Quand le Pape prie

(reprise). Retour sur trois moments d'exception (27/8/2012)

Je retrouve un article (benoit-et-moi.fr/2010-II) publié il y a deux ans, à l'occasion du voyage du Saint-père au Portugal.
Jean-Marie Guénois, correspondant du Figaro, avait eu le privilège d'assister de très près à la prière de Benoît XVI devant Notre-Dame de Fatima.
C'était l'occasion de ré-évoquer deux autres moments de prière publique. Il y en a sans doute d'autres - même si bien sûr le Saint-Père répugne à se donner en spectacle dans de tels moments.

 

1. Devant la statue de la Vierge du Fatima (Jean-Marie Guénois, Religioblog, 13 mai 2010)

Le Pape devenu enfant
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Dans le sanctuaire marial de Fatima, j'ai eu la chance, mercredi après-midi, de me trouver à quelques mètres de Benoît XVI et de le voir longuement se recueillir devant la statue vénérée de la Vierge. Rien de plus banal que de voir un pape prier. Il fait son métier penseront certains.
Il se trouve que j'ai déjà pu observer plusieurs situations similaires mais j'ai rarement constaté un tel recueillement chez un homme. C'est d'ailleurs impressionnant et difficile à décrire. Est-ce lié à l'émotion ? A un manque d'objectivité ? Je ne le crois pas. Il y a comme cela, des situations humaines « extrêmes » qui sont des signes de souffrance, de joie intense, d'extériorité fabuleuse ou ... d'intériorité unique. Intimes, elles n'en sont pas moins des faits.
Que s'est-il passé ? Benoît XVI s'est approché de la statue pour y déposer un présent, une rose en or et argent, symbole d'action de grâce. Il venait de lire une prière où il évoquait son prédécesseur Jean-Paul II, son attentat, et les souffrances de l'Eglise. Il était là dans son rôle de pape.
Puis, il s'est comme transformé au moment où son assistant lui a remis le fameux présent pour qu'il le dépose au pied de la statue. Et là, ce n'était plus un pape mais un enfant. Il s'est avancé avec le sourire d'un petit le jour de la fête des mères. A la fois trop content de ce qu'il va offrir, trop ému par le poids de la reconnaissance et trop intimidé par ce geste, il donne ce jour là, alors qu'il est plutôt habitué à recevoir.
Benoît XVI a déposé ce cadeau au pied de la Vierge puis s'est mis à prier d'un bloc, les yeux mis clos, presque physiquement aspiré vers la statue. Longues minutes paradoxales où se lient l'absence, une étonnante présence et le silence. Autour, près de 300 000 personnes vibraient au diapason. De temps en temps l'homme en blanc ouvrait les yeux et fixait le visage de la statue en un regard mêlé de tendresse et de détresse. Un regard qui à la fois demandait et disait merci. Son maître des cérémonies est alors venu lui prendre délicatement le bras. L'enfant est redevenu pape.
(...)

 

2. Procession aux flambeaux à Lourdes en septembre 2008 (François Vayne sur KTO, à voir ici : "14-09 LE PLATEAU:B16 ET LE MESSAGE DE LOURDES", - vers 19' - avec aussi, hélas, Isabelle de Gaulmyn et Michel Cool)

La procession aux flambeaux... c'était très beau, mais ici, c'est le quotidien.
(..) Cette lumière qui brille au coeur de la nuit nous rappelle que nous ne devons pas nous laisser écraser par le mal...
Ce qui m'a touché, c'est le silence du Pape, à la fin de la procession.
On aurait voulu naturellement qu'il s'adresse à nous, qu'il nous dise quelque chose, et il est resté silencieux, et j'ai eu l'impression qu'il y avait une grande communication entre lui et nous dans ce silence-là, qui était un silence céleste, et qui était une vraie communion.
J'avais l'impression qu'il portait tout ce peuple dans sa main, et qu'il le présentait à Dieu.
C'était un silence habité.
(voir aussi beatriceweb.eu/BenoitEnFrance)

 

3. Prière devant le Saint-Sépulcre (Marie-Armelle Beaulieu, numéro spécial de la Terre Saine, Mai-juin 2009, n°601)

Participant au blog dédié par le journal La Croix à ce pèlerinage, j'y ai pourtant qualifié le pape de « glacial » ce qui m'a valu quelques commentaires.
L'adjectif était mal choisi mais la joie chez Benoît XVI est souvent contenue et certainement très intérieure. Trop parfois peut-être. Dans ce pays et dans cette situation où l'on a parfois que la force du désespoir pour réussir à sourire, on a besoin de la joie des autres, de chaleur, d'encouragement jusque dans les gestes.
Bien qu'il ne soit pas extraverti Benoît XVI a su néanmoins, un peu partout, dispenser de tels gestes. Le choix des photos du pèlerinage tout au long des pages de la revue qui lui sont consacrées a privilégié ces instants.
Mais on a vu et lu aussi sur le visage du Saint Père des expressions de gravité, de réflexion, de concentration, de recueillement.
Personnellement ce n'est pas Benoît XVI forçant sa nature pour se montrer plus chaleureux qui m'a réellement et profondément touchée mais c'est à chaque fois et partout Benoît XVI en prière. Devant le mur occidental, lors des messes, durant sa prière à la grotte de Nazareth et devant le Saint Sacrement dans la chapelle des Franciscains.
J'ai du mal à trouver les mots pour décrire ce que j'ai vécu spécialement au Saint Sépulcre. Devant moi, j'avais de dos un homme agenouillé immobile, pas de quoi pour un photographe multiplier les clichés... ce n'est pourtant pas cela qui a fait taire le crépitement des appareils photos mais bien plutôt le sentiment d'assister à un moment si fort qu'il fallait communier au moins par respect à ce moment d'intimité entre le pape et son Seigneur. Intimité? Oui et non. Puisque nous étions tous dans cette prière. Je me suis sentie portée par elle, moi et avec moi toute l'Église de Terre Sainte et avec nous toute l'Église universelle. Le pape ne semblait pas porter sur ses épaules un fardeau, mais il s'offrait et nous présentait au Seigneur tous, un à un, le milliard de chrétiens mais aussi un à un les juifs, les musulmans, toute l'humanité. Le saint et le pécheur ensemble, le traditionaliste et le progressiste. Tous ensemble dans le coeur de Benoît XVI, bénéficiant de la même sollicitude puisque c'est à celle de Dieu qu'il en appelait. C'est dans la force de cette prière-là que tout le reste prend sens, le dialogue interreligieux et oecuménique, les affirmations politiques aussi.
(cf. benoit-et-moi.fr/2009)