Le Pape devient critique d'art
Lors des vêpres célébrant la fin des travaux de restauration de la Chapelle Pauline. Images, et le compte-rendu de Salvatore Izzo (5/7/2009)
Etonnante et belle homélie du Saint-Père, lors des vêpres célébrées le 3 juillet à l'occasion de la fin des travaux de restauration de la chapelle pauline.
Un exercice de pure érudition, mais qui loin d'être gratuit, est une méditation d'une profonde spiritualité, où le génie de Michel-Ange rejoint celui de son commentateur pas vraiment improvisé.
(à propos de Michel-Ange, (re)lire ici: Michel-Ange, artiste théologien)
Et une conclusion personnelle et très émouvante, où il compare "la croix du Christ, et la croix de Pierre, son vicaire sur terre".
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Fin du chantier de restauration de la Chapelle Pauline au Vatican (Source)
[ 04 juin 2009 ]
Le 15 mars, le directeur des musées du Vatican annonçait dans l'Osservatore Romano que le Pape Benoit XVI inaugurera la Chapelle Pauline le 29 juin (en fait le 3 juillet), après 6 ans de travaux de restauration.
Moins fameuse que la Chapelle Sixtine, elle fut construite en 1537 par l’architecte Antonio da Sangallo, à la demande du Pape Paul III Farnèse, qui lui donna son nom. Michel-Ange y a réalisé les deux fresques : La crucifixion de Pierre et La conversion de Paul, ses deux dernières œuvres peintes. Fermée au public, cette chapelle privée, lieu de prière pour les employés du Vatican, accueille les célébrations privées papales et la cérémonie des vœux du Sacré Collège avant le Conclave. Les travaux, commencés en 2003, n’avaient pas la prétention de rendre à la chapelle sa splendeur originelle, mais d’en assurer la sauvegarde, tout en prenant en compte les effets du temps. La restauration des fresques a mis au jour un agencement de couleurs analogue à celui de la Chapelle Sixtine, achevée un an plus tôt. La Conversion de Paul et La Crucifixion de Pierre apparaissent comme un approfondissement du Jugement dernier. Si les travaux de restauration ont rendu son éclat à la Chapelle Pauline, elle ne retrouvera son caractère sacré qu’après la bénédiction du Pape Benoit XVI...
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Le reportage de Salvatore Izzo
samedi 4 Juillet 2009
De théologien à critique d'art, le Pape explique les Apôtres de Michel-Ange
Salvatore Izzo
(Source: blograffaella... , traduction)
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« Le visage de Saül, tombé à terre est éclairé d'en haut, par la lumière du Ressuscité et, même dans son caractère dramatique, la représentation inspire la paix et un sentiment de sécurité : elle exprime la maturité de l'homme intérieurement éclairé par le Christ Seigneur, pendant qu'autour de lui tourne un déferlement d'évènements dans lesquels toutes les figures se retrouvent comme dans un tourbillon.
Et la figure de Pierre communique une surprenante vigueur physique. Le visage, spécialement le front et les yeux, semblent exprimer l'état d'esprit de l'homme face à la mort et au mal : il y a comme un égarement, un regard aigu, tendu presque, à chercher quelque chose ou quelqu'un, dans la dernière heure ".
Benoît XVI a laissé ce soir pour quelques instants sa tâche quotidienne de pasteur et de théologien pour devenir critique d'art et illustrer les deux grandes fresques, « les dernières de sa longue existence », réalisées par Michelangelo Buonarroti pour la Chapelle Pauline, rendue à sa splendeur par une restauration complexe.
Cardinaux et prélats de la Curie Romaine, qui ont participé à la prière des vêpres avec lui, dans un lieu aussi significatif, ont été captivés par la lecture qu'il a proposée, expliquant les coups de pinceaux du génial artiste florentin du point de vue théologique mais aussi philologique et artistique.
« Les fresque - a t'il rappelé - représentent la conversion de Paul et la crucifixion de Pierre. Le regard est attiré avant tout par les visages des deux Apôtres. Il est évident, déjà par leur position, que ces deux visages jouent un rôle central dans le message iconographique de la Chapelle.
Mais, en plus de leur emplacement, ils nous attirent tout de suite « au-delà » de l'image : ils nous questionnent et ils nous induisent à réfléchir ».
« Demandons-nous - a exhorté le Pontife - pourquoi Paul est représenté avec un visage aussi âgé ? C'est le visage d'un vieil homme, alors que nous savons, et Michel-Ange le savait bien aussi, que l'appel de Saül sur de chemin de Damas se produisit lorsqu'il avait une trentaine d'années.
Le choix de l'artiste nous porte déjà hors du pur réalisme, nous fait aller au-delà de la simple narration des évènements pour nous introduire à un niveau plus profond ».
« La face de Saül - Paul - a affirmé Papa Ratzinger - est celui de l'artiste lui-même, à présent vieux, inquiet et à la recherche de la lumière de la vérité, il représente l'être humain qui a besoin d'une lumière supérieure, celle de la grâce divine, indispensable pour acquérir une vue nouvelle, avec laquelle percevoir la réalité orientée vers l'« espérance qui vous attend dans les cieux », comme l'écrit l'Apôtre aux Colossiens ».
Selon le Pape théologien, « la grâce et la paix de Dieu ont enveloppé Saül, l'ont conquis et l'ont transformé intérieurement. Cette même « grâce » et cette même « paix » - a t'il rappelé - il les annoncera à toutes ses communautés dans ses voyages apostoliques, avec une maturité d'âge, non pas par l'état civil, mais spirituelle, donnée à lui par le Seigneur lui-même ».
Ici donc - a observé le Pape - nous pouvons déjà percevoir dans la face de Paul le coeur du message spirituel de cette Chapelle : c'est-à-dire le prodige de la grâce du Christ, qui transforme et rénove l'homme par la lumière de sa vérité et de son amour ».
Et Pierre, « représenté dans l'instant où sa croix renversée est hissée et lui se tourne pour fixer celui qui l'observe », nous surprend selon Papa Rtazinger par son regard égaré : « l'âge représenté ici est l'âge vrai, mais c'est l'expression qui nous étonne et nous questionne. Pourquoi cette expression ? », s'est demandé le Pontife, en remarquant que l'égarement de Pierre devant la violence qui est faite « n'est pas une image de douleur ».
« Dans les visages des personnes qui sont autour de lui - a remarqué Benoît XVI - on remarque aussi les yeux : regards inquiets, certains même effrayés ou égarés ». Un égarement a t'il expliqué qui nous renvoie « à ce que Jésus avait prédit à son Apôtre : « Lorsque tu seras vieux un autre te conduira » là où tu ne veux pas aller; et le Seigneur avait ajouté : « Suis-moi » ».
« Voilà que se réalise maintenant le point culminant de la suite : le disciple n'est pas plus que le Maître, et maintenant il expérimente toute l'amertume de la croix, des conséquences du péché qui sépare de Dieu, toute l'absurdité de la violence et du mensonge. Si dans cette Chapelle on se met à méditer, on ne peut échapper - a t'il conclu - à la radicalité de la question posée par la croix : la croix du Christ, Chef de l'Église, et la croix de Pierre, son Vicaire sur la terre ».
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