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Avant le très attendu voyage au Liban, du 14 au 16 septembre 2012, le Père Samir Khalil Samir, jésuite islamologue souvent rencontré dans ces pages, répond aux questions de Giacomo Galeazzi, dans Vatican Insider.(20/5/2012)


Le P. Khalil:
La langue arabe est de facto le point de référence pour les musulmans du monde entier. Nous, chrétiens arabes, avons ces racines et nous pouvons dialoguer plus facilement avec eux. Le Saint-Père pourrait insister sur notre mission pour tous les musulmans du monde (y compris en Europe), et l'évangélisation de nos sociétés à travers notre témoignage.

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Le Pape au Liban avec un regard vers la Syrie et l'Iran
Le voyage de Benoît XVI dans le Pays des Cèdres en Septembre, pour arrêter l'exode des minorités et construire un pont de paix pour les deux pays

Giacomo Galeazzi
Vatican Insider
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«Soutenir les chrétiens et construire la nouvelle société».
Au Liban pour arrêter l'exode des minorités religieuses et jeter un pont de paix entre la Syrie et l'Iran, Benoît XVI signera et remettra l'exhortation apostolique sur le Moyen-Orient, et le voyage papal à Beyrouth (14-16 Septembre) contient implicitement l'idée que les communautés de la région ont une mission de réconciliation.

La mission au Liban revêt une urgence particulière en raison des bouleversements auxquels la région est en proie, et restituera «le sens profond du Printemps Arabe, souvent déformée par les politiciens et les mouvements extrémistes», observe à «AsiaNews» le Père Samir Khalil Samir, SJ, islamologue et professeur à Beyrouth.
En cette période, forte est aussi la tension avec l'Iran. Une nouvelle étape dans la tourmente de la région.
«Dans nos pays, nous voyons clairement l'opposition entre sunnites et chiites - ajoute l'islamologue. Cette tension prend une forme de plus en plus prononcée et s'exprime dans le conflit entre l'Arabie saoudite et d'autres pays contre l'Iran. En Syrie on se bat également dans ce type dee guerre, avec les Alaouites (proches du chiisme) contre les sunnites; au Liban il y a une tension entre le Hezbollah et les sunnites. La présence du Saint-Père pourrait résoudre ce conflit».

Le Liban n'est pas un pays musulman. C'est un état arabe multiconfessionnel. Le Président de la République est automatiquement un chrétien (catholique), tandis que le Premier ministre est automatiquement un musulman (sunnite). Les hautes fonctions sont réparties entre les deux religions. Le Parlement est composé de 128 membres: 64 chrétiens et 64 musulmans (y compris les Druzes) et il est présidé par un musulman chiite.


- Pourquoi le Pape a-t-il justement choisi le Liban?
«La première réponse, c'est qu'il n'y a pas d'autres pays du Moyen Orient où aller, où il y a à la fois la sécurité et des chrétiens, souligne le Père Samir Khalil Samir. En Irak, il y a des chrétiens, mais il n'y a pas la sécurité. En Egypte, les catholiques sont une minorité qui ne dépasse pas 250 000 personnes, sans aucun poids dans une société de 84 millions d'habitants. En Tunisie, il n'y a pratiquement pas de chrétiens. En Jordanie, il y aurait la sécurité, mais il y a très peu de catholiques. Et puis, d'un point de vue politique, il devrait également aller dans les Territoires palestiniens et en Israël ... Ce qui laisse le Liban, où il y a une communauté catholique de poids, active et respectée, avec une solide infrastructure organisationnelle».

