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Andrea Gagliarducci: Pour un pape qui cherche à reconduire l'Eglise vers l'unité, il faut quelque chose pour détourner l'attention (11/6/2012)

http://www.formiche.net
11/6/2012
Andrea Gagliarducci
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Pour un pape qui cherche à reconduire l'Eglise vers l'unité, il faut quelque chose pour détourner l'attention. Pourtant, bien que son enseignement soit caché, malgré les tentatives pour l'isoler, le pape n'est pas vraiment seul.

L'adoration représente peut-être le sens le plus élevé du pontificat de Benoît XVI. Encore jeudi dernier, durant la procession du Corpus Domini, le pape l'a exaltée. Il a rappelé les adorations des jeunes, à Cologne, à Madrid et à Zagreb. Il a souligné que, dans cette expérience, nous sommes tous égaux. Le pape qui a fait de l'Evangile son étoile polaire, de la figure de Jésus-Christ le sens d'une vie, vole plus haut que les polémiques et les délations. Bien plus haut que les indiscrétions journalistiques, où l'on parle de réunions secrètes entre cardinaux, d'interrogatoires, de révélations, de listes de journalistes. Plus haut que les connexions inapropriées entre l'affaire Vatileaks et la défiance du Conseil de surveillance de l'IOR à Ettore Gotti Tedeschi, désormais ex-président de l'organisme pontifical.

Et puis, il y a eu la préface du livre «Jésus de Nazareth à l'Université» écrite par Mgr. Georg Gaenswein (Le programme du Pape? Rien que l'Evangile!), le secrétaire de Benoît XVI, pour apporter une bouffée d'air frais au sein de la Curie. Une préface qui souligne combien l'image du Pape a peu ou rarement coïncidé avec sa substance. Il faut comprendre Benoît XVI. Il faut en connaître l'histoire. Il faut l'approcher avec «ce présupposé de sympathie» avec lequel on s'approche d'une personne qu'on ne connaît pas, cette même sympathie qu'il a demandé dans la préface du premier volume de son Jésus de Nazareth.

L'adoration du Corpus Domini et la préface de Mgr Gaenswein - en une succession rapide, jeudi et vendredi derniers - ont représenté un signal. C'est maintenant le temps de s'occuper vraiment de l'Eglise. De commencer à la raconter. D'essayer de la comprendre. Il y a des pans entiers du Magistère de Benoît XVI, qui sont cachés dans les grands médias. Trois jours de voyage à Milan, au cours desquels le pape a abordé tous les thèmes, ont été en quelque sorte obscurcis par Vatileaks, par le maître d'hôtel, et par tout ce qui va avec. Le risque est non pas de regarder la réalité à partir d'un point de vue, mais de chercher à regarder quelque chose à travers le trou de la serrure.

Le résultat des récents scandales vaticans, filtrés à dessein, et constamment amplifiés, c'est que l'on puisse se trouver en face d'un pape qui pour la première fois est vraiment seul. Qui aura le courage d'écrire à Benoît XVI, à son secrétaire, ou encore plus simplement à la Secrétairerie d'Etat? Qui pensera que les lettres ne peuvent pas être photocopiées et publiées? il n'est pas nécessaire d'avoir de grands secrets, pour craindre ce scénario. Il suffit d'avoir simplement besoin de confidentialité.
Donc, ce qui ressemblait à une attaque à ses collaborateurs directs est de plus en plus une attaque contre le pape lui-même. Si tel est le point crucial de l'histoire, il est également vrai que le récit de l'histoire elle-même se concentre sur les personnages,l es poursuit, se focalise sur des questions de détails qui font perdre de vue l'ensemble.

Tout d'abord, le Magistère de Benoît XVI a été caché. Il y a eu des discours entiers de Benoît XVI, qui ont été sous-évalués.
«C'est un pape qui ne nous donne pas de titres» (1) était la justification commune. Le public veut des thèmes forts, des gestes forts, innovants. Benoît XVI, au contraire, construit ses discours comme des cathédrales, lie chaque phrase indissolublement à l'autre, dit la foi avec des arguments de la raison. Trop difficile à résumer tout cela en un titre. Mieux vaut chercher entre les lignes, le sens «politique» que pourrait avoir cette déclaration, la polémique «ecclésiale» qui se cache peut-être derrière cet autre discours.
Pour cacher les choses, au fond, nul besoin de les mettre derrière un coin. Il suffit de les mettre bien en vue, mais de les couvrir avec de la fumée.

