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Benoît XVI ne gouverne pas, il guide l'Eglise

Une enquête de Paolo Rodari. Le gouvernement de la curie romaine au temps de Ratzinger : difficultés et stratégies pour l'après « affaire Williamson » (4/3/2009)

"L'Église (..) n'est pas principalement là où on organise, réforme, dirige, mais plutôt elle est présente chez ceux qui croient avec simplicité, en recevant d'elle le don de la foi qui devient pour eux source de vie." (Joseph Ratzinger, Introduction au Christianisme, 1968)
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Depuis l'élection de Benoît XVI, baucoup attendent une "réforme de la Curie", qui ne viendrait pas assez vite à leur gré.
J'avoue que les intrigues de couloir que cela suppose m'intéressent médiocrement, et que, n'ayant pas suivi de près, je n'y connais pas grand chose.
Mais il est facile de deviner que ceux qui s'impatientent des lenteurs du renouvellement sont les mêmes qui veulent apprendre au pape "à faire le Pape" (Le Pape n'a pas besoin de nos conseils... ). Pas forcément pour le bien de l'Eglise, on s'en doute.

Or Benoît XVI ne gouverne pas l'Eglise, il la guide, il la porte, il la présente à Dieu, ce qui est très différent. Nous en revenons toujours à cette confusion profane entre l'Eglise du Christ et une quelconque multinationale.
Cette conception de sa mission était connue des cardinaux électeurs au moment du conclave d'Avril 2005, et lui-même l'avait utilisé comme argument pour échapper à la "guillottine" - en vain.
Voici ce qu'écrivait à propos du conclave George Weigel dans son remarquable ouvrage "Benoît XVI, le choix de la vérité" (ed Mame, page 168)

(...) au cours des jours qui suivirent immédiatement la mort de JeanPaul II, il devint rapidement clair pour ceux qui étaient prêts à ignorer le scénario dominant de l'inéligibilité de Ratzinger que ce qu'un cardinal électeur appelait un « consensus d'estime » était rapidement en train de se former autour du doyen du Sacré Collège. Ratzinger lui-même parut le sentir et entreprit discrètement de tenter de calmer tout enthousiasme pour sa candidature. Tandis que les cardinaux se réunissaient quotidiennement en congrégation générale et que d'immenses foules faisaient la queue pour rendre hommage à Jean-Paul II exposé sur un catafalque à Saint-Pierre, Ratzinger faisait passer le mot : « Je ne suis pas un administrateur. » Au bout de plusieurs jours, certains de ses amis lui suggérèrent de simplement laisser les choses entre les mains de Dieu et de ne pas préjuger de l'action de l'Esprit Saint en se critiquant lui-même.


Paolo Rodari a sérieusement enquêté, et le résultat est cette excellente analyse, dont voici le premier volet.
Ne vous fiez pas aux premières lignes, qui peuvent laisser perplexes. La suite est un hommage sans ambiguïté à l'"attentisme" du saint-Père.

(ma traduction):

Enquête. Le gouvernement de la curie romaine au temps de Ratzinger : difficultés et stratégies pour l'après « affaire Williamson » (Partie I)
3 mars 2009, Il Riformista
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La crise qui au cours des dernières semaines a investi violemment le gouvernement de la Curie romaine - après les critiques juives pour la prière du vendredi saint réintroduite avec le Motu Proprio Summorum Pontificum et les polémiques autrichiennes autour de la démission que l'évêque auxiliaire de Linz Gerhard Marie Wagner a été contraint de remettre (elle a été acceptée hier par le Pape), le ressentiment pour la levée de l'excommunication aux lefebvristes et à l'évêque négationniste de la Shoah Richard Williamson a été vif - ne semble pas avoir touché plus que cela Joseph Ratzinger.
Une preuve en a été fournie samedi dernier.
Alors que la majorité des prélats et des cardinaux parlait de la nécessité « d'exploiter » l'affaire Williamson pour mettre en oeuvre cette réforme de la Curie qui porterait aux postes de commande des gens plus capables de traduire en actions de gouvernement l'esprit eclairé du Pontife, lui, Benoît XVI, a pris une décision qui a semblé aller dans la direction opposée. Au lieu de maintenir la fusion de deux ministères sur l'utilité desquels beaucoup nourrissent des doutes - le conseil Pontifical Justice et Paix, et celui pour la Pastorale des Migrants et des Itinérants - il les a de nouveau démembrés, laissant au cardinal Renato Raffaele Martino (même si c'est pour peu de temps encore) Justice et Paix et confiant les Migrants et les Itinerants au secrétaire de la congrégation pour les Églises Orientales, Mgr Antonio Maria Veglio, prélat de 71 ans accomplis.
Beaucoup disent: c'est un contresens.
Est-ce possible?
Est-il possible que le Pape ne se rende pas compte que la machine de l'Église nécessite d'autres interventions que celle-la?
Est-il possible qu'il ne comprenne pas que le moment est venu de balayer par des gestes de commandement forts, tranchants, cette « saleté » dont en 2005 - lors de la Via Crucis précédant de quelques jours le conclave qui l'avait élu à la Chaire de Pierre - il avait dénoncé la présence dans l'Église?
Est-il possible qu'il ne comprenne pas que, sans un gouvernement capable et compétent, des actions comme la lectio de Ratisbonne, la nomination du polonais Stanislaw Wielgus comme archevêque de Varsovie, la révocation de l'excommunication aux lefebvristes... ne peuvent pas ne pas être destinées à subir de fortes critiques qui, justement parce qu'elles proviennent de l'intérieur même de l'Église, en minent la valeur et l'importance?

