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Rétrospective 2011

Article d'Andrea Tornielli qui suit l'affaire de près, et est en général bien informé.
Mais cette idée de délai, voire d'ultimatum n'est nullement incluse dans le communiqué de la CDF. Elle a pourtant été reprise par de nombreux medias, qui ont ainsi déformé, à leur insu ou non, les intentions du Saint-Siège - cf. JM Guénois (17/3/2012)

Dossier sur ce site



Le communiqué du Saint-Siège

Extrait du bulletin VIS du 16/3
Communique du Cardinal Levada
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Voici le texte diffusé ce midi par la Salle de Presse du Saint-Siège :
« Au cours de la rencontre du 14 septembre 2011 entre le Cardinal William Joseph Levada, Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, et Mgr.Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, un préambule doctrinal, accompagné d’une note préliminaire, a été communiqué à ce dernier, comme base fondamentale pour parvenir à la pleine réconciliation de la Fraternité avec le Siège Apostolique. Ce préambule énonçait certains principes doctrinaux et critères d’interprétation de la doctrine catholique, nécessaires pour garantir la fidélité au magistère de l’Eglise et le Sentire cum Ecclesia.

La réponse de la Fraternité sacerdotale saint Pie X à ce préambule doctrinal, parvenue en janvier 2012, a été soumise à l’examen de la Congrégation puis au jugement du Saint-Père. Conformément à la décision de Benoît XVI, l’évaluation de sa réponse a été remise aujourd'hui par écrit à Mgr Fellay. Cette évaluation fait remarquer que la position qu’il a exprimée n’est pas suffisante pour surmonter les problèmes doctrinaux qui sont à la base de la fracture entre le Saint-Siège et ladite Fraternité. Au terme de la rencontre de ce jour, dans le souci d’éviter une rupture ecclésiale aux conséquences douloureuses et incalculables, le Supérieur général de la Fraternité saint Pie X a été invité à clarifier sa position, afin de parvenir à la réduction de la fracture existante, comme l’a souhaité le Pape ».

Le Saint-Siège donne un mois aux lefebvristes
Une lettre a été remise à Mgr Fellay:« Le Pape veut éviter une rupture ecclésiale aux conséquences douloureuses et incalculables».
Mais la Fraternité doit accepter le préambule doctrinal
16 mars 2012
Andrea Tornielli (Vatican Insider)
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Les lefebvristes ont un mois (!!!) pour prendre leur décision finale sur la possibilité d'un retour à la pleine communion avec le Saint-Siège. Ce matin, à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi préfet, le cardinal William Levada, a remis dans les mains de Mgr Bernard Fellay une lettre avec la réponse du Vatican, dans laquelle est renouvelée la demande d'accepter le préambule doctrinal, le texte qui pour le Saint-Siège est base incontournable pour régulariser la Fraternité Saint-Pie X.

Comme on s'en souvient, le préambule a été remis à Fellay en Septembre dernier. En substance, le texte demande aux lefebvristes de signer la «profession de foi» que quiconque assume un office ecclésiastique, doit faire, et donc se conformer aux enseignements du magistère en matière de foi et de morale. En ce qui concerne le Concile Vatican II, véritable noeud crucial dans les relations avec les lefebvristes, il est demandé à la Fraternité de lire ses enseignements en fonction de l'herméneutique proposée par Benoît XVI, en continuité avec la tradition.

«La réponse de la Fraternité sacerdotale saint Pie X à ce préambule doctrinal - lit-on dans le communiqué diffusé aujourd'hui par la Salle de presse du Saint-Siège - parvenue en janvier 2012, a été soumise à l’examen de la Congrégation puis au jugement du Saint-Père. Conformément à la décision de Benoît XVI, l’évaluation de sa réponse a été remise aujourd'hui par écrit à Mgr.Fellay». Suivent des paroles très claires qui, pour la première fois, font flotter la possibilité que le retour n'ait pas lieu et qu'on aille vers un vrai schisme.

La lettre relève en effet que la position exprimée par Fellay « n’est pas suffisante pour surmonter les problèmes doctrinaux qui sont à la base de la fracture entre le Saint-Siège et ladite Fraternité. Au terme de la rencontre de ce jour, dans le souci d’éviter une rupture ecclésiale aux conséquences douloureuses et incalculables, le Supérieur général de la Fraternité saint Pie X a été invité à clarifier sa position, afin de parvenir à la réduction de la fracture existante, comme l’a souhaité le Pape ».

Dans les deux réponses envoyées en Décembre et ensuite en Janvier, Fellay n'avait pas signé le préambule, prenant plus de temps, sans fermer la porte au dialogue avec Rome. A présent, le Pape et le cardinal Levada veulent la clarté. Le ton de la réponse du Vatican a été déterminée à partir de la réponse écrite envoyée par le Supérieur lefebvriste. Ce dernier, lors de la rencontre de ce matin, est pourtant apparu plus conciliant, et dans une conversation privée qui a eu lieu dans le palais de l'ex Saint-Office, il a déclaré qu'il n'avait «aucune difficulté à accepter la profession de foi» et a également affirmé ne pas avoir de difficultés avec les principes énoncés dans le préambule: le problème - a ajouté Fellay - ce ne sont pas les principes, mais leur application, à savoir le fait que, dans l'Eglise d'aujourd'hui la fidélité au Magistère manque.