Aujourd'hui, le Magistère de Benoît XVI est encore plus caché. Et c'est peut-être une dissimulation voulue. Pour un pape qui pointe tout droit sur l'année de la Foi, qui tente de ramener l'Eglise à l'unité, il y a besoin de quelque chose qui détourne l'attention. Qui montre une Eglise divisée. Qui laisse le pape seul dans une tour d'ivoire et donne de lui l'image d'un homme détaché de la réalité.
Et pourtant, malgré que son enseignement soit caché, malgré les tentatives pour l'isoler, le pape n'est pas vraiment seul. Et le démontrent les fidèles qui, hier encore, pour l'Angélus du dimanche, se pressaient sur la place Saint-Pierre (Angelus du 10 juin, Fête-Dieu). Le Pape a rappelé les victimes du tremblement de terre, soulignant que «l'Eucharistie est restée sous les décombres». Une situation similaire à celle de l'Église d'aujourd'hui, sous les décombres du tremblement de terre causé par des scandales réels ou présumés.

La réponse de Benoît XVI a été, comme toujours, de se confier à la prière.
«C'est une situation - a-t-il dit hier lors de l'Angelus - qui met encore plus en évidence l'importance d'être unis au nom du Seigneur, et la force qui vient du Pain eucharistique, aussi appelé «pain des pèlerins». Du partage de ce pain naît la capacité renouvelée à partager aussi la vie et les biens, à porter les fardeaux les uns des autres, à être hospitalier et accueillant».

Note

(1) Il suffit de relire ce qu'écrivait Isabelle de Gaulmyn sur son blog, en avril 2007, alors que comme correspondante de la Croix à Rome, elle suivait Benoît XVI à Pavie, où il s'était recueilli sur les reliques de saint-Augustin.
Lors de son homélie, il avait parlé de... Saint-Augustin, ce qui avait suscité cette réflexion de la journaliste (ici):

Quand un pape se déplace, une partie de la presse nationale et internationale le suit. Même si ce déplacement est en Italie. Ce fut le cas pour la visite de Benoît XVI à Pavie, sur les reliques de saint Augustin, le week-end dernier. Il était amusant de voir la mine déconfite des confrères journalistes dimanche matin, en découvrant les discours du pape. Comment titrer? Qu'en retenir? Comment faire de cela une dépêche s'interrogeaient, en se grattant la tête, les « agenciers » des grandes agences de presse anglosaxones, italiennes et françaises...

On attendait en effet de ce déplacement sur la tombe de l’un des « Pères de l'Eglise » les plus importants pour la chrétienté occidentale un grand dégagement sur le christianisme européen aujourd'hui, ou sur la fin d'une civilisation, ou encore concernant les rapports entre Cité des hommes et Cité de Dieu aujourd'hui... Que nenni! A Pavie Benoît XVI a parlé de saint Augustin. Et seulement de saint Augustin... Durant l'homélie de dimanche il a longuement expliqué les trois conversions du saint. Mais du monde, il ne fut pas vraiment question... D'où la difficulté, en quelques lignes dont dispose un journaliste, de résumer pour le grand public un propos aussi « spécialisé».
Après tout, il n'est pas incongru pour un responsable de l'Eglise catholique d'évoquer un penseur de la stature de saint Augustin. Surtout qu'il y avait bien un message pour aujourd'hui, mais celui-ci était destiné à l'Eglise catholique, pour lui rappeler de se convertir en permanence, à la manière de l’évêque d’Hippone.

Là réside sans doute la grande difficulté, et une partie du malentendu qui préside aujourd'hui aux relations entre Benoît XVI et les médias. En effet, au Vatican, les responsables, comme le cardinal Tarcisio Bertone, se plaignent fréquemment de ce que les propos du pape soient mal compris, mal repris par les médias, et que son image en pâtisse. Mais inversement, le choix délibéré de Benoît XVI de s'adresser d'abord aux catholiques, en quelque sorte à l’intérieur de l’Eglise, rend difficile le travail des journalistes.
« Benoît XVI a considérablement rétréci le champ de ceux auxquels s’adresse la papauté », notait le vaticaniste Luigi Accattoli du quotidien Corriere della Sera, en intervenant à une table ronde organisée par le Centre interdisciplinaire sur la communication sociale de l'Université Grégorienne. Mais, ajoutait-il, « il prend ainsi le risque de voir rétrécir l'intérêt que le monde peut lui porter. »

No comment!!!