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Carlota a traduit un extrait d'une conférence donnée à Freising en 1958 par le très jeune professeur Ratzinger. Le texte est paru sur la revue espagnole " Alfa y Omega " . (8/7/2012)

>>> Voir aussi
http://benoit-et-moi.fr/2007/downloads/30jours19661969.pdf

     



Carlota:
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La Revue espagnole « Alfa y Omega » dans son numéro 792 du 28 juin 2012 (et sa version internet ici) a offert à ses lecteurs un texte de 1958 rédigé par un jeune prêtre de trente et un ans… le futur Benoît XVI.
J’ai traduit la conférence à partir du texte en espagnol. Mais les germanistes trouveront le texte plus complet en version originale repris par kath.net. (ndlr: je vais faire relire par qui je peux le texte en allemand).
Ce document au départ était paru dans une revue catholique munichoise « Hochland » qui fut éditée entre 1903 et 1941 puis de 1946 à 1976 (voir wikipedia en anglais). Je ne sais pas si ce texte a été repris en français dans les recueils des œuvres complètes du Pape.

L’Église s’est transformée en une communauté de païens

L’Église s’est transformée en une communauté de païens qui ont cessé de croire. Les chrétiens ont perdu la conscience sur l’existence de la mission…
C’est le diagnostic que faisait le professeur Joseph Ratzinger en 1958, peu d’années avant l’ouverture du Concile. Le conférence portait le titre «
Les nouveaux païens et l’Église » et a été publiée par la revue « Hochland » en octobre de cette année-là. L’agence autrichienne « Kath.net » récupère ce texte, très utile pour comprendre aujourd’hui pourquoi le Pape convoque une Année de la foi.
Nous (
« Alfa y Omega ») en proposons ici un extrait.

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Selon les statistiques, la vieille Europe continue à être un continent chrétien dans sa presque totalité.
Mais les statistiques sont trompeuses.
L' Europe, chrétienne de nom, assiste depuis 400 ans, à la naissance d’un nouveau paganisme, qui se développe jusque dans le cœur de l’Église et qui menace de l’étouffer de l’intérieur (ndt: le terme allemand utilisé correspond il me semble à « évider », ce qui encore plus parlant).

Le visage de l’Eglise des temps modernes est conforme à l’apparition d’une forme complètement nouvelle d'Église de païens, et le sera plus encore dans le futur: non pas, comme avant, une Église de païens convertis au christianisme, mais une Église de païens qui se nomment encore eux-mêmes chrétiens. Le paganisme est présent aujourd’hui dans l’Église elle-même et c’est un signe à la fois de l’Église de nos jours et du nouveau paganisme. L’homme d’aujourd’hui peut donc présupposer comme normalité la non-croyance du voisin.

L’Église a émergé, à la base, de la décision spirituelle de l’individu d’embrasser la foi, en un acte de conversion. Si, au début, on avait espéré la construction d’une communauté de saints, ici sur terre, à partir de ces convertis, une Église sans tâche ni ride, il a fallu se résigner à l’évidence que, malgré sa conversion, le chrétien doit affronter de fortes luttes, et qu’il continue à être un pécheur, capable même de commettre les pires méfaits. Mais même si le chrétien n’est pas un accomplissement de la morale parfaite, et si la communion des saints est encore à venir, elle est, malgré tout, un fondement pour la communauté. L’Église est une communauté de croyants, d’hommes qui ont pris une décision spirituelle déterminée, et qui ainsi se différencient de ceux qui se refusent à prendre cette décision. Déjà à l’époque médiévale, cela a commencé à changer, dans le sens où l’Église et le monde se firent basiquement identiques, par le fait que le christianisme n’était déjà plus fruit d’une décision propre, mais une réalité politico-culturelle donnée.

Aujourd’hui, la couverture extérieure de l’Église demeure, tandis qu’ont diminué la conviction personnelle, le désir d’appartenir à l’Église, dans laquelle est déposée une grâce divine particulière, une réalité transcendante de salut. C'est pourquoi il est compréhensible qu’aujourd’hui la question se pose souvent avec force de savoir si l’Église ne doit pas être de nouveau transformée en une communauté de croyances, pour lui rendre son aplomb. Cela signifierait renoncer à des positions du monde ("mondaines") toujours dangereuses, parce qu’elles s’interposent sur le chemin de la vérité.

À la longue, l’on ne pourra économiser le fait que l’Église se dépouille, pièce après pièce, des éléments du monde ("mondains") et des apparences, pour éviter de se diluer dans le monde, et revenir à ce qu’elle est : une communauté de croyants. De fait, sa force missionnaire, à cause de ces pertes externes, ne peut que croître. Ce n'est que si elle commence à représenter de nouveau ce qu’elle est qu'elle pourra arriver à l’oreille des nouveaux païens, qui jusqu’à maintenant peuvent vivre dans l’illusion qu’ils ne le sont pas

Aux chrétiens d’aujourd’hui, il paraît impensable que le christianisme, et plus concrètement l’Église catholique, soit le seul chemin de salut. De cette façon, le caractère absolu de l’Église, et par conséquent l’exigence de sa mission, s’est transformé en quelque chose qui peut être mis en question. Nous ne pouvons pas croire que l’homme que nous voyons à côté de nous, qui est un être humain splendide, serviable et bon, va aller en enfer seulement parce qu’il n’est pas catholique pratiquant. L’idée que tous les hommes bons se sauveront est maintenant, pour le chrétien normal, évidente, comme l’était avant la conviction contraire. Le croyant se demande alors un peu confus : Pourquoi est-ce si facile pour ceux qui sont à l’extérieur, quand à nous on nous impose des choses si difficiles ? On en arrive ainsi à percevoir la foi comme une charge et non pas comme une grâce.

