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Dans l'avion du Pape (3)

Les propos sur les gay sont récupérés en Italie par les militants en faveur de la loi faisant de l'homophobie un délit. Article de Riccardo Cascioli sur la Bussola (30/7/2013, mise à jour ultérieure)

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Pour les italiens, la sortie du Pape sur l'homosexualité suit le pire des timing: elle arrive juste au moment où est en discussion au parlement la loi liberticide contre l'homophobie, dont nous avons déjà parlé (cf. Loi sur l'homophobie: vers le totalitarisme). D'où l'agacement de Ricardo Cascioli, le directeur de la Bussola, car bien entendu, la gauche homosexualiste italienne n'a pas laissé passer une aussi belle occasion d'enrôler le pape dans ses rangs.

Dans l'article ci-dessous, il s'emploie donc à démontrer que François n'a rien dit de neuf sur l'homosexualité par rapport au catéchisme de l'Eglise Catholique, et surtout par rapport à Benoît XVI, dont il cite les propos dans "Lumière du monde".
Ce n'est pas tout à fait exact: François a certes - conformément à la doctrine – bien séparé le pécheur du péché, rappelant la théologie du pardon, mais il a aussi habilement déplacé le problème de l'homosexualité vers le lobbying, dédouanant ainsi explicitement un homosexuel pas seulement en « tendance », dont il ne connaît pas plus que nous la réalité du repentir qui reste une affaire exclusive entre lui et sa conscience. Et surtout, il a utilisé le mot « gay », une première. Les médias ne s’y sont pas trompés, et à mon avis, à raison.

Riccardo Cascioli fait aussi un parallèle inapproprié avec la déformation par les médias des propos de Benoît XVI. La différence saute pourtant aux yeux. Alors que ce dernier était systématiquement livré en pâture à l'opinion publique préalablement chauffée à blanc, cette fois encore, François est encensé pour son ouverture, sa compassion, sa modernité.
Quant au reproche classique fait à la communication du Vatican, il n'est décidément pas recevable. La décision de s'entretenir avec les journalistes est entièrement personnelle de la part du Pape (1). Il a même remercié à deux reprises le journaliste qui lui a posé la question.

     

Pape et gays, la révolution qui n'existe pas
Riccardo Cascioli
La Nuova Bussola Quotidiana
30-07-2013
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A Benoît XVI, il était arrivé d'"ouvrir" sur les préservatifs (ndt: je pense qu'il fait allusion à une réplique de Lumière du monde, et pas à la fameuse interviewe dans l'avion vers le Cameroun en février 2009), au Pape François, en revanche, ce sont les gays. Les interviews avec les journalistes en avion sont évidemment destinées à créer quelques problèmes dans la communication et à obscurcir les contenus des voyages pastoraux. Ainsi, les images spectaculaires des énormes foules qui dimanche occupaient Rio de Janeiro pour participer à la messe avec le Pape François et son invitation pressante à l'évangélisation, étaient hier déjà oubliées, submergées par la réponse que le Pape François avait donnée à un journaliste à propos d'un lobby gay au Vatican: «Si quelqu'un est gay, qui suis-je, moi, pour le juger?» a dit le Pape à un certain moment. Et sur les médias du monde entier, la première nouvelle a été l'ouverture du Pape aux gays. En Italie, Nicky Vendola et Paola Concia n'ont pas perdu un moment pour enrôler le Pape dans le parti anti-homophobie.

Comme toujours, pourtant, il est bon avant tout de lire avec attention ce que le pape a vraiment dit. Il répondait à une double question, sur Mgr Battista Ricca, et sur le lobby gay au Vatican. Sur Mgr Ricca, après avoir été nommé prélat de l'IOR par le Pape Bergoglio, plusieurs révélations embarrassantes sont sorties, sur de troubles histoires homosexuelles qui l'auraient impliqué quand il travaillait à la nonciature en 1999-2000.
Voyons alors ce qu'a répondu François:

Ici, Riccardo Cascioli reproduit la réplique que nous avons déjà traduite à deux reprises.

«En ce qui concerne Mgr Ricca, j'ai fait ce que le droit canon dit qu'il faut faire, c'est-à-dire l'investigatio praevia. Et dans cette investigatio il n'y a rien de ce dont on l'accuse, nous n'avons rien trouvé. Ceci est la réponse. Mais je voudrais ajouter une chose. Je vois que très souvent dans l'Église, dans ce cas et dans d'autres, on va chercher les péchés, de jeunesse, par exemple, et qu'on les publie. Pas les crimes, hein, les crimes sont une autre affaire. L'abus de mineurs, est un crime, par exemple, ce n'est pas (qu')un péché. Mais si une personne, laîc, prêtre ou soeur, commet un péché puis se convertit, le Seigneur pardonne. Et quand le Seigneur pardonne, le Seigneur oublie. Et cela est important pour notre vie: quand on va se confesser, et que l'on dit: «J'ai péché en ceci» le Seigneur oublie. Et nous n'avons pas le droit de ne pas oublier, parce que nous courons le risque que le Seigneur n'oublie pas les nôtres, hein! C'est un danger! Une théologie du péché est importante. Tant de fois je pense à Saint Pierre qui a commis l'un des pires péchés, renier le Christ, et après ce péché, ils l'ont fait pape! Mais revenons à votre question plus concrète, dans ce cas, j'ai fait l'investigatio préliminaire, et je n'ai rien trouvé. C'est la première question. Ensuite, vous avez parlé du lobby gay. On écrit beaucoup sur le lobby gay. Je n'ai toujours pas trouvé quelqu'un qui va me donner sa carte d'identité au Vatican. Ils disent qu'il y en a. Mais il faut distinguer le fait qu'une personne est gay du fait d'être un lobby. Si c'est un lobby, tous ne sont pas bons. Si une personne est gay et cherche le Seigneur et a de la bonne volonté, qui suis-je pour juger? Le Catéchisme de l'Église catholique affirme que ces personnes ne doivent pas être discriminées mais acceptées. Le problème n'est pas d'avoir ces tendances, ce sont des frères, le problème est de faire lobby: de cette tendance ou d'affaires, lobby des politiciens, lobby des francs-maçons, tous les lobbies... C'est le problème le plus grave. Et merci beaucoup de faire de cette question. Merci beaucoup.»

* * *

Bon, ce qui a été présenté comme une révolution est en réalité la simple répétition du catéchisme de l'Eglise catholique: personne n'entend juger la personne gay, et moins que quiconque nous, à la Nuova Bussola, bien qu'engagés sans relâche dans l'opposition à la loi sur l'homophobie. Le problème, en effet, n'est pas la personne, qui doit toujours être accueillie, mais la tentative de subvertir la loi naturelle. Pour reprendre une image dont on a abusé, on doit dire que l'Eglise a toujours combattu le péché, pas le pécheur, auquel s'adresse au contraire la mission de salut.

Nulle part l'Eglise n'a jamais soutenu la nécessité de discriminer ou de marginaliser les gays: si quelqu'un dans l'Eglise l'a fait, ce n'est certes pas imputable au Magistère. Certains considèreraint-ils que JP II et Benoît XVI se sont déjà exprimés en faveur d'une discrimination des personnes homosexuelles? Au contraire, il faut rappeler que dans le livre-interviewe "Lumière du monde" avec le journaliste Peter Seewald, au chapitre 14, se référant aux personnes avec des tendances homosexuelles, il parlait d'«une grande épreuve» qu'ils doivent supporter et que de toutes façons «ils ne doivent pas être discriminés parce qu'ils présentent cette tendance. Le respect de la personne est absolument fondamental et décisif» (ndt: mais justement, François n'est pas Benoît XVI).

