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Le Pape veut l'unité de tous les chrétiens

Une très fine analyse de Joël Prieur, dans Minute (29/1/2009)

Il observe que la décision du Saint-Père s'inscrit dans une série de mesures, allant toutes dans la même direction: successivement le désormais célèbre discours de décembre 2005 à la Curie romaine, sur l'interprétation (herméneutique) correcte du Concile, la création de l'Institut du Bon Pasteur en septembre 2006, le Motu Proprio en juillet 2007, et enfin le fameux décret du 21 janvier qui a mis le feu aux poudres.
" Le décret signé le 21 janvier, levant les excommunications, n'est donc pas une mesure isolée qui resterait sans lendemain. Elle s'inscrit dans ce processus qui lui donne une force particulière."
Donc, "la gaffe" du Vatican est une insanité, et un mensonge monté par les médias.
D'après lui, le Saint-Père aurait agi très habilement, car c'est lui qui a distribué les cartes, "jouant" sur les dissenssions internes au sein du mouvement lefebvriste. Et finalement, le scandale pourrait devenir un bien (j'ajoute: à l'insu du Saint-Père, bien sûr), car "l'un des principaux champion du « non » à Benoît XVI est aujourd'hui discrédité et marginalisé par ses propres excès".

Pour finir, Joël Prieur livre trois clés d'interprétation, dont la dernière n'est pas la moins intéressante, sur fond de "politique oecuménique avec les orthodoxes", avec l'élection du nouveau métropolite:

Sur cet arrière-fond de géopolitique religieuse, l'initiative du pape face aux traditionalistes trouve sans doute sa plus grande dimension: celle d'un véritable laboratoire de l'unité catholique, à l'usage de ceux qui souhaitent promouvoir, dans un monde de plus en plus matérialisé, l'union sans préjugés et sans tricherie des disciples du Christ.

Il ne me déplairait pas qu'il ait raison...

Il veut l'unité de tous les chrétiens
Minute, 27 janvier
Pourquoi Benoît XVI a levé les excommunications
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Benoît XVI avait dit ce qu'il ferait.
Aujourd'hui il fait ce qu'il a dit. C'est de manière unilatérale, en se fondant sur une lettre de Mgr Bernard Fellay datée du 15 décembre et restée secrète jusque-là, que le pape allemand a décidé, dans un geste de haute portée symbolique, de lever les excommunications frappant depuis 1988 les quatre évêques sacrés à Ecône par Mgr Marcel Lefebvre.
La surprise est de taille, même si, en stratège avisé, le chef de l'Eglise catholique avait su préparer le terrain par toute sorte d'effets d'annonce ces dernières semaines. Dans un document rédigé avec la plus grande précision, il ose déclarer que les sanctions validées par son prédécesseur Jean Paul II contre les quatre évêques traditionalistes sont purement et simplement rapportées. Qu'est-ce que cela signifie? Pour le comprendre, il importe de revenir en arrière.
Oh! Rassurez-vous! je ne vais pas vous raconter l'histoire complexe du traditionalisme catholique français, ni tenter de mesurer ici l'impact international qu'a eu l'action de résistance ouverte à Rome, au nom du catholicisme le plus orthodoxe, qu'a menée depuis la fin du concile Vatican II un certain Marcel Lefebvre, il y a des bibliothèques entières sur ce sujet. Je ne vais pas vous raconter cette histoire parce qu'aujourd'hui, quoiqu'on en dise ici et là, les traditionalistes ne sont pas à l'origine de la décision de Benoît XVI. Le souverain pontife s'est prononcé unilatéralement.