Le dialogue ne s'est donc pas interrompu, la porte reste ouverte, la possibilité d'une recomposition existe toujours. Tout de suite après Pâques, nous saurons si Fellay et la Fraternité Saint-Pie X auront décidé d'accepter le préambule ou non. Si la réponse était non, le Saint-Siège prendrait acte que les lefebvristes n'ont pas l'intention d'accepter les points considérés comme fondamentaux et basiques, et par conséquent, ils se mettraient hors de la communion catholique, avec «des conséquences douloureuses et incalculables».
Il est évident, d'après l'attitude prise par le supérieur de la Fraternité, que le problème n'est pas seulement représentée par le texte proposé par le Vatican, mais aussi et surtout par les positions polarisées ayu sein du groupe traditionaliste lui-même. Environ une moitié de la Fraternité voudrait rentrer en pleine communion avec Rome et vit avec douleur cette séparation. L'autre moitié, en revanche est prête à dire oui seulement si «Rome se convertit», c'est-à-dire fait siennes les positions lefebvristes.

Benoît XVI, à peine élu Pape, a tout fait pour guérir la blessure qui s'était ouverte après les ordinations épiscopales illégitimes que Lefebvre avait célébré en 1988 et l'excommunication subséquente. Le pape a libéralisé l'ancienne messe (comme Fellay l'avait demandé) et en Janvier 2009 il a levé l'excommunication de quatre évêques lefebvristes, faisant ensuite commencer les entretiens doctrinaux qui se sont terminées avec la remise du préambule.

* * *

Comme Andrea Tornielli, Frédéric Mounier, sur la Croix , titre "Rome donne un mois à la Fraternité Saint-Pie-X pour clarifier sa position", alors qu'on l'a vu, il n'est nullement question de délai dans la note de la CDF.
Sur La Vie, Jean Mercier titre de son côté: Le Vatican lance un ultimatum aux intégristes qui voudraient se rallier à Rome
(Zenit parle en revanche bien d'un "délai sans limite").
Jean-Marie Guénois, sur son blogue Religioblog, s'étonne du terme "ultimatum" employé. Lui, il pense que le Pape, mais aussi Mgr Fellay, souhaitent à tout prix arriver à un accord, et que les négociations "entrent dans la dernière ligne droite".
Il l'écrit, dans un article très subtil (nous espérons qu'il voit juste!) avec des accents par moments très beaux, intitulé "Pourquoi Rome ne désespère pas d'un accord avec les Lefebvristes":

Bizarre cette déformation de l'information...
Alors que Rome révèle aujourd'hui qu'une nouvelle rencontre a eu lieu ce matin entre Mgr Fellay, leader des Lefebvristes, et le cardinal Levada, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, en vue de trouver un accord certes très difficile, beaucoup de confrères parlent d'un "ultimatum" lancé par le Vatican pour trouver une solution avant "un mois".

J'ai lu et relu le communiqué officiel et je ne trouve ni le mot "ultimatum" ni surtout aucune trace d'un esprit d'ultimatum. C'est-à-dire, d'une pression exercée sur le calendrier pour aboutir à un résultat en forçant le levier du rapport de force.
Pire, affirmer cela déforme profondément l'information publiée aujourd'hui par le Vatican. D'autant que ce thème de l'ultimatum est venu de l'interprétation des propos du Père Lombardi, porte parole du Vatican, qui a répondu à une question de journaliste sur les "délais". Il a estimé que le Vatican attendait une réponse d'ici "environ un mois". Il n'a pas parlé, à ma connaissance, d'ultimatum. Ce qui serait d'ailleurs ridicule pour une crise ouverte depuis... cinquante ans, dès l'ouverture du Concile Vatican II !
...

Rome cherche un accord, fondé sur une vision large du catholicisme. Une vision capable d'intégrer plusieurs familles dont certaines sont très éloignées les unes des autres. Un esprit capable d'admettre un débat interne, cette "disputatio" qui appartient pourtant à la grande tradition intellectuelle - et actuellement perdue - de l'Eglise catholique.
Bref, une sortie par le haut de cette crise. Et non par le bas avec ces compromis de petits comptables qui ne seront jamais d'accord sur l'interprétation de leurs résultats et de leurs tableaux parce qu'ils sont justement tenus au millimètre et à la virgule près avec la méticulosité d'horlogers suisses.
Ce n'est pas là le style Benoît XVI autant que j'ai pu l'observer. Chez lui précision et rigueur intellectuelles riment avec largeur de vue et souffle intellectuel et spirituel. Il ne se laissera jamais enfermer dans les minutes comptées d'un soi-disant ultimatum surtout à l'échelle du temps de l'Eglise.

Et puis, il ne faut pas exclure qu'une fois la réponse de Mgr Fellay au courrier de ce jour, parvenue dans les mains du Pape, ce dernier qui veut depuis longtemps retrouver cette unité, invite, une nouvelle fois, ce fils rebelle comme il l'avait fait peu de temps après son élection en 2005.
Et qu'il lui pose, comme un père à son fils, c'est-à-dire d'homme à homme, et non de technicien de la théologie à technicien d'une autre théologie, la question de confiance. Celle la volonté de la réconciliation même si tous les détails de celle-ci et tous ses affronts passés, ne pourront jamais être réglés.
C'est le propre de l'audace des disciples du Christ. Mais c'est aussi la caractéristiques des grands hommes qui savent prendre, le moment venu, une vraie décision.