Le Pape Bergoglo n'a donc rien dit de nouveau: la tendance homosexuelle n'est pas le problème, ce qui revient à dire que ce n'est pas un péché, mais le catéchisme ajoute aussi qu'il s'agit d'une inclination objectivement désordonnée. Ce sont les actes homosexuels qui constituent un péché. Le Pape Ratzinger ajoutait encore que le fait d'être une grande épreuve ne signifie pas que «l'homosexualité devient moralement juste».
Mais c'est ce que laisse entendre le Pape Bergoglio en parlant de Mgr Ricca (???). Faisant référence à de présumés comportements de ce genre dans le passé, le Pontife a parlé de péchés qui toutefois - et là, la référence est à tous les péchés - sont oubliés par Dieu une fois confessés et pardonnés.

Donc, où est la révolution en la matière? Et même, s'il y avait quelque chose à noter dans cette réponse - qu'on prenne bien garde qu'il s'agit ici de l'Eglise, et même de la Curie vaticane - c'est la référence explicite à un lobby maçonnique, chose qu'on n'avait pas entendu dire de façon aussi claire depuis des décennies.

Le fait est pourtant que ce n'est pas ce que le Pape a vraiment dit qui importe, les medias du monde entier ont suivi leur route tout droit, soutenant qu'il y a eu une ouverture aux gays, et en Italie, cela sera utilisé pour pousser à l'approbation de la loi anti-homophobie, bien que la loi en discussion n'ait aucun rapport avec ce qu'a dit le pape François.

Et c'est là que naît le vrai problème, parce que l'immense majorité de l'opinion publique mais aussi l'immense majorité des catholiques, connaissent ce que dit le pape - quel qu'il soit - non pas directement de la source, ses discours, mais des réductions qu'en font les journaux et la télévision. Il arrive ainsi - et c'est arrivé souvent avec Benoît XVI - que passe dans l'opinion publique un message attribué au pape, qui pourtant est très éloigné de ses intentions, parfois même à l'opposé.

Il y a donc un problème de communication que le Pape Bergoglio ne peut ignorer (1): à l'occasion du voyage au Brésil, il a laissé entendre qu'il était conscient de la question, puisque - souvenir de ce qui était arrivé à Benoît XVI - il a évité de faire une conférence de presse en avion à l'aller. Mais déplaçant la rencontre avec les journalistes dans le voyage de retour, les choses, comme nous l'avons vu, changent relativement. La question n'est pas non plus liée seulement aux voyages. Dans les dernières années, l'appareil de communication - autrement dit cet ensemble de mécanismes qui doivent garantir la plus grande diffusion correcte du message du Pape - a montré plusieurs failles, et provoqué beaucoup de dégâts. Pour le pape François, c'est certainement un des problèmes les plus importants à affronter dans la restructuration de la Curie.

* * *

(1) John Allen nous apprend que c'est une décision personnelle du Pape, à qui cela avait été déconseillé:
"On background, officials said the decision to hold the news conference aboard the 12-hour flight from Rio de Janeiro to Rome was a personal decision by Francis and that aides at one point had counseled him against it." (http://ncronline.org/blogs/ncr-today/pope-homosexuals-who-am-i-judge )

Une réflexion de Monique T.

Ce que François dit dans l'avion sur les gays est bien léger. Avec de tels propos (qui seront applaudis par les gens et la presse), il n'est pas près de débarrasser la curie du lobby gay. Les gays vont se sentir encouragés à occuper les postes. Ils seront même les chouchous du pape!

Concernant Mgr Ricca, il est bien naïf. Cet homme a probablement bénéficié de complicités pour obtenir un dossier impeccable. Mais même si le dossier ne l'était pas, on sent que François ne voit pas d'inconvénient majeur à nommer des gays actifs (il ne s'agit pas de repentis) aux postes-clés, à cause de la miséricorde. C'est avec des raisonnements de la sorte qu'on a laissé se répandre la plaie des abus sur mineurs. Nous avons cru un temps que le prélat était sur le point de
donner sa démission mais c'était une erreur. Je ne m'étais donc pas trompée dans ma première version (cf. Mgr Battista Ricca: le mauvais choix du pape), en pariant que François conserverait son protégé.