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Un portrait du portraitiste (2)

Suite et fin de la longue interviewe dans Il Foglio. (13/11/2010)

--> Première partie ici: Un portrait du portraitiste

Florilège


La télévision italienne a diffusé au journal (TG2) d'hier soir une interviewe de Peter Seewald.

A la fin de l'interviewe, le journaliste, rappelant que Peter Sewald, un homme massif et chaleureux (56 ans, ex-communiste, aujourd'hui catholique fervent, nous répète-t-on...) est bavarois, lui fait observer qu'il y a "un peu d'esprit de clocher, dans le choix de Papa Ratzinger".
Rires de Seewald: "Je dois dire que cela a été un avantage, pour moi. Entre nous, nous parlions en dialecte bavarois. Même le chef de l'Eglise universelle peut ainsi se relaxer, se sentir davantage à la maison".
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Voici donc la fin de ce qu'on pourrait appeler "Itinéraire d'un converti".
Tout ne m'emballe pas, mais permet de très bien comprendre les diverses raisons du choix du Saint-Père.

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Et là, revenant au livre à sortir prochainement, "La Lumière du Monde", Seewald a révélé d'autres détails.
Il n'y a pas de volte-face concernant le célibat, l'ordination des femmes. "D'un autre côté tout ne peut pas être réduit à ressembler de plus en plus à l'église protestante. En particulier parce que si tels étaient vraiment les problèmes, alors depuis des décennies, l'Église protestante connaîtrait un boom de fidèles".
Ce n'est pas le cas; en fait, les églises protestantes ont perdu plus de fidèles que l'Église catholique. C'est une erreur, selon Seewald, de poser la question en termes d'attractivité de la foi. Tout au long des âges, il y a eu des moments de grand abandon de l'Église, même l'Ancien Testament le dit. "Ratzinger ne sera pas l'inventeur d'une nouvelle église catholique. Mais certainement, il laissera sa marque. Il l'a déjà fait avec son attitude de profonde humilité, montrant plus de volonté de dialogue intereligieux, ainsi qu'avec les évêques et les cardinaux. Il la laissera aussi en termes de morale sexuelle".
Par exemple? : "En ce qui concerne le problème de l'usage du préservatif et du sida", dit Seewald.

Il y a dans le livre une partie importante sur la façon dont l'Église se voit, et sur les devoirs qui lui incombent. L'appel de Ratzinger à cesser de s'occuper d'elle-même et à revenir aux questions posées par le mystère de l'Évangile dans toute sa grandeur. «L'Église doit prendre acte qu'elle n'est pas la seule détentrice de la culture et de l'éthique sociale, dans certains pays. Autrefois on parlait de nations catholiques, l'Italie et l'Espagne (ndt: et la France?). Ce n'est plus le cas. La communauté des croyants s'est réduite, le Pape le dit lui-même. Le devoir est donc le suivant: faire voir Dieu à l'homme, lui dire la vérité. La vérité sur le mystère de la création. La vérité sur l'existence humaine qui va bien au-delà de celle terrestre. Nous avons besoin d'une nouvelle profession de foi, une profession qui exige de chacun un effort beaucoup plus important que par le passé".

"On l'a accusé - conclut Seewald - de ne pas avoir continué dans le chemin de la réforme qu'il avait pris dans sa jeunesse. Mais avec le recul, on peut seulement dire que ce fut une grande chance. Avec son potentiel intellectuel, bien supérieur à celui de certains de ses adversaires, tels que Hans Kung, on en serait probablement venus à un schisme. "

A la rupture, Ratzinger a toujours préféré le dialogue, comme l'a aussi démontré sa confrontation avec l'islam, le récent Synode où ont pris la parole des musulmans et des turcs de tous les horizons, "une chose impensable il y a seulement 20 ou 30 ans". Et aussi, l'intégration des différents courants qui animent l'église. "Prenons la réintroduction de la messe tridentine, cette décision a été elle aussi aux yeux de beaucoup la preuve de sa position réactionnaire. Mais réadmettre un rituel séculaire, qui fait partie intégrante de l'Église, cela signifie au contraire élargir l'espace liturgique".
Un autre qui pense la même chose, est un ancien camarade de classe de Ratzinger, l'écrivain et dramaturge Georg Lohmeier qui souligne: «C'est un conservateur en ces temps incertains, mais pas un réactionnaire."

