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De Vatican I à Vatican II

Un inédit du cardinal Ratzinger, publié sur l'Osservatore Romano: une homélie prononcée en 1997 à Marktl am Inn, son village natal. Réflexion sur le nationalisme, opposé au principe ecclésial d'unité. (11/4/2013. Mise à jour importante [*])

>>> Ci contre: le cardinal Ratzinger signant le livre d'or du petit musée de Marktl - qui depuis lors a dû bien s'étoffer.
J'avais pris cette photo dans le musée en 2005.


Bien entendu, le fait que l'OR ressorte cet "inédit" aujourd'hui revêt une signification précise.
Nous devons être reconnaissants aujourd’hui encore pour le fait qu'il y ait le pape comme unité de référence, comme force visible de l'unité.

     

Un inédit de Joseph Ratzinger
Il s'agit d'une homélie sur le passage de Vatican I à Vatican II, prononcée le 13 juin 1997 à Marktl am Inn.
(http://ilblogdiraffaella.blogspot.it, ma traduction)
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La fenêtre de la foi.
De Vatican I à Vatican II


Le concile Vatican I eut lieu juste au moment où, au terme de la guerre franco-prussienne, naquirent deux nouveaux grands états nationaux: l'Allemagne et l'Italie.
Dans le même temps, l'Etat de l'Eglise, le pouvoir temporel de la Papauté, disparut définitivement de la carte géographique et de notre histoire. A ce moment, Vatican I mit en lumière le vêtement purement spirituel, libre de tout lest temporel, de la papauté, la décrivant à nouveau à partir de la suite du Christ privé de pouvoir terrestre aussi dans sa succession, tout comme Pierre, le pécheur, l'avait suivi sans aucun pouvoir jusqu'à la crucifixion à Rome.
De tout cela, nous pouvons tirer un peu de soulagement et de regret par rapport au passé. Soulagement pour le fait qu'a disparu beaucoup de ce dans quoi l’on se complaisait; peut-être aussi un peu de regret pour quelque chose que l'on aurait voulu conserver. Il est important, toutefois, qu'au moment où le principe de la nation célébrait son propre triomphe, quand la nation en venait presque à être adorée, le Concile lui opposa le principe de l'unité. La nation est une valeur, il ne s'agit pas de le contester. Mais là où elle est absolutisée, elle devient dangereuse.
Dans l'histoire des 140 dernières années, nous voyons combien de sang et de larmes ont été versés à cause de l'ivresse du nationalisme, non seulement en Europe, mais dans le monde entier. Et cela parce que tous (y compris nous, chrétiens, nous, catholiques), nous étions en majorité avant tout allemands, français, italiens, anglais, et seulement dans un second temps, chrétiens et catholiques.
Nous avons trop oublié ce que nous avons appris justement de l'Ecriture, c'est-à-dire que nous tous dans notre diversité, qui devait être richesse de l'être ensemble, nous sommes destinés à être ensemble fils de Dieu, frères de Jésus-Christ, une grande famille, et que le monde - comme dit l'Ecriture - n'est pas uni par la force d'une nation particulièrement importante, qui se conçoit comme nation dominante ou choisie, mais plutôt est uni à travers Celui qui peut lier le ciel et la terre - Jésus-Christ.
Ainsi, le fait de placer le principe de l'unité au-dessus des confins nationaux, bien que malheureusement velléitaire dans notre histoire, s'est avéré d'une grande actualité, et pas seulement pour cette époque.
Ce principe d'unité est urgent encore aujourd'hui, puisque nous nous trouvons au milieu d’un tel entrelacis, de telles dépendances politiques et économiques, que personne ne peut plus en sortir. Au point que nous voulons nous retirer dans la dimension spirituelle, religieuse, dans notre monde, dans notre coquille. Ainsi, quand ce n'est pas le groupe avec lequel nous sympathisons, c'est notre conscience, qui souvent est juste un nom de couverture pour nos désirs personnels et nos opinions, qui est comprise comme l'ultime instance.
Tout cela a une valeur en soi, mais ne peut être saisi, et n’est vrai et juste, que s‘il fait partie de la grande vérité de notre être une seule chose à partir de Dieu le Père, de Jésus-Christ.
C’est pourquoi nous devons être reconnaissants aujourd’hui encore pour le fait qu'il y ait le pape comme unité de référence, comme force visible de l'unité ; nous devons reconnaître le fait que l'unité n'est pas seulement un don, mais plutôt qu’elle nous pose des questions, et ce n'est qu'alors qu’elle peut nous enrichir ; nous devrions nous efforcer de partager dans la grande unité ce qui est nôtre, afin d’être en mesure de recevoir des autres.

Quel est aujourd’hui le message du Concile Vatican II? De la multiplicité de ses textes, il n'est pas facile d'extrapoler le message central. Mais nous devons nous rappeler que le Concile Vatican I a été dissous à cause de la guerre entre les peuples, qu'il n’a pas pu arriver à un message de conclusion. Ainsi, Vatican II a continué ce qui avait alors été interrompu et a donné forme à la parole définitive sur l'Église, et cette parole prononcée à nouveau sur l'Église, c'est le Christ. La première phrase du texte sur l'Église dit: «La lumière des peuples est le Christ » (Lumen gentium, 1).
L'Eglise existe donc pour transmettre cette lumière. Ellel n'existe pas pour elle-même, mais comme une fenêtre qui laisse pénétrer la lumière du Christ dans notre monde.

Remarque (importante):
Joseph Ratzinger a toujours été un patriote bavarois, comme son père avant lui. Il ne s'agit donc ici nullement de "moralisme" ou d'idéologie mondialiste d'abolition des frontières que certains pourraient y voir.
Mais cela a certainement une signification particulière que le discours ait justement été prononcé en Allemagne, et dans sa patrie bavaroise.
En visitant, dans les villages de sa géographie personnelle, les cimetières, on est stupéfait du très lourd tribut payé (les monuments aux morts en témoignent), complètement oublié par l'histoire officielle. Comme si ces morts n'existaient pas.

Mise à jour importante (aussi!)

[*] J'avais traduit "guerra franco-tedesca" par "franco-allemande"!
Mais ce n'est sans doute pas ce qu'avait dit le Cardinal, ou alors, l'italien n'a pas assez de nuances!
Et dans le contexte actuel, les mots ont un tout autre sens.
Il vaut donc mieux dire, pour nous, français "guerre de 1870", ou bien "guerre opposant le Second Empire français au Royaume de Prusse, et à ses alliés allemands".