Je vais essayer de répondre à ces chrétiens qu’il n’y a qu’un chemin de salut, le Christ, qui concerne le monde entier, beaucoup (c'est-à-dire tous), mais, en même temps, Il a laissé le message tout à fait clair que son lieu [de salut] est l’Église…
Mais Dieu ne divise pas l’Humanité entre ceux qui sont peu et ceux qui sont beaucoup, pour rejeter ces derniers dans la fosse aux déchets, et pour sauver les autres, au contraire il se sert des « peu » comme centre de gravité [d'Archimède] pour élever les « beaucoup » vers Lui. Les uns et les autres ont leur chemin de salut, qui est différent, sans rompre l’unité du chemin. On ne peut comprendre cela que lorsqu’on comprend que le salut de l’homme réside dans le fait qu’il est aimé de Dieu, que sa vie, finalement, se trouve dans les bras de l’amour infini. Sans cela, tout le reste est vide.

Contrairement au Christ, nous somme indignes du salut, que nous soyons ou nous chrétiens, croyants ou non croyants, personnes morales ou immorales. Personne ne mérite le salut, sauf le Christ. Mais justement c’est là que se produit un merveilleux échange. À l’Humanité entière ne correspond que la réprobation, au Christ, uniquement le salut, mais en un échange sacré survient le contraire : Il prend sur lui tout le mal laisse ainsi pour nous tous le lieu du salut.

La question du salut de l’homme se pose d’une façon erronée quand on l’aborde par le bas, comme la question de comment les personnes se justifient. Le salut de l’homme n’est pas une question d’auto-justification, mais une justification par la grâce gratuite de Dieu. Il s’agit de voir les choses d'en haut. Il n’y a pas deux manières pour les personnes de se justifier, mais deux moyens d’être choisis par Dieu, et ces deux moyens de choix de la part de Dieu sont un chemin de salut de Dieu dans le Christ et en son Église qui repose dans la relation des "peu" avec les "beaucoup", et la mission confiée à ceux qui sont "peu" comme représentation de vicaire du Christ et extension du Christ lui-même.

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Remarques de relecture
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1. Évidemment certains pourraient s’arrêter sur certaines phrases de ce texte sorties de leur contexte et de leur paragraphe immédiat pour dire que le futur Benoît XVI était un progressiste et rejetait de facto les futurs « rétro-catholiques » post-conciliaires qui rêveront d’un retour à un état chrétien. Cet idéal supposé d’un état « confessionnel » des futurs « rétro-catholiques » est exactement le même que celui des « catholiques adultes » dont les nouveaux credo sont la soumission volontaire aux phénomènes de société qui sont devenus des lois implacables à appliquer pour tous et par tout. Le futur Benoît XVI le montre aussi parfaitement en revenant sur la notion essentielle de salut et la conversion de chacun dans son coeur au message du Christ. Il convient donc d’annoncer le message du Christ (dans sa forme la plus authentique possible) à tous. L’Église de la « facilité » n’est jamais celle du Christ, que cela soit du fait d’une Église institutionnellement triomphante ou ayant renoncé à ses exigences. Par rapport aux « rétro-catholiques » et aux « catholiques adultes » de la post-modernité, c’est donc encore au fruit que l’arbre sera jugé.

(2) La mondanité de l’Église évoquée par Joseph Ratzinger en 1958 apparaissait peut-être d’une manière encore plus flagrante dans le cas de pays où l’Église, après les années 30-40, était restée une institution « administrative » importante avec des concordats et un État réglant par exemple les « salaires » des prêtres comme en Allemagne. Néanmoins en France avec les expropriations des biens de l’Église à la Révolution puis avec la loi de 1905, les subventions pour l’entretien des églises ont pu être, et sont plus encore en période de récession économique, une forme de pression déguisée pas totalement compatible avec l’indépendance des catholiques par rapport à l’État (prêt des églises pour des manifestations « douteuses », acceptation de l’art « religieux » contemporain particulièrement curieux et pas franchement catholique, etc).
Par contre se dépouiller des « mondanités et apparences » n’est sans doute pas à confondre avec le fait d’enlever la soutane, et de célébrer les offices divins catholiques vêtus d’une chasuble version poncho-serpillère, avec un gobelet en plastique (Je caricature peut-êre un peu et j’exclus évidemment dans cette description les liturgies de la clandestinité des dictatures anticatholiques). Ce vernis de catholicité n’est évidemment plus nécessaire pour « exister » mondainement parlant aujourd’hui (même si certains politiques essaient encore de le faire croire), mais les mondains d’hier sont ceux qui pratiquent aujourd’hui avec force une nouvelle « religion » que l’on dira du bonisme avec grands « prêtres » et notables intouchables. Il apparaît donc que le salut est tout aussi sinon plus difficile à obtenir pour celui qui à tous les moyens de connaître le Christ mais qui le refuse ou ne veut pas s’employer à Le partager avec les autres, que pour celui qui n’a pas pu Le connaître ou à qui il a lui en été faite une image falsifiée sciemment ou non par des faux témoins (Je pense notamment à certains catholiques y compris religieux égarés dans un dialogue dit interreligieux ou afin de ne pas froisser, ne sont pas dans l’annonce haut et fort de la Bonne Nouvelle pour amener vers le Christ, celui qui est mort sur la Croix et ressuscité pour notre salut).