En septembre, le ton a changé
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Du côté de la Fraternité Saint-Pie X (fondée en 1987 par Mg, Lefebvre), jusqu'au mois de septembre, son supérieur général, Mgr Bernard Fellay, un Valaisan de cinquante ans, aura tout essayé pour retarder le processus qui s'enclenche inexorablement. Son premier objectif? Maintenir au sein de sa Fraternité une unité fortement compromise par les affrontements à fleurets mouchetés entre diverses tendances plus ou moins pro-romaines. C'est dans ce contexte de tensions internes qu'à deux reprises, le supérieur suisse de la Fraternité Saint-Pie-X, qui commence tout juste un deuxième mandat de douze ans à la tête de sa communauté, avait déclaré que le pape était « libéral », ce qui, dans sa bouche et selon les références qui sont les siennes, supposait que le pape Ratzinger ait le plus grand mal à se dire « vraiment catholique ». Convoqué début juillet 2008 par le cardinal colombien Castrillon Hoyos, responsable à Rome du dialogue avec les traditionalistes, Mgr Fellay avait tenu à reprendre encore, le 15 août, les accusations qu'il avait lancées avant l'été...
C'est au mois de septembre que manifestement le ton change. Cette fois, Mg, Fellay, qui, le premier, avait fait des avances au Vatican lors d'un grand pèlerinage à Rome en 2000, semble convaincu des intentions du pape Benoît XVI. Durant le pèlerinage à Lourdes de sa Fraternité, qui réunit plus de 15000 personnes à la fin du mois de septembre, il demande à tous et à chacun de prier pour une réconciliation de la Fraternité Saint-Pie-X avec Rome. De manière très moderne, très quantitative, il invite les fidèles présents à s'inscrire pour réciter un million de chapelets à cette intention. Objectif largement dépassé: au final, le site internet de la FSSPX en France annoncera le chiffre de 1700000 chapelets récités. Signe de l'adhésion massive des fidèles aux ouvertures de Benoît XVI.
Mais Mgr Fellay continue de répéter, avec l'ensemble des responsables de la FSSPX, que ce rapprochement ne signifie pas compromis. Le premier week-end de janvier, un colloque organisé à la Mutualité à Paris redit solennellement cette fermeté de la communauté fondée par Mgr Lefebvre.

Une pièce en quatre actes
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Les questions qui se posent sont donc:
- pourquoi Benoît XVI a-t-il unilatéralement décidé de cette absolution donnée à la Fraternité Saint Pie-X?
- Pourquoi a-t-il mené le jeu, seul, avec quelques cardinaux à sa main?
II faut comprendre tout d'abord que cette ultime décision s'inscrit dans un processus de longue haleine. En décembre 2005, quelques mois après son élection, le pape condamne « ce que certains appellent indûment l'esprit du concile ». Motif? L'esprit va trop loin. Beaucoup plus loin que la lettre en tout cas. II faut s'en tenir à la lettre du concile demande-t-il à tous les catholiques du monde. Deuxième geste en direction des traditionalistes: le 8 septembre 2006, le pape régularise cinq anciens de la Fraternité Saint Pie-X qui en ont fait la demande et il crée pour eux l'Institut du Bon Pasteur, qui relève directement de Rome. Scandale des évêques français. Le chef de I'Eglise n'en a cure. Il agit. Troisième geste: le 7 juillet 2007, dans un motu proprio, soit dans un document où il exprime sa volonté personnelle, Benoît XVI permet à tout prêtre catholique de célébrer selon l'ancienne liturgie, en précisant qu'elle n'a jamais été abolie par l'Eglise. Cette mesure a été appliquée très parcimonieusement par les évêques français, mais elle remet la messe latine au coeur de l'Eglise romaine.
Enorme symbole! Le décret signé le 21 janvier, levant les excommunications, n'est donc pas une mesure isolée qui resterait sans lendemain. Elle s'inscrit dans ce processus qui lui donne une force particulière. On peut être sûr qu'autant qu'il est en lui, le pape allemand ne s'arrêtera pas en chemin.
On peut ajouter que les déclarations aussi surréalistes qu'irresponsables de l'un des quatre évêques, Mgr Richard Williamson, concernant la destruction des juifs d'Europe, loin de compromettre ce qui apparaît pour Benoît XVI comme la cause sacrée de la réconciliation entre catholiques, va affaiblir le clan de ceux qui, au sein de la Fraternité Saint-Pie-X, s'opposent à la paix ratzinguerienne. L'un des principaux champion du « non » à Benoît XVI est aujourd'hui discrédité et marginalisé par ses propres excès et par l'incroyable légèreté de ses propos sur les « 300000 morts juifs durant la Seconde Guerre mondiale ».
Significatif: dans un communiqué publié en anglais, Mgr Williamson vient du reste de revenir sur son refus bien connu de tout accord avec Rome en se solidarisant avec le processus voulu par le pape.

