Vatileaks: vers le dénouement? (III)

Je partage entièrement ce très émouvant commentaire de Lucetta Scaraffia, qui, au-delà des délires du majordome dans l'acte d'accusation (comment a-t-il pu arriver, rester là?), se concentre sur "la solitude courageuse du Pontife". (14/8/2012)

Article ici: http://www.ilmessaggero.it/
Ma traduction.

Lire aussi:
¤ Vatileaks: vers le dénouement?
¤ Vatileaks: vers le dénouement? (II)

 

Entre chèque et pépite d'or, la réalité dépasse le roman.
La solitude courageuse du Pontife
Lucetta Scaraffia
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«Je précise que voyant le mal et la corruption partout dans l'Eglise, je suis arrivé dans les derniers temps, quand les choses ont dégénéré, à un point de non retour, ayant vu disparaître les freins de mes inhibitions. J'étais sûr qu'un choc, y compris médiatique, pourrait être salutaire pour remettre l'Eglise sur les bons rails. En outre, parmi mes centres d'intérêt, il y a toujours eu celui du renseignement ("intelligence"), quelque part, je pensais que justement dans l'Eglise ce rôle était celui du Saint-Esprit, dont je me sentais en quelque sorte un infiltré».
Les paroles de Paolo Gabriele, rapportées sur le procès verbal, font s'effondrer d'incrédulité le lecteur du document d'accusation.
Seul le romancier américain pouvait en effet penser qu'un serviteur du Pape penserait être un «infiltré du Saint-Esprit», et le lecteur plus prudent aurait pensé que - dans la réalité - une telle erreur ne pourrait jamais arriver parce que certainement le choix de la personne devant rester si près du pape ne serait jamais tombé sur un personnage aussi instable et enclin au fanatisme. Mais non: la réalité bat Dan Brown
Et le rapport du psychiatre qui le déclare inapte à accomplir la tâche dont il avait la charge semble démenti par les jugements des autres collaborateurs proches du Pape, le décrivant surtout comme un bon père de famille, mais un peu lent à comprendre et à exécuter.

Des descriptions qui se dégagent des interrogatoires largement rapportés dans le document, la «famille pontificale» apparaît comme une vraie famille, où les personnes qui en font partie s'acceptent avec charité, se pardonnant les faiblesses et les incapacités, et non comme un lieu où l'efficacité et le service bien fait doivent prévaloir sur tout .
Un lieu, comme cela arrive en famille, où chacun a honte de soupçonner l'autre, et tente de le justifier, connaissant bien ses limites humaines.
S'il n'en avait pas été ainsi, un majordome comme Gabriele n'aurait pas pu garder ce poste longtemps: à la lenteur dans l'exécution de ses fonctions, en effet, s'ajoutait - cela résulte de l'acte - une habitude exagérée de bavardage et le besoin d'attirer l'attention de ses interlocuteurs, y compris importants, en leur fournissant des informations sur la vie privée du Pape.

Il ressort des interrogatoires l'image d'un majordome exécrable, que n'importe qui aurait pu rapidement remplacer, mais qu'ici l'on supportait au nom de son dévouement déclaré et de son rôle de père de famille. En plus, bien entendu, de l'affection qui était née en plusieurs années de collaboration quotidienne.
Certes, les pièces du Pape sont très différentes de celles des puissants de la terre, où à la pitié pour les faiblesses humaines et à l'indulgence envers les défauts, on préfére les contrôles stricts et l'efficacité absolue .
Même s'il est très déplaisant que le valet de chambre en soit venu à commettre des vols aussi graves, et même si on peut penser que peut-être quelqu'un aurait pu le tenir à l'œil et s'en apercevoir plus tôt, ce n'est certainement pas une surprise désagréable de découvrir que chez le Pape, les relations se forment et se consolident sur la base de catégories très différentes de celles des puissants. Et d'apprendre que le Pape supporte avec charité les défauts des autres.
Avec le vol de documents confidentiels, cependant, on est allé bien au-delà: le serveur bavard et incapable est devenu un voleur en mesure de causer du tort à l'Eglise. À ce point, le choix de Benoît XVI est un choix de justice et de vérité: aller au fond de l'enquête et la rendre publique, au lieu de couvrir les défauts sous les tapis pour maintenir une image moins négative du Vatican.
Parce que le Pape sait bien que l'image saine du Saint-Siège ne peut être sauvée que par la vérité, même si, sur le moment, la vériter semble offusquer cette image.

La lecture des documents fait ressortir de façon claire et dramatique la solitude du pontife, que tout le monde peut imaginer, mais qui se détache clairement comme jamais auparavant à travers cette photographie de sa vie quotidienne vue depuis les «pièces des domestiques», comme dans une sorte une sorte de Downtown Abbay du Vatican.
Un Pape rendu sans défense par sa «pietas» humaine elle-même, son respect pour les autres, quels qu'ils soient.

Mais aurions-nous préféré un Benoît XVI qui contrôle où a fini la pépite d'or que lui avait envoyé un fidèle, et qui peut-être licencie le camérier lent et distrait? Bien sûr que non, nous préférons un Pape qui est au-dessus de tout cela, et qui accepte sa solitude avec courage, se mouvant uniquement lorsque la vérité devient une condition fondamentale pour la purification de l'Eglise. Peut-être que de la poursuite de l'enquête, d'autres mauvaises surprises sortiront - les noms rendus secrets (ndt: remplacés par des initiales) le laisseraient penser - mais ce qui est important pour les catholiques, ce n'est pas la corruption au Vatican, mais la voie de sortie qu'a choisie Benoît XVI .