-être pas tant que cela (nous sommes face à une énième création de réalité virtuelle) mais en tout cas, n’est-ce pas une image plus proche de la réalité que celle de la pompe et du triomphe d’autres temps ?
Comparée avec les grandes corporations, les États mastodontes et les multinationales, l’Église peut sembler une barque fragile au milieu de l’océan. Penser que, de son existence souffrante, la direction et le dénouement de l’histoire dépendent, n’est pas plus audacieux que de confesser que le crucifié était le Messie, le Sauveur du monde. Et pourtant…

On m’a beaucoup interrogé ces jours-ci sur la façon dont Benoit XVI vivait les trahisons de son entourage, cette sensation de malaise au Vatican, l’exposition en grand du corps de l’Église à la foire des vanités que sont si souvent devenus les médias.
Je ne peux que regarder et écouter le Pape, cela me suffit. Je sais à quel point il connaît les immondices, l’ambition et la soif de pouvoir qui font aussi pression sur ceux qui forment l’Église. Et il ne méconnaît pas non plus l’envergure nullement négligeable des pouvoirs du monde qui la menacent de l’extérieur. Je sais aussi avec quelle fréquence il révise l’histoire, maîtresse de la vie, pour arriver à regarder avec un peu d’ironie et beaucoup de pitié les immenses faiblesses des hommes. Si grand est l’homme, et si petit !, dirait avec génie Péguy.

Un esquif? Bon… Léon le Grand s’est mis en face d’Attila avec ses ornements sacerdotaux et a arrêté le barbare (*). Et Pie VI est mort à Valence (**) prisonnier des révolutionnaires français.
La force et la faiblesse de l’Église toujours entrelacées, la fragile barque si souvent sur le point de perdre l’équilibre et de se retourner.
Un jeune Joseph Ratzinger nous avertissait dans le lointain 1970 que « l’homme est un abîme » (Que dire du « pauvre » maître d’hôtel qui sortait les papiers des appartements du Pape ?) mais « l’Église n’est pas seulement déterminée par l’abîme de l’homme mais par l’abîme plus grand, infini, de l’amour de Dieu ». Et alors les pronostics des cyniques peuvent échouer, ils échoueront sûrement.

Il est certain que pour la sensibilité de ce grand témoin, de ce grand Père de l’Église qu’est Benoît XVI, la douleur de se voir entouré par certaines misères doit être tout spécialement aigue. C’est sûrement à cela que le Pape faisait référence quand il y a quelques jours il parlait aux cardinaux des orages de sa vie, des orages pour lesquels, finalement, il trouvait aussi un motif pour remercier le Maître de la vigne. Il est certain de ce que Jésus annoncera à Pierre après la résurrection, pour qu’il ne se fasse pas de vaines illusions : « Quand tu seras vieux un autre te forcera et t’amènera où tu ne veux pas ». Oui, où tu ne veux pas. Et cependant…

L’homélie de la Pentecôte a été le geste de gouvernement, le témoignage paternel, la parole de la vérité que le Pape voulait donner à l’Église et au monde en cette heure amère. Sans forcer le geste, avec cette mesure qui désarme presque, avec la luminosité qui est tellement la sienne et qui transforme un raisonnement en une symphonie, avec les yeux, oui vraiment, plus profonds que d’autres fois.
« Nous assistons à des évènements quotidiens dans lesquels il nous semble que les hommes se font plus agressifs et de mauvaise humeur, le comprendre paraît trop difficile et l’on préfère rester dans son propre ego et dans ses intérêts propres… Dans cette situation pouvons-nous vraiment trouver et vivre cette unité dont nous avons tant besoin ? ».
Et Benoît XVI martèle que lorsque les hommes essayent d’usurper la place de Dieu ils courent le danger de ne même plus être des hommes, parce qu’ils perdent la capacité de se mettre d’accord, de se comprendre et de travailler ensemble. Cela peut arriver dans n’importe lequel de nos milieux et aussi, bien sûr, au Vatican.

La blessure des hommes est très profonde, les grands génies de la littérature de tous les temps l’ont bien vu, et avec un désespoir particulier ceux de notre époque. « L’unité ne peut exister que comme don de l’Esprit, qu’il nous donne un cœur nouveau et une langue nouvelle », explique le Pape, et pour lui c’est une expérience qui germe autant dans la joie que dans la douleur. L’Église n’existe que par ce don qui n’est pas coté en bourse ni ne pâtit de la prime de risque. Ce don qui fait sourire les cyniques et même qui semble ennuyer tant de chrétiens, ecclésiastiques compris : « ne viens pas m’en parler, ce qu’il faut c’est agir, nettoyer, restructurer, organiser,… ».

Mais l’humble travailleur dans la vigne du Seigneur insiste : « Il n’y a que l’Esprit qui nous guide vers les hauteurs de Dieu, pour que nous puissions vivre déjà en cette terre le germe de la vie divine qui est en nous ». C’est ainsi que vit Benoît au milieu de l’orage, avec le regard fixé vers les hauteurs de Dieu et les pieds bien plantés dans la boue de l’histoire. En ces jours malheureux il est l’image vivante de la véritable Église de Jésus et non de ce marché de camelotes en lequel certains (de l’intérieur et de l’extérieur) essayent de la transformer.

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Notes de traduction

(*) Saint Léon Ier le Grand, pape de 440 à 461, docteur de l’Église. Il fut élu pape alors qu’il se trouvait en Gaule, à la demande de la Cour de Ravenne (Siège de l’Empire Romain d’Occident qui allait disparaître en 476), pour arbitrer un conflit entre le gouverneur romain Aetius (le futur vainqueur d’Attila aux champs catalauniques, - près de Reims, en 451) et le préfet (justice) Albinus. Durant son pontificat Léon Ier s’opposa à de nombreuses hérésies. Comme Pape il convainquit Attila de ne pas marcher sur Rome (452) et lui fit signer un traité de paix avec l’Empire Romain en échange d’un lourd tribut. Certains de dire qu’Attila recula en fait du fait de la famine et d’épidémies dont souffrait son armée. Cet épisode de la vie de Léon Ier est jugé comme l’un des plus remarquables de son pontificat dans la version espagnole de wikipedia (et ne semble pas apparaître sur le wikipedia français !).

(**) Pie VI (1717-1799). Lorsque les troupes de la République Française en 1798 (Directoire et l’expédition d’Italie avec Bonaparte) envahirent les États Pontificaux, le Pape eut deux jours pour quitter Rome. Il mourut l’année suivante, prisonnier des geôles françaises à Valence (Drôme). À l’époque où l’on apprenait encore l’Histoire dans les écoles françaises, je ne me souviens pas que ce sujet était abordé avec suffisamment de détails pour nous faire comprendre ce que représentait cette épisode peu glorieux de notre histoire… La légende révolutionnaire était toujours en marche, mais néanmoins il nous restait encore quelques repères historiques…