Foi et argent

Une interviewe - curieuse - du grand rabbin de Rome, Riccardo di Segni, par Giaccomo Galeazzi, sur le site Vatican Insider (6/8/2012)

Curieuse interviewe du grand rabbin de Rome, par Giacomo Galeazzi, l'un des collaborateurs de Vatican Insider. L'interviewé (et nous, par la même occasion) semble se demander, parfois même avec une certaine impatience, pourquoi c'est à lui que l'on pose ces questions (et j'ajoute: pourquoi en ce moment; sans doute cela a-t-il un rapport avec le scandale des Vatileaks, la récente crise de l'IOR, et le "séisme Moneyval", - ainsi que le qualifie Sandro Magister).
Il apporte des réponses intéressantes pour le dialogue entre les catholiques et les juifs.

>>> Il a été question du Rabbin Di Segni à plusieurs reprises dans ces pages, notamment à l'occasion de la visite de Benoît XVI à la Synagogue de Rome (cf. benoit-et-moi.fr/2010-I/) , en janvier 2010. Cela vaut la peine de relire cette interviewe sur le quotidien ex-communiste l'Unità du 24.01.2010, où il disait:
" Nostra Aetate est un document que je n'ai jamais considéré comme optimal, même s'il est positif, car il a rompu la digue de l'incompréhension et le mépris des chrétiens envers le monde juuif. Si le prix à payer pour la pacification avec les lefebvristes était d'annuler tout cela, nous en arriverions à une régression de l'histoire incompréhensible, et selon moi impossible" .

 

« Le rapport entre la foi et l'argent? Un noeud non résolu »
Le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni aborde avec Vatican Insider la question économique.
Giaccomo Galeazzi
Vatican Insider
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- Grand Rabbin Riccardo Di Segni, depuis des siècles, le rapport entre la foi catholique et l'argent est controversé et problématique. Pourquoi?
« Vous devriez le demander aux représentants de la foi catholique. En général, toute religion qui intervient avec son éthique dans les relations humaines doit faire ses comptes, littéralement, avec les problèmes de l'économie et de l'argent: pour définir ce qui est permis et ce qui n'est pas, du point de vue strictement juridique, et quelle est la perspective éthique et spirituelle pour juger du sens d'une activité humaine consacrée au gain ».

- Les Rothschild ont longtemps été les banquiers du Pape (ndt: les références que j'ai trouvées sont issues de site douteux, voire sulfureux, impossibles pour moi à "croiser" et donc impubliables ici). Est-ce un signe que le Vatican ne parvenait pas à gérer lui-même ses ressources financières?
« Je crois que les relations avec les Rothschild n'ont pas duré plus d'une décennie. Ce furent des relations pas vraiment idylliques. Belli (ndt: sans doute le poète italien Giuseppe Gioachino Belli, 1791-1863, il fit une carrière dans l'administration pontificale) les rappelle avec une "pique" antisémite, dans un sonnet. Avoir des relations avec les banques ne signifie pas incapacité. Seulement qu'il faut choisir les banques et les banquiers justtes. Les Rothschild aussi avaient de toutes façons leurs problèmes en Italie. L'unique filiale qui ne résista pas fut celle de Naples, qui ferma à l'arrivée des «subversifs», les garibaldiens de l'expédition des Mille»

- Un autre aspect récurrent dans l'histoire l'Eglise est la référence à des «complot» ourdis par des ennemis, comme par exemple les loges maçonniques. D'où vient ce sentiment d'être une cible, bien qu'ayant été la religion majoritaire pendant des siècles?
« Chaque centre de pouvoir en tant que tel est soumis à des attaques. Mais avant tout, les attaques sont internes. Plus il y a de pouvoir, plus il y a d'ambition, de rivalité, de perte de sens moral ... ».

- Y a-t-il une différence entre le judaïsme et le christianisme dans son rapport à la dimension matérielle et au plan économique?
« Il y a judaïsme et judaïsme, et il y a christianisme et christianisme. Je ne pense pas, par exemple, que l'éthique calviniste sur les questions économiques soit en accord avec celle catholique. En ce qui concerne le judaïsme, les principaux points sont: le respect des règles dans les rapports sociaux, commerciaux et de production; le respect de la nature qui ne doit pas être dévasté; l'immersion dans la réalité de ce monde, mais sans jamais perdre de vue la dimension spirituelle. Le Sabbat est la grande métaphore de cette pensée: pendant six jours on travaille et on produit, le septième on s'arrête et on pense à l'esprit ».

- Pourquoi un franc-maçon est-il excommunié ipso facto et, par exemple, pas un mafieux?
« Ce n'est pas à moi de répondre. Je n'ai pas encore vu un rabbin, ni un Juif, faire partie de l'autorité ecclésiastique qui décide les excommunications. L'Église considère qu'elle a des vérités absolues, qui descendent de Dieu et ne peuvent donc être discutées en aucune façon».

- Le dialogue avec les autres religions ou avec les francs-maçons est il possible?
« Question à adresser aux autorités de l'Église. L'Église, en ce qui concerne le monde juif, recherche le dialogue. Il faut toutefois comprendre ce qu'on entend par dialogue ... Celui de Dominus Jesus n'était certainement pas un dialogue acceptable ».