Malgré tous les doutes et les perplexités qui assaillent Seewald sur les résultats de la première interviewe avec le cardinal, peu après la publication, un éditeur propose au journaliste de faire un autre livre-interviewe. Lui, d'un côté, est attiré, mais d'un autre, il ne croit pas qu'après cette première rencontre, il puisse y en avoir une autre. "Mais deux ans plus tard, car avec lui, avec l'Église, il faut s'armer de sainte patience, la réponse arrive. Ratzinger dit oui."

Seewald lui-même ne parvient pas à s'expliquer complètement comment, dans l'intervalle, il a réussi à faire trois livres d'entretiens avec Ratzinger. Une trilogie qui couronne aussi un rêve, même si, raconte-t-il, l'idée de «La lumière de la terre» est née au cours du pontificat de Jean-Paul II. C'est avec lui que Seewald voulait faire ce livre. Ratzinger lui-même avait intercédé en sa faveur; en effet, Karol Wojtyla avait aimé "Le sel de la terre." Mais ensuite, il a préféré laisser tomber, trop dur pour un homme déjà très malade. "Pourquoi Benoît XVI m'a-t-il choisi encore une fois? Peut-être a-t-il été frappé par le fait que, pour la première fois, il se trouvait en face d'un journaliste non prévenu (même si je l'étais un peu), quelqu'un qui s'était penché sur sa personnalité, avait étudié son parcours de vie. Et qui ne s'était pas présenté avec une longue liste de questions très doctes"

D'une certaine façon, le travail, et le rapprochement de l'Église sont allés de pair. J'ai commencé à me demander: "Qu'est-ce que la religion pour moi? Comment un ex-communiste peut-il revenir à l'Église?". Et puis un jour, j'ai compris que les idéaux qui m'avaient fasciné dans ma jeunesse, je les retrouvais tous dans le message du Christ. Il suffit de lire l'Evangile. Là sont les réponses aux questions d'autrefois, des réponses beaucoup plus radicales que celles trouvées dans le manifeste de Marx. Prenons par exemple l'avertissement de ne jamais s'adapter, de ne pas laisser les choses suivre leur cours. Surtout, de toujours chercher la raison ultime de la création parce que c'est alors seulement qu'on se rend compte que cette création suit une loi divine, et que si on essaie de l'enfreindre, tout s'arrête. "

Seewald n'a jamais pensé d'avoir trahi les idéaux du passé, et même, selon lui, les idéaux du catholicisme sont beaucoup plus révolutionnaire. Dans "Le Sel de la Terre", Seewald citait le journaliste juif Franz Oppenheim qui a écrit: "Les démocraties sont nées dans le monde judéo-chrétien d'Occident. Ce développement est l'un des principes qui sous-tendent notre monde pluraliste". Toujours dans ce livre, il rappelait au cardinal l'appel que Pier Paolo Pasolini, parlant de l'Église de Paul VI, lança en 1974: «Dans une perspective radicale, peut-être utopique... elle devrait passer à l'opposition ... Reprenant une lutte qui est par ailleurs dans ses traditions (la lutte de la papauté contre l'Empire), mais pas pour la conquête du pouvoir, l'Église pourrait être le guide grandiose, mais non autoritaire, de tous ceux qui rejettent le nouveau pouvoir consumériste, qui est complètement irréligieux".
"Dommage - commente Seewald -, que l'Église et le christianisme au cours des siècles aient perdu ce potentiel. Il faudrait se demander, et je le demande au Pape, pourquoi elle est devenue si lâche, embourgeoisée, pourquoi elle s'est tellement adaptée (ndt: mais l'Eglise de Benoît XVI n'est ni lâche ni "adaptée". Elle lutte!)". Il se rappelle le discours de la lutte, à son époque communiste: se libérer des chaînes, libérer l'homme de la soumission au capital, à l'Église, aux forces politiques. Seulement que, pense-t-il aujourd'hui, le monde n'est pas devenu plus juste, plus social. La perte du rapport avec l'Église, avec le christianisme, a juste fait descendre la culture en dessous du niveau d'alerte. Elle a seulement créé un vide désormais occupé par la domination de l'économie, de la science. "Mon point de départ a été le suivant. Je me suis demandé ce que signifiait foi, culture, dans notre société". Et puis il y avait ses enfants, qui ont grandi en dehors de l'église, des païens, comme il les appelle. «J'ai trouvé ça terrible qu'ils n'aient pas eu accès à cette culture séculaire. Que paradoxalement, un jour, ils ne pourraient même pas faire le choix que j'avais fait de nombreuses années auparavant, c'est-à-dire de sortir de l'Église."

