Lefebvristes, une main tendue sur huit pages

Andrea Tornielli reprend et confirme le "scoop" de Jean-Marie Guénois (20/1/2013)

Image ci contre: première page du Figaro, 17 avril 2012.

On admire, une fois de plus, la grande générosité de Benoît XVI, et sa volonté très forte de parvenir à un accord, c'est-à-dire, comme il l'avait expliqué dès le 1er jour de son Pontificat, à la pleine et visible unité de tous les chrétiens.
Il est particulièrement éclairant à cet égard de relire le "Discours aux participants à l'Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens", le 15 novembre dernier (étant entendu que ce discours embrasse le contexte plus large du dialogue avec les protestants et les orthodoxes): on en retrouve bien certains accents dans la lettre de Mgr Di Noia dont il est question ici - voir les passages en gras (1).

     

Le 17 avril 2012, le Figaro, déjà sous la plume de Jean-Marie Guénois, qui suit l'affaire avec une impartialité qui mérite d'être saluée, titrait en première page: Réconciliation imminente entre Benoît XVI et les intégristes (cf. http://benoit-et-moi.fr/2012(II))
Depuis, nous avons connu un authentique feuilleton à rebondissements, avec des avancées et des reculs, des espoirs et des démentis, les provocations des uns (FSSPX) et les déclarations coupantes des autres (Mgr Müller, le nouveau préfet de la CDF, pas toujours diplomate, et peut-être parfois imprudent dans ses déclaration aux medias), des fuites savamment distillées (on a parlé d'"ultimatum" du Vatican, ce qui était évidemment absurde), et ainsi de suite. Tout cela aurait connu un point final, à la fin de l'année, avec une fin de non-recevoir "définitive" des lefebvristes, qui réjouissait particulièrement la branche "libérale" de l'Eglise, au moins en France.
Définitive? Pas si sûr. C'est le moment de répéter ce que j'écrivais le 27 octobre dernier: Never say never (cf. benoit-et-moi.fr/2012(III)/..never-say-never)

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Le feuilleton des discussions, au cours de l'année écoulée:
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¤ http://benoit-et-moi.fr/2012(II)/
¤ http://benoit-et-moi.fr/2012(III)/discussions-avec-la-fsspx.php

Notons que Andrea Tornielli n'a jamais pensé que les discussions étaient rompues: il écrivait, le 2 novembre:
"Il y a une grande attente du rôle que pourra jouer l'archevêque dominicain Augustine Di Noia, nommé par Benoît XVI vice-président d'Ecclesia Dei." (cf. benoit-et-moi.fr/2012(III)/..lebfevristes-il-ny-avait-pas-dultimatum)

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>> L'article d'Andrea Tornielli en italien: vaticaninsider.lastampa.it
>> L'article de JM Guénois: www.lefigaro.fr

     

L'archevêque Di Noia, vice-président de Ecclesia Dei, a écrit à Mgr Fellay et aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Pour reprendre le dialogue
Andrea Tornielli
19/1/2013

Nouveau mouvement du Saint-Siège vers la Fraternité Saint-Pie X: le vice-président de Ecclesia Dei Augustin Di Noia, à qui, il y a quelques mois, Benoît XVI a confié le brûlant dossier lefebvriste, écrit à Mgr Bernard Fellay. Et à travers lui, il s'est adressé à tous les prêtres de la Fraternité, indiquant un chemin pour renouer les fils d'un dialogue rompu depuis le mois de Juin.
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Comme on s'en souvient, après des années de querelles doctrinales, en Juin 2012, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avait remis au Supérieur lefebvriste un préambule doctrinal approuvé par Ratzinger, dont la signature était la prémisse pour l'accord et l'arrangement canonique qui ramèneraient la Fraternité dans la pleine communion avec Rome. Le Saint-Siège attendait une réponse dans un délai de quelques semaines. Mais la réponse n'est jamais venue. Les lefebvristes ont étudié la proposition du Vatican, il y a eu des tensions internes - pour des causes préexistantes - qui ont conduit à l'expulsion de Richard Williamson, l'un des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988, célèbre pour ses déclarations négationistes sur les chambres à gaz. Le chemin entrepris a semblé toutefois interrompue, et les déclarations faites par les deux parties ne semblaient pas conciliantes: le nouveau préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Gehrard Müller a critiqué durement les positions lefebvristes, tandis que les déclarations controversées de Fellay sur les «ennemis de l'Eglise» qui s'opposeraient à l'accord avec Rome -parmi lesquels l'évêque lefebvriste rangeait également les «Juifs» - font encore discuter.

La manoeuvre de Di Noia semble un nouveauté. L'archevêque américain, dominicain, est un théologien préparé et réaliste. Dans la lettre qu'il a envoyée à Fellay avant Noël, demandant au Supérieur de la Fraternité Saint-Pie X de la transmettre à tous les prêtres de la Fraternité, Di Noia propose une méthode pour reprendre le dialogue, accomplissant une dernière tentative (ndt: je ne sais pas s'il faut comprendre si c'est la denière en date, ou bien qu'il n'y en aura plus d'autres après, je doute de la seconde interprétation) face à l'impasse et à des difficultés qui semblent objectivement difficiles à surmonter.
Selon le Vaticaniste autorisé Jean Marie Guénois , l'inspirateur du message serait Benoît XVI lui-même, qui l'aurait relu et approuvé. Dans la lettre, informe Guénois, on parle de la ferme volonté de «surmonter les tensions» existantes.
Dans le document de huit pages sont abordés trois points essentiels: l'état actuel des rapports, l'esprit de ces rapports, et la méthode pour renouer le dialogue interrompu.

A propos de l'interprétation du Concile Vatican II, l'un des points les plus controversés du dialogue, Di Noia considère que les relations sont encore «ouvertes» et «pleines d'espoir» en dépit de certaines déclarations récentes du côté des lefebvristes. Le vice-président de Ecclesia Dei admet peut-être pour la première fois de façon aussi autorisée, l'existence, dans les relations avec la Fraternité Saint-Pie X, d'une «impasse» de fond et l'absence de pas en enfant dans l'interprétation du Conseil.

Dans la deuxième partie du document, on souligne l'importance de l'unité de l'Église et donc la nécessité d'éviter «l'orgueil, la colère, l'impatience». Le «désaccord sur des points fondamentaux» ne devrait pas exclure le débat sur les questions controversées avec un «esprit d'ouverture».
Enfin, la troisième partie de la lettre, propose deux voies de sortie pour sortir de l'impasse actuelle.
La première est la reconnaissance du charisme de Mgr Lefebvre, et de l'oeuvre qu'il a fondée, un charisme qui était celui de «la formation des prêtres», et non celui «de la rhétorique contre-productive», ni celui consistant à «juger ou corriger la théologie» ou encore «corriger publiquement les autres dans l'Eglise».
La seconde - présente dans le document Donum Veritatis publiés en 1990 à propos de la dissidence des théologiens progressistes - consiste à considérer comme légitime dans l'Église catholique, les «divergences» théologiques, rappelant toutefois que les objections doivent être exprimés en interne, non publiquement, afin de «stimuler le Magistère» à mieux formuler ses enseignements. Et ne devraient donc jamais prendre la forme d'un «magistère parallèle».

A Rome, on attend maintenant une réponse. En espérant que cette fois elle sera positive.

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Note

(1) benoit-et-moi.fr/2012(III)/la-voix-du-pape/oecumenisme-et-nouvelle-evangelisation.php

A la lumière des priorités de la foi, nous comprenons l'importance des dialogues théologiques et des conversations avec les Eglises et les Communautés ecclésiales, dans lesquels l'Église catholique est impliquée. Même lorsque nous n'entrevoyons pas, dans un proche avenir, la possibilité de la restauration de la pleine communion, ils nous permettent de saisir, en même temps que les résistances et les obstacles, la richesse de l'expérience, de la vie spirituelle et des réflexions théologiques, qui deviennent un stimulant pour un témoignage toujours plus profond.

Mais nous ne devons pas oublier que le but de l'œcuménisme est l'unité visible entre les chrétiens divisés.
Cette unité n'est pas une oeuvre que nous pouvons simplement réaliser, nous autres hommes. Nous devons nous engager de toutes nos forces, mais nous devons également reconnaître que, finalement, cette unité est un don de Dieu, ne peut venir que du Père par le Fils, parce que l'Eglise est Son Eglise. Dans cette perspective, apparaît l'importance d'invoquer du Seigneur l'unité visible, mais émerge aussi combien la poursuite de cet objectif est important pour la nouvelle évangélisation. Le fait que nous marchions ensemble vers cet objectif est une réalité positive, à condition, toutefois, que les Églises et les Communautés ecclésiales ne s'arrêtent pas en chemin, acceptant les diversités contradictoires comme quelque chose de normal ou comme le mieux que l'on puisse obtenir. C'est en revanche dans la pleine communion de la foi, dans les sacrements et dans le ministère, que deviendra évidente de manière concrète la force présente et active de Dieu dans le monde.
A travers l'unité visible des disciples de Jésus, unité humainement inexplicable, on pourra reconnaître l'action de Dieu qui dépasse la tendance du monde à se désintégrer.

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