On ne peut répondre à ces questions sans comprendre comment Benoît XVI conçoit le gouvernement de l'Église, dont, plus qu'aucun autre cardinal, il connaît les mécanismes et les engrenages.
Et, pour cela, il est nécessaire de revenir à 1968, à cet 'Einführung en das Christentum' (Introduction au christianisme), dans lequel, à un certain endroit (pages 333-334 de l'édition Queriniana-Vaticans, 2005), il écrit: « Les vrais croyants ne donnent jamais un poids excessif à la bataille pour la réorganisation des formes ecclésiales. Ils vivent de ce que l'Église est toujours. Et si on veut savoir ce qu'est réellement l'Église, il faut aller voir chez eux. L'Église, en effet, n'est pas principalement là où on organise, réforme, dirige, mais plutôt elle est présente chez ceux qui croient avec simplicité, en recevant d'elle le don de la foi qui devient pour eux source de vie. [...] Cela ne veut pas dire qu'il faille tout laisser en l'état et supporter ce qui est. Supporter peut aussi être un processus hautement actif… ».

L'attitude de Ratzinger n'est pas une 'excommunication' de l'activité gouvernementale de l'Église. Mais, au besoin, c'est une prise de conscience que ce n'est pas là, dans l'activité de gouvernement, que l'Église joue sa partie la plus décisive. Le Ratzinger Pontife, l'homme des grandes idées, d'une vision philosophique de la modernité, mais aussi religieuse et pneumatique, de l'ancrage à la révélation, aux pères de l'Église, le prêtre qui a vécu Vatican II en pleine effervescence et qui jouit d'une préparation théologique symphonique comme peu au sein de l'actuel Sacré Collège, est bien conscient du fait qu'il lui faut les justes canaux pour traduire sa pensée en actions de gouvernement, mais il est aussi conscient que le gouvernement, le commandement, ne sont pas tout, et surtout pas le tout de son pontificat.
Bien que certains considèrent que désormais, dans les choix que Ratzinger sera appelé à prendre après « l'affaire Williamson » - parce que plusieurs décisions importantes seront prises : il y a, en effet, beaucoup de chefs de dicastère qui arrivent à échéance(..)- se jouera la crédibilité du pontificat tout entier, Benoît XVI, est au contraire conscient que la partie la plus importante se joue ailleurs, c'est-à-dire dans le peuple qui croit, celui qui vit la foi avec simplicité.
Cela ne signifie pas que pour le Pape le « travail sale », celui du gouvernement, soit à mépriser, mais cela signifie que ce dernier se place sur un plan inférieur par rapport à la première attention que tous, cardinaux, évêques et simples fidèles doivent avoir : le soin de la foi, l'unique don qui porte la vie, régénérant et réformant de l'intérieur l'Église elle-même.

On ne peut pas comprendre Benoît XVI et son pontificat sans revenir à cela. Aucune analyse du gouvernement de l'Église de Ratzinger ne peut se passer de cette prémisse. Ce n'est pas pour rien que, quant au gouvernement, quant au déplacement d'hommes d'une place à l'autre, la patience de Ratzinger est proverbiale, par moments même excessive : « 'supportazione' (patience?) active » est le terme qu'il emploie dans Einführung en das Christentum.
Il est fait ainsi.
Lui qui, du 25 novembre 1981 au 19 avril 2005 a été préfet de la Doctrine de la Foi, le ministère où sont gardées des pages et des pages détaillées concernants tous les hommes de gouvernement du Vatican, les nominations, cette réforme de la curie attendue et souhaitée par tous et que lui plus que quiconque pourrait mettre en oeuvre en toute connaissance de cause, a décidé d'être magnanime. Il a décidé de laisser à des postes cruciaux des hommes probablement moins compétents que d'autres, afin de sauvegarder la sensibilité individuelle de chacun et, en même temps, le désir de tous d'être - à différents degrés- utiles.
Certes, parfois il vaudrait mieux faire autrement. Et Ratzinger le sait, au point que dans les prochaines semaines finalement, quelque chose bougera. Lui aussi est conscient qu'il faudrait une hache pour couper la pourriture et faire croître un nouveau germe. Mais souvent il a voulu ne pas agir. Parce que lui, Benoît XVI, préfère avoir de la patience, conscient - c'est le point crucial - que le gouvernement n'est pas tout et que supporter peut être une action qui porte des fruits positifs.
Et peut-être qu'aujourd'hui, beaucoup de ceux qui accusent le Pape et son plus proche collaborateur, le secrétaire d'État Tarcisio Bertone, d'un certain manque d'efficacité, regrettant en même temps le pontificat précédent, feraient bien de s'en souvenir. Beaucoup de ceux qui aujourd'hui regrettent le gouvernement wojtylien (le premier Wojtyla, celui avec Agostino Casaroli secrétaire d'État, et le second, celui avec Angelo Sodano), sont en fait les mêmes qui avec Jean Paul II aux commandes regrettaient Paul VI, Jean XXIII et, même, Albino Luciani : « que se serait-il passé -disent ces derniers - si Luciani avait vécu plus longtemps? ». Mais ils oublient que le gouvernement de Wojtyla avait aussi des points faibles. Même Jean Paul II « le Grand », pour employer une définition frappante du cardinal Angelo Sodano dans la messe de suffrage célébrée pour lui le 4 avril 2005, même le Pape au charisme indiscutable et au regard prophétique, dut tenir compte d'une gestion du pouvoir pas toujours facile, une gestion qui après vingt-six ans et demi de pontificat représente un legs lourd pour les épaules, pourtant larges, de son successeur.

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Le Pape n'est pas seul. Doctrine sociale de l'Eglise grandeur nature