Seewald rentrera officiellement dans l'Église bien après la publication du premier livre, aussi parce qu'il ne veut pas que sa conversion se transforme en une sorte de trouvaille promotionnelle. A ses enfants, qui avaient alors cinq et dix ans, il soumet ses doutes et son désir. Ils acceptent l'idée de servir la messe, qui semble les prendre davantage que "l'heure d'éthique" qui pour eux remplaçait celle de religion. "Des doutes, j'en ai eu longtemps. Dans le cas de la foi, des pensées me tourmentaient, par exemple, "Mon Dieu, je ne peux pas souscrire à tout ce que dit l'Église" (chose que d'ailleurs, je pense encore aujourd'hui). Seulement que, comme pour le mariage, les doutes, on les traîne toujours derrière soi. Il faut savoir ce qu'on veut écouter, la raison ou le cœur" . Ce sont les rencontres avec le Pape qui l'aideront dans sa décision. Ratzinger lui-même, dans le livre à sortir, explique que l'homme a toujours des doutes, que la foi ne peut en être être exempte, et même que le doute en est une partie inévitable. Comme les erreurs. Des erreurs que même un Pape peut faire. «Par exemple celle de Ratisbonne. Dans le livre il raconte, qu'à l'époque, lors de cette lectio, il n'avait pas encore pleinement réalisé que le discours d'un Pape est toujours compris comme un discours politique. Pour lui, cependant, cette fois, il s'agissait d'un discours éminemment scientifique. Une leçon douloureuse, qui toutefois ne lui fait pas réécrire un discours cent fois, ne lui fait pas perdre le courage, y compris celui de se tromper".

Durant ses cinq premières années de pontificat, Benoît XVI a changé, il est devenu plus diplomate dans toutes ses actions. Mais il n'est pas pour autant devenu un homme de pouvoir. Certes, à la question sur les forces à l'œuvre au Vatican, il ne répondrait plus, comme en 1996 qu'il y était trop étranger pour en parler. "Ce n'est pas un homme de pouvoir dans l'acceptation courante, mais il sait certainement ce qu'est le pouvoir".
Avec cette distinction, Seewald fait aussi allusion aux incidents diplomatiques pas rares qui ont marqué les premières années: Ratisbonne, justement, et l'affaire Williamson. Son entourage au Vatican n'a pas toujours été à la hauteur de la situation. "Mais, sous lui, il n'y aura jamais de licenciements. Avant de faire tomber quelque tête, le Pape se dit:« Si le Seigneur sait écrire droit sur des lignes courbes, je devrai m'en contenter et travailler avec ce qui m'a été donné». Toujours dans le conviction d'être, en tant que Pape, juste un simple serviteur de cette Église guidé par un autre".
Le Pape, selon Seewald ne se pose pas la question de savoir qui viendra après lui.
Il est certain qu'en une période de crise profonde de l'Église, à la chaire de Pierre, un des derniers grands intellectuels a été élu, un homme d'un savoir immense et en même temps un homme d'une spiritualité infinie. Un homme qui peut parler au monde d'aujourd'hui, qui définit le christianisme comme 'la religion du Logos'. "Et il est fascinant de voir comment ce pape peut poursuivre sa démarche intellectuelle, sans jamais perdre le contact avec le sol. Comment il est capable d'argumenter, d'enseigner.
Ratzinger n'est pas un mystique. Et c'est au fond une des quelques remarques que je lui fais. Puisque tout ne peut pas être expliqué avec la raison, nous avons également besoin d'une composante mystique pour croire. Malgré tout, à une époque si fortement marquée par une foi absolue dans la science, être guidé par un Pape d'un tel potentiel intellectuel, un Pape qui n'est pas seulement le chef spirituel de l'Église, mais aussi l'un des plus grands penseurs de son temps, n'est pas seulement un don de Dieu pour l'Église, mais aussi un complément grandiose à son prédécesseur. "Ratzinger, le grand penseur qui, dans son cœur, cependant, est resté surtout celui du début, l'enseignant, le professeur".

Et enfin Ratzinger, l'homme, tout simplement. Le rencontre avec Seewald cet été à Castel Gandolfo, s'est terminée par une anecdote qui est le meilleur des témoignages: "Le Pape n'est pas une personne joviale, en ce sens qu'il ne se laisse pas aller à des gestes comme une tape dans le dos. Mais il n'est pas inaccessible. J'avais promis à mes enfants pour leur rapporter quelque chose du Pape. Avant de prendre congé, je m'en souvins et je lui demandai si je pouvais enregistrer une phrase pour eux. Il a dit oui tout de suite. Et maintenant sur la messagerie de mes garçons, on peut entendre la voix du pape. "

Un portrait du portraitiste Une interviewe exceptionnelle de Peter Seewald