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Les nombres et la foi (3)

Quatrième - et brillant - volet de la série d'articles de l'Avvenire sur le thème "Foi et raison" (12/1/2009)


24 Décembre 2008
Numeri et fede/4
(Avvenire)
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Et si Dieu se cachait dans la théorie des jeux?
« Comme Pascal, le mathématicien lui aussi pèse le pour et le contre et arrive à croire par « intérét » ».
Marc Andreatta parle. « Comme Ennio De Giorgi, je pense que le mystère est davantage une condition nécessaire qu'une entrave à la vérité de la religion.
Celui qui croit accepte avec facilité l'éthique scientifique ».
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« Il y a peu de temps, nous avons appris la nouvelle qu'un jeune, diplômé en physique dans ma faculté, a été ordonné diacre par l'évêque de Trente. Parmi mes collègues et amis scientifiques (et même surtout mathématiciens) de profession, nombreux sont ceux qui comme moi, ont une foi. Même si - évidemment - il ne s'agit pas pour tous d'une foi chrétienne ».

Marc Andreatta, est professeur de géométrie, et président de la Faculté des Sciences à l'université de Trente.
Pour lui, mathématiques et foi sont deux aspects de la pensée humaine qui agissent dans des domaines substantiellement séparés mais qui parfois se croisent, avec des conséquences très intéressantes.

-Qu'ont-elles en commun ?
« Le mathématicien est peut-être le "raisonneur" rationnel par antonomase ; depuis Galilée, on dit de chaque nouvelle théorie qu'elle est scientifique si elle se base sur les mathématiques et sur ses procédures logico-déductives. Mais cela n'empêche pas un mathématicien, par exemple, de tomber amoureux (une activité pas toujours « rationnelle ») ni d'éprouver des sentiments de solidarité, des passions politiques, ni de croire en une religion et en ses dogmes de foi. Et, d'autre part, comme une femme peut tomber amoureuse d'un mathématicien, pour son « savoir », sa façon de faire et de penser, ainsi la foi peut entrer dans l'esprit du mathématicien».

- Au cours de l'histoire, pour expliquer qu'ils étaient des hommes de foi, plusieurs mathématiciens se sont appuyés sur des arguments provenant de leur expérience de scientifiques.
« Je n'ai personnellement jamais été enthousiasmé par la preuve ontologique d'Anselme (qu'un mathématicien comme Descartes a résumé en affirmant que « l'existence de Dieu fait partie de son essence » et que le spécialiste de logique mathématique Kurt Gödel a formalisé au siècle dernier). A l'inverse, j'ai toujours été frappé par l'argument de Pascal, qui renvoit aujourd'hui à ce qu'on définit comme « théorie des jeux » : après une analyse serrée du pour et du contre, le philosophe-mathématicien français (inventeur du calcul des probabilités) soutient que le choix de croire en Dieu et en une vie éternelle est plus 'intéressant'. Je n'ai jamais donné trop de poids à l'aspect utilitariste, mais j'ai toujours pensé que sous ce raisonnement rationnel il y avait l'espoir que les peines terrestres auront, pour des plus malchanceux et pour les derniers, un sens supérieur ».

- Pour certains, accepter le mystère est le meilleur chemin pour y accéder.
« Parmi les nombreux points de vue, celui que je préfère est sans doute celui du mathématicien italien Ennio De Giorgi, qui s'exprimait ainsi dans une longue interview sur l'Osservatore Romano du 18 novembre 1978 : « en travaillant comme mathématicien je me suis trouvé contraint d'admettre que : non seulement les choses qui existent sont, c'est evident, plus nombreuses que celles que je connais, mais que pour pouvoir parler de choses connues je suis forcé de faire référence à des choses méconnues et humainement innaccessibles à la connaissance; ...donc le fait que la religion prévoie le mystère apparaît (au mathématicien) davantage comme une condition nécessaire de sa crédibilité (i.e. si on croit, alors on admet que la "religion prévoit le mystère") que comme une entrave à l'accepter ». Mais attention, met en garde plus loin De Giorgi, « Dieu ne peut pas être réduit à la première organisation autocompréhensive ». Nous avons alors la sensation de ne pas pouvoir appliquer des catégories purement logiques (pensons à l'humilité de l'écoute, au « bienheureux les purs de coeur »…) ».