Les orthodoxes en arrière-fond
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Quels sont les mobiles du pape? Comment expliquer sa persévérance tranquille?
Je crois que l'on peut cibler trois perspectives différentes.
- D'abord, Benoît XVI souhaite mener à bien la mission que lui avait confiée naguère son prédécesseur Jean Paul II pour empêcher la déchirure de 1988. A cette époque, il n'était pas parvenu à créer les conditions d'un accord avec Mg Lefebvre. Il entend bien aller jusqu'à un accord juridique en bonne et due forme avec ses successeurs. Sur ce chemin épineux, la levée des excommunications est un préalable hautement symbolique. Certes les quatre évêques n'ont pas, à l'heure qu'il est, de mission juridique. Certes la Fraternité Saint Pie-X n'a pas de statut précis. Mais il est devenu évident pour tout le monde que l'on se dirige vers une réconciliation qui implique l'élaboration d'un tel statut. Mgr Bernard Fellay se situe, sans réticence, dans cette logique lorsqu'il déclare au journal suisse « Le Temps » : « Je suis confiant. Je crois à l'infaillibilité de l'Eglise et je pense que nous arriverons à une solution vraie. »
- Deuxième mobile: Benoît XVI veut ensuite réaliser à terme une réforme de la réforme conciliaire et il a besoin des troupes que regroupe actuellement la Fraternité SaintPie-X dans le monde entier pour peser sur les évêques et créer un peu partout des centres traditionnels reconnus directement par le Vatican. Histoire de contrebalancer paisiblement mais résolument le monopole présent du rite français (ou vernaculaire) et de la théologie conciliaire.
- Enfin, et c'est, son troisième mobile, ambitieuse est sa politique oecuménique avec les orthodoxes, qui (ils ne s'en sont jamais cachés) suivent de très près la manière dont il entend régler en interne la question liturgique et le sort de ceux qui se sont attachés à la tradition liturgique au sein de l'Eglise catholique. L'avance importante que vient d'obtenir le patriarche Cyrille de Smolensk face à ses compétiteurs pour la succession du patriarche Alexis, à Moscou, laisse entrevoir l'enjeu colossal que peut avoir, sur des bases saines et donc sainement traditionnelles, un dialogue de l'Eglise romaine avec l'Eglise russe pour l'unité des chrétiens. Il est de notoriété publique que Cyrille, s'il est élu, fera tout pour seconder les efforts de Benoît XVI.
Sur cet arrière-fond de géopolitique religieuse, l'initiative du pape face aux traditionalistes trouve sans doute sa plus grande dimension: celle d'un véritable laboratoire de l'unité catholique, à l'usage de ceux qui souhaitent promouvoir, dans un monde de plus en plus matérialisé, l'union sans préjugés et sans tricherie des disciples du Christ.

Joël Prieur

Les évêques accusent la secousse

Mgr Nicolas Brouwet, évêque auxiliaire de Nanterre, représentant la jeune génération des évêques nommés par Benoît XVI, a eu ce mot plein d'optimisme, à propos de la levée des excommunications: « Faisons le pari de la grâce! Ayons un coeur qui aime l'Eglise. »
Cette robustesse des jeunes n'est pas forcément partagée par leurs anciens, même les plus éminents, qui accusent encore le poids d'un passé tumultueux, dont ils semblent porter les plaies mal refermées.
C'est ainsi que Mgr Vingt Trois, archevêque de Paris, a déclaré, lui, de manière plutôt dramatique, dans un communiqué à l'AFP, qu'il avait « confiance dans la vitalité de l'Eglise pour assumer une secousse comme celle-là ».Au final, après avoir estimé dans un premier temps sur Radio Notre-Dame que l'acte de Benoît XVI « peut ne rien changer du tout », il s'estime heureux de cette occasion d'« ouverture » et de « rapprochement ».
De son côté, Mgr Barbarin, archevêque de Lyon, est moins inquiet que le cardinal de Paris. Il va lui d'emblée aux conclusions que l'on peut tirer de cette affaire pour l'Eglise, en reconnaissant « un acte incroyable du pape, totalement dans sa stratégie d'unité et d'ouverture ». Et d'asséner au journaliste du « Progrès », qui fait état de l'inquiétude de certains catholiques devant ce quils présentent comme « le retour des intégristes »: «A ces catholiques, je dis: n'ayez pas peur. Il y a toujours eu, depuis les Actes des apôtres, une incroyable variété dais l'Eglise. »
N'est-ce pas finalement le message de Benoît XVI, ni traditionaliste ni progressiste, mais... pape de la diversité dans l'Eglise?

J.P.

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4 février: une revue de presse Monde & Vie: l'audace de Benoît XVI