Mais il y a aussi une autre raison: le Pape visite le Liban avec un oeil vers la Syrie, avec laquelle le Liban et les chrétiens libanais ont de nombreux liens.
«Il vient pour donner une orientation aux chrétiens, qui sont divisés sur la politique et sur ce qu'il faut faire dans la très grave crise syrienne -souligne le jésuite. La hiérarchie chrétienne en Syrie (toutes les confessions) préfère le régime non-démocratique, absolutiste, d'Assad, qui malgré tout garantit la sécurité et une grande liberté religieuse. Le peuple est divisé: la classe la plus aisée est avec le régime, car elle y trouve des espaces pour vivre et négocier en paix». Cela vaut également pour les musulmans riches des grandes villes comme Damas et Alep. Mais les classes les moins aisées souffrent de problèmes et d'abus. «Ceux qui cherchent un peu de la justice et de démocratie ne peuvent pas être avec le gouvernement, et surtout ceux qui politiquement pensent différemment du gouvernement ne peuvent pas s'exprimer, sans risquer l'emprisonnement et la torture », affirme l'agence de l'Institut Pontifical des Missions Etrangères (PIME).


Le P. Samir espère que le Pape, visitant le Liban, aura une parole équilibrée, qui dissipe le malaise actuel des chrétiens . La présence des chrétiens et des catholiques au Liban, en effet, est une présence appréciée et aide le reste des chrétiens du Moyen-Orient, à travers les médias . La presse libre, les radios catholiques (comme la Voix de la Charité), ou les chaînes de télévision (Noorsat, Telelumière) sont suivis du monde entier par la diaspora, en Amérique, en Suède, en Allemagne, au Koweït. Parler au Liban signifie parler à tous les chrétiens d'Orient à travers le monde pour leur donner le message du Synode : «Restez au Moyen-Orient, là est votre mission».

Il n'existe qu'une seule université publique, l'Université libanaise avec diverses départememnts géographiques, fondée en 1951. Mais il y a 7 universités chrétiennes : les deux anciennes (l'Université américaine fondée en 1866, d'origine protestante, et l'Université Saint-Joseph, en 1875, par les jésuites) et les cinq plus récente: Kaslik (1962, des Moines Baladites Maronites), Louaizé (1987, des moines Mariamites maronites), Balamand (1988, grec-orthodoxe), Antonine (1996, maronite) et la Sagesse (1999, diocèse maronite de Beyrouth). Ces universités forment une partie de l'élite de la population du Liban et pas seulement les chrétiens. L'Université Saint-Joseph compte environ 11 mille étudiants, dont 34% sont musulmans.

L'objectif, ajoute le père Samir, est de redonner aux chrétiens le sens de leur présence. Cette mission a aussi une implication spécifique: témoigner de l'Evangile aux musulmans.
«En cela, les chrétiens arabes sont les plus appropriés: la même langue, une culture commune - dit l'islamologue. Dans les autres pays musulmans (Indonésie, Malaisie, Pakistan, Soudan, Somalie, Sénégal), les chrétiens sont un petit groupe, et n'ont pas de racines culturelles arabes. La langue arabe est de facto le point de référence pour les musulmans du monde entier. Nous, chrétiens arabes, avons ces racines et nous pouvons dialoguer plus facilement avec eux. Le Saint-Père pourrait insister sur notre mission pour tous les musulmans du monde (y compris en Europe), et l'évangélisation de nos sociétés à travers notre témoignage».

Le moment est extrêmemnt délicat: il n'avait jamais eu une révolution si générale dans le monde arabe . Et il y a le risque qu'à partir de ces révolutions, il glisse pour des décennies dans le fanatisme et la violence; que des régimes islamiques émergent, avec de nouveaux et rudes problèmes pour les chrétiens, mais aussi pour toute la région.
«Dieu merci, il semble qu'en Tunisie, les tentatives des salafistes pour imposer la charia aient été freinées et il y a l'espoir d'un gouvernement plus démocratique, dit le P. Samir. Cette situation dramatique est aussi une opportunité: il faut pousser les chrétiens à collaborer et à s'engager sur les thèmes du Printemps Arabe tels que des droits de l'homme, la démocratie, la justice, la liberté, l'éducation, et surtout le rôle essentiel des femmes dans la société.