Hypatie, une" massue" contre les chrétiens
"Agorà", la superproduction d'Alejandro Amenabar dont Carlota nous avait parlé ici en octobre 2009, débarque en Italie. Un article réjouissant de Rino Cammilleri, et le énième épisode de la lutte inlassable du cinéma contre l'Eglise (8/5/2010)
Le film d'Alejandro Amenabar "Agora", sorti en France en Janvier 2010, avait inspiré à Carlota un article en octobre 2009, lors de sa sortie en Espagne (rappel ici).
C'est une de ces "machines de guerre" contre le christianisme que le cinéma et la "littérature" (j'hésite à employer ce mot) nous assènent de façon de plus en plus récurrente (Andrea Tornielli vient tout juste d'en faire l'amère expérience personnelle!).
Je doute que, malgré son budget énorme, le succès en salle ait suivi (il y a encore la sortie en DVD...), mais ce n'est pas le plus important. Ce qui compte, c'est la répétition, et aussi l'amplitude de plus en plus large du spectre balayé par ces attaques, dont le support va des BD et des jeux videos destinés aux adolescents, jusqu'aux essais et aux pseudo-ouvrages de théologie, en passant par les romans de Dan Brown et ce genre de films, destinés au "grand public".
Voici qu'aujourd'hui le film débarque en Italie.
Il a inspiré à Rino Camilleri, dont j'apprécie beaucoup le ton original du blog "Antidoti", un article publié dans Il Giornale
Texte en italien ici:
http://www.rassegnastampa-totustuus.it/...
Ipazia la «martire» usata come clava contro i cristiani.
Ma traduction.
Hypatie, la "martyre" utilisé comme une massue contre les chrétiens.
Il Giornale du 25 avril 2010
Rino Cammilleri
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Vous vous souvenez du film (sur les croisades) Kingdom of Heaven de Ridley Scott? L'auteur avait déclaré qu'il voulait faire une oeuvre contre toutes les formes d'intégrisme, mais, comme par hasard, dans l'intrigue, seuls les chrétiens étaient mauvais et indignes de confiance, alors que les musulmans étaient bons et généreux. C'est maintenant le tour de Alejandro Amenábar, qui - je cite - a voulu avec son film Agora, dénoncer lui aussi, les fondamentalismes. Mais voyez un peu, là aussi, les mauvais sont les chrétiens.
Naturellement, il est vrai que le christianisme a eu ses défenseurs à main armée, mais Scott a dû les rechercher au douzième siècle et Amenábar au cinquième. Oui, parce que ce qui pose problème, aujourd'hui, ce n'est pas le christianisme mais plutôt d'autres religions dont les fanatiques ont encore la main armée, eux, et certains cinéastes néerlandais en savent quelque chose (allusion à l'assassinat de Theo van Gogh ). Ainsi, il est plus commode de "dénoncer" ceux qui ne se défendent pas, pour ce qui s'est passé il y mille années et des poussières, et tant pis si, aujourd'hui, ce n'est pas la «science» qui est persécutée, mais plutôt le christianisme.
Hypatie, jeune et belle scientifique, fut assassinée par des chrétiens à la demande de l'évêque Cyrille d'Alexandrie en l'an 415: tel est le mythe politiquement correct.
Et pourtant, nous constatons qu'avant Voltaire (1736), d'Hypathie, personne ne se souciait; ce sont les philosophes qui l'ont tirée de l'armoire des siècles pour la mettre dans celle des "squelettes" de l'Eglise. A l'époque romantique, Hypatie devient la représentante du monde païen (considéré comme doré et tolérant, où les gens vivaient en harmonie avec la nature et ses dieux), tuée par des fanatiques monothéistes. Au vingtième siècle, la voilà proto-féministe, contre la "misogynie" catholique.
La vérité? Tout d'abord, de sa beauté, nous ne savons rien: elle avait environ soixante ans quand elle mourut. Scientifique? Son père, Théon, s'intéressait aux mystères hermétiques et orphiques. Elle était néoplatonicienne, et son «école» était en fait un cénacle restreint dans lequel étaient enseignés les «mystères» à ne pas divulguer aux "profanes" (en fait, il ne reste aucune de ses oeuvres, le peu que nous en savons est dû à ses disciples). Comme néoplatonicienne, elle était très proche du christianisme dont elle appréciait les vertus stoïciennes, si bien que Synésios de Cyrène, son élève et admirateur, finit évêque.
C'est comme ce Cyril (Saint, et Père et l'Eglise) qui, selon certains, aurait ordonné le lynchage d'Hypatie par haine du paganisme, des femmes et de la science. Tu parles! Cyril ne craignait nullement les païens, minorité désormais inoffensive, mais les hérétiques (chrétiens), auxquels il n'a jamais cessé de s'opposer. Son adversaire politique, était le gouverneur (chrétien) Oreste, qui, comme tout bon fonctionnaire byzantin et, donc, "césaro-papiste", estimait que l'Eglise doit être soumise à l'État. L'opposition (répètons-le: politique) avait créé dans la ville des partis et des factions politiques rivales ce qui, à l'ère byzantine, était la règle.
Eh bien, à Alexandrie tout le monde savait que l'éminence grise d'Oreste était la vieille Hypatie. Dans le parti favorable à Cyril, il y avait un groupe que le saint ne parvenait pas à contrôler, les tristement célèbres "Parabolants», ainsi appelé du nom des gladiateurs qui luttaient contre les lions, pratique abolie depuis longtemps par l'empereur Théodose. Ajoutez à cela que chez le petit peuple, - et dans les rumeurs - les enseignements mystèriques d'Hypatie, dont rien ne filtrait, était devenus, qui sait, une sorte de magie noire.
Cela se termina que la litière dans laquelle les esclaves promenait Hypatie fut attaquée, et elle, lynchée. Cyril et Oreste, qui ne pensaient pas que les choses iraient si loin, furent tellement impressionnés qu'il s'empressèrent de faire la paix. Oreste, à qui l'ordre public avait échappé, quitta la ville. Et c'est à Cyril que revint la patate chaude.
Moralité: si quelqu'un se scandalise du fanatisme de certains chrétiens d'antan, qu'il se rappelle que Robespierre, Hitler et Staline ont été baptisés chrétiens. Hitler était même catholique....