- Dans votre vie, y a-t'il un évènement qui vous a poussé à croire ?
« J'ai un souvenir personnel, peut-être simple, mais pour moi d'intense signification : à sept ans je fréquentais le catéchisme pour la première communion, enseigné par un jeune et brillant prêtre, don Giampaolo. Il dessina sur l'ardoise non pas l'habituel triangle avec un oeil au centre mais un magnifique cercle et dit : de même que vous comprenez que le cercle n'a pas un point de départ et un point final, vous pouvez aussi comprendre que Dieu est tout, est début et fin en même temps. J'ai toujours pensé que cette leçon était parmi les choses qui m'ont poussé, plus tard, à me consacrer à cette partie des mathématiques qui est la géométrie ».

- Ici nous avons le cas de la foi qui pousse vers les mathématiques.
« Je pense que là aussi De Giorgi avait raison lorsqu'il affirmait « qu'il est plus facile pour quelqu'un qui croit d'accepter le principe fondamental de l'éthique scientifique, c'est-à-dire la recherche passionée de la vérité », et donc d'accepter des changements culturels dans cette direction. En prenant garde de conserver bien clairs les liens du raisonnement scientifique, parce que, pour citer Galilée, « toutes les paroles de l'Écriture ne sont pas liées à des obligations aussi rigoureuses que chaque effet de la nature ». Le scientifique a des obligation-liens rigoureux dans le raisonnement : ils dérivent du comportement de la nature dont il ne peut pas faire abstraction ; la pomme tombe de l'arbre, elle ne vole pas en l'air. Richard Feynman, illustre physicien théorique, disait qu'une chose est de penser et discuter à propos d'un ange gardien, que chacun peut imaginer un peu comme veut ; une autre chose est de penser par exemple au champ électrique, qui est exposé à tant de spécificités ».

- Aujourd'hui peut-on encore dire que les mathématiques sont l'âme des sciences et que d'elles dépend en grande partie le futur de l'humanité ?
« Certainement. Pensons par exemple à la possibilité de contrôler les évènements provoqués par les changements climatiques et aux modèles mathématiques sophistiqués nécessaires à cette fin, les mathématiques de la rareté et du chaos. La centralité de l'avenir de l'homme comme argument de fond de la recherche mathématique devrait porter le croyant à s'intéresser aux mathématiques, parce que cette discipline fournit une bonne partie des règles internes à toute la recherche scientifique. Indubitablement, le tourbillonant développement technologique, plus que la science elle-même, a fait naître ces dernières années une énorme quantité de questions. Dans mon domaine, il suffit de penser aux problèmes formidables et irrésolus liés à la complexité mathématique intrinsèque des nouvelles technologies : de la biologie au réseau mondial de l'information, tout, aujourd'hui, réclame aux mathématiques des paradigmes et des moyens conceptuels nouveaux et efficaces pour pouvoir gérer, partager et développer les nouvelles découvertes.
Pour cela aussi, les mathématiques d'aujourd'hui forment une science très riche de nouveaux dévelopements et beaucoup pensent que les prochaines années seront prodigieuses dans ce domaine.
Dans différents domaines, des problèmes sont posés à l'humanité par les nouvelles technologies : ce sont ceux qui concernent la liberté et la responsabilité : des questions inédites, que l'Église soulève aussi, avec raison et sur lesquelles un dialogue ouvert et constructif est possible et souhaitable, puisque, pour citer une fois de plus Galilée, 'deux vérités ne peuvent jamais se contrarier'.
J'espère que la foi pourra partager avec la science la confiance dans les capacités rationnelles de l'homme, sur lesquelles, pour une bonne part, nos espoirs de paix et de progrès se fondent ».

Luigi dell'Alia

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