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Quatre forces historiques...

... pour réorganiser les relations juifs-catholiques.
Une nouvelle analyse de John Allen (17/1/2009)

Après une réflexion sur le Vatican et le Moyen–Orient, la semaine dernière, John Allen écrit un second article sur la crise soulevée entre l’Eglise Catholique et les juifs par le conflit dans la bande de Gaza.

Son humour mis à part (il est un piètre pronostiqueur, le passé l’a prouvé, et il se fait un clin d’œil à lui-même en rappelant une de ses mémorables performances dans ce domaine!), il apporte un éclairage vraiment intéressant, et inédit en France (c’est une conjecture, mais elle paraît fondée) sur ce qu’il appelle les quatre forces historiques susceptibles de remodeler les relations entre catholiques et juifs: dans l’ordre, l’affirmation en cours sous ce pontificat de l’identité catholique, le changement de génération parmi les acteurs du dialogue, l’évolution démographique globale du catholicisme, qui devrait reléguer la relation avec les juifs au rang de problème parmi d’autres, et la préférence donnée par Benoît XVI au dialogue interculturel, plutôt qu’au dialogue interreligieux.
Son regard est malgré tout celui d’un américain, foncièrement étranger à la culture européenne : le Professeur Giorgio Israeli (Alliés objectifs contre le pape ) en dit bien plus, lorsqu’il évoque le rôle des catholiques progressistes de Milan, et Allen, en faisant semblant de s’étonner que la charge contre le rabbin de Venise vienne de la revue Popoli, oublie l’essentiel.

Notons à son crédit qu’il ne manque pas de s’excuser après avoir publié dans son dernier billet, une opinion dont il semble admettre qu’elle était hâtive (?).

Article original sur le site de NCR: http://ncrcafe.org/node/2371
Four historical forces reshaping Catholic-Jewish relations

Ma traduction:

Quatre forces historiques pour remodeler les relations entre catholiques et juifs
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[John Allen raconte qu'il vient de participer à un débat sur le thème des perspectives pour les religions en 2009. Avec ses collègues journalistes, ils ont fait le tour des questions possibles, depuis les relations église / état sous Obama jusqu'au débat sur les droits des homosexuels.]
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À la fin, l'animateur a demandé à chacun d'entre nous de signaler une "question- surprise " pour 2009, dont nous n'aurions pas encore discuté.
Ma réponse a été "les relations chrétiens/juifs."
Certes, je n'ai pas le meilleurs palmarès, comme pronostiqueur - de temps en temps, les lecteurs me rappellent encore que j'ai prédit que le cardinal Joseph Ratzinger ne serait pas élu pape. Cette fois-ci, cependant, il n'a fallu que quelques jours dans la nouvelle année pour que mes prévisions commencent à sembler plutôt bonnes.

La semaine dernière, l'explosion est arrivée avec le Cardinal Renato Martino, président du Conseil pontifical du Vatican pour la Justice et la Paix, qui a comparé la bande de Gaza à un "immense camp de concentration." (L'Anti-Defamation League a qualifié la déclaration de Martino de "choquante et scandaleuse" dans un communiqué de presse le 12 janvier). Cette semaine, nouvel épisode, alors que les rabbins italiens ont annoncé qu'ils se retiraient d'un événement annuel célébrant le judaïsme, parrainé par les évêques catholiques. "La Journée du Judaïsme", a lieu le 17 janvier, rappelant la date de 1945 lorsque les forces allemandes ont évacué le camp de la mort d'Auschwitz.
Le grand rabbin de Venise, Enrico Elia Richetti, a fait cette annonce dans un article dans la revue jésuite Popoli, affirmant que les récentes mesures prises par le Pape Benoît XVI en ce qui concerne le dialogue interconfessionnel " annulent les cinquante dernières années de l'histoire de l'église. "

Plus précisément, Richetti cite deux démarches de Benoît XVI comme fondement de la décision de se retirer, au moins temporairement, de la collaboration avec les institutions catholiques:
• la plus large autorisation de célébration de l'ancienne liturgie latine, avec une controverse sur la prière du vendredi saint pour la conversion des juifs;
• Une déclaration que «le dialogue interreligieux » au sens strict du terme, n'est pas possible, car il implique de «mettre sa propre foi en parenthèses ». (Ce commentaire est issu de la préface d'un livre du philosophe et sénateur italien Marcello Pera).
Richetti accuse ces étapes d'être le signal, d’une absence du plus "banal sentiment de respect dû à l'autre comme une créature de Dieu."

Mercredi, le cardinal Walter Kasper, le plus haut responsable du Vatican pour les relations juifs / catholiques, est venu à la défense de Benoît. « C'est la conviction du pape que nous devons parler et agir ensemble, en sachant que nous avons des divergences fondamentales dans nos croyances, et en les respectant», a déclaré Kasper.

Pour l'instant, il semble peu probable que ce contretemps soit le signe d'une plus grande fermeture dans les relations judéo catholiques. Les juifs italiens sont parfois plus enclins à se hérisser contre ce qu’ils perçoivent comme des affronts du pape, et en particulier à tout ce qui relève du prosélytisme ou de l'assimilation, puisque le souvenir de leur statut de seconde classe sous les États pontificaux est encore très vivant. L'automne dernier, par exemple, le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni, s'est retiré d'un marathon de lecture de la Bible sur la télévision nationale italienne en collaboration avec le Synode des Évêques, déclarant l'événement "trop catholique".
Kasper a dit au quotidien italien La Stampa que «Malheureusement, ici en Italie, nous avons une sensibilité particulière que nous ne trouvons pas en France ou en Allemagne ou en Amérique du Nord » (Richetti reconnaît, et rejette, ces perceptions d'"'hypersensibilité" dans son article.)
La plupart des autres dirigeants juifs ont exprimé leur confusion et leur déception au sujet de la récente turbulence dans les relations - ce qui inclut des réactions mitigées à une vigoureuse défense par Benoît XVI de son prédécesseur controversé de la période de guerre, Pie XII -, mais aussi leur détermination à poursuivre le dialogue.
Par ailleurs, plusieurs observateurs ont noté l'ironie du fait que la plainte de Richetti à propos du retour en arrière dans les relations entre catholiques et juifs de relations ait été publiée dans un journal catholique ( ndt : l’information est incomplète. On pourrait dire la même chose, en France, d’un article contre le pape dans Témoignage Chrétien, ou dans … Golias ! John Allen ne devrait pas l’ignorer).
Quoi qu'on fasse de ce cas particulier, symboliquement il représente un canari dans la mine de charbon en termes de direction de l'ensemble des relations entre catholiques et juifs.

Quatre forces historiques remodèlent en ce moment ces relations, chacune étant destinée à les rendre plus compliquées.

- Tout d'abord, le mouvement le plus puissant dans la vie interne de l'Église catholique d'aujourd'hui est ce que j'ai défini comme "le catholicisme évangélique», c'est-à-dire une réaffirmation de la tradition catholique, des croyances et des pratiques, couplées avec une proclamation publique ferme de l'identité catholique. Une partie de cette identité est la conviction que le Christ est le seul et unique Sauveur du monde. Si le «respect», du point de vue juif, exige que l'Eglise renonce à la revendication que tout salut vient du Christ - ce que la lecture de l'article de Richetti peut porter à penser -, alors il a peu de chance d'aboutir.

- Deuxièmement, il y a un changement de génération en cours. Les pionniers des relations entre catholiques et juifs, pour qui la mémoