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La rencontre de Castel Gandolfo (2005)

En 2005, Benoît XVI accueille généreusement, à Castel Gandolfo, le théologien rebelle Hans Küng. Encore un extrait des mémoires de Hans Küng (30/4/2014, mise à jour le 1er mai)

[NDLR: On se souvient peut-être que cette rencontre a fait l'objet d'un livre insultant signé "Pietro de Paoli" (je ne me rappelle plus le titre exact, et n'ai pas envie de chercher, ne souhaitant pas lui faire de publicité): malgré tout, Küng a l'élégance de dire qu'il est reconnaissant à Benoît XVI de l'avoir reçu. On ne pourrait certes qualifier d'élégant le livre de madame Pedotti, qui tient plus du roman de gare que du traité de théologie. Elle règle probablement des comptes - cela la regarde - mais on peut regretter ses entrées à La Croix.... et à Radio Vatican]

Chapitres précédents

     
La rencontre de Castel Gandolfo
Extrait de "Mémoires II. Une vérité contestée" (Novalis/cerf, 2007, p. 688-690)

Je veux toujours espérer que l'esprit de la véritable catholicité oecuménique l'emportera sur la mentalité d'un catholicisme juridiquement rétréci, figé dans son doctrinarisme à la fois triomphaliste et peureux.
[...]
Au cours du quart de siècle écoulé, tout le monde a pu voir les conséquences négatives de la marche arrière enclenchée en 1979 (1) par la politique ecclésiastique romaine tant dans l'Eglise catholique elle-même que dans l'univers chrétien en général. Inutile d'insister une fois de plus sur l'état lamentable de l'Eglise et du clergé derrière la façade de brillantes manifestations papales. C'est la conséquence fâcheuse du fait qu'on a étouffé la critique des théologiens à coups d'interdits, d'appels, de sanctions, de contraintes et de menaces, ainsi que du fait qu'on ne choisisse pour évêques ou cardinaux que des gens conformes au système. C'est ce qui a conduit au bout d'un quart de siècle à élire pour pape le chef de la Congrégation de la foi.

Lors de l'élection inattendue de Joseph Ratzinger à la papauté, en 2005, je me suis démené pour lui donner une chance. Il en a profité et, très vite après son sacre et contrairement à son prédécesseur, il m'a invité à aller le voir à Castel Gandolfo. Nous y avons eu un entretien ouvert et amical qui a duré quatre heures, et je lui en suis très reconnaissant. Mais, au cours des premières années de son pontificat, il n'a absolument répondu ni à mon espoir de le voir adopter des mesures constructives sur la rencontre des religions (2) (ce dont il avait été question lors de notre entretien), ni à mon rêve de le voir faire siennes au moins une ou deux des autres demandes de réforme (que notre entretien avait consciemment mises entre parenthèses). Tout au contraire: le discours de Benoît XVI à Ratisbonne, en 2006, celui au cours duquel, sous le signe d'une franchise mal comprise, il a dit des choses erronées sur l'islam et discrédité la Réforme et les Lumières pour avoir déshellénisé son christianisme (hellénistique et romain) n'était malheureusement pas qu'un lapsus. Et la condamnation du livre sur Jésus de Jon Sobrino, un théologien de la libération, dont on refuse toute discussion publique, à l'inverse de celui de Benoît XVI (3), n'est pas non plus un hasard.

En 2007, la Congrégation de la foi (4) a publié de façon abrupte et sans aucun motif extérieur une déclaration remettant en valeur l'obligation d'identifier totalement Eglise du Christ et Eglise catholique romaine telle qu'elle existe, chose que Vatican II avait explicitement refusé de faire (5). [...]
Et voilà que, en juillet 2007, on ouvre la possibilité de reprendre la messe latine tridentine d'avant le concile! Encore une façon de scinder l'Eglise (6). Qui a lu ce livre ne saurait s'étonner de ce nouveau document romain, car on peut mieux en comprendre la genèse à partir du parcours de Benoît XVI et de la façon dont il comprend le système romain.

* * *

Notes:
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(1) Date à laquelle Jean-Paul II a interdit Hans Küng d'enseignement sous label catholique.

(2) C'est faux, semble-t-il! Pensons aux rencontres avec les Sages musulmans, aux rencontres d'Assise, aux visites aux synagogues, au rapprochement avec les orthodoxes et certains luthériens, à l'accueil des Anglicans convertis. La main tendue aux lefebvristes - qui n'a pas été saisie - fait partie aussi de cette recherche d'unité. Dans le domaine du rapprochement des religions, aucun Pape n'a réussi une avancée spectaculaire!

(3) Le tome I de "Jésus de Nazareth". Hans Küng met sur un pied d'égalité le livre d'un Pape et celui d'un théologien de la libération (peu connu en dehors d'un certain cercle) condamné par la CDF pour de sérieuses raisons et après un examen attentif!

(4) Voir ici: http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20070629_responsa-quaestiones_fr.html
Contrairement à ce qu'affirme Hans Küng, ce document de la CDF se réfère parfaitement au concile et, page 2, il cite Lumen Gentium n°8
(voir note ci-dessous).

(5) Voir les Actes du concile, Lumen Gentium n° 8, et Oecumenismo n° 4.

(6) Hans Küng , qui est très connu et très influent, toujours bien accueilli par les journaux, ne contribue pas du tout à scinder l'Eglise! Il n'y a qu'à voir en quels termes condescendants et même méprisants il décrit l'Eglise de son temps!

     

Commentaires de Monique T.

Pour Küng, toute personne qui adhère intégralement à la foi de l'Eglise est prisonnière du "système romain" et ... en perdition. C'est pourquoi il a eu la charité de vouloir "sauver" Benoît XVI... de lui donner "une chance". Benoît XVI "en a profité": ce qui montre qu'il n'est pas un homme irrécupérable. Mais malheureusement, Benoît XVI, qui a eu la patience d'écouter son ex-collègue pendant quatre heures, n'a pas obéi au théologien phare des médias.
Ce qui frappe c'est la bonté sans limites de Benoît XVI face à l'acrimonie et à la suffisance de Hans Küng.
Ce dernier prône le dialogue et l'ouverture. Mais est-ce possible quand on entretient envers son interlocuteur mépris et rancune? Etant donné que Hans Küng représente une frange importante de l'Eglise, qui ne se sent pas à l'aise dans l'Eglise ("J'ai mal à mon Eglise", a-t-on entendu...) mais entend y rester pour la faire "évoluer", la question n'est pas anodine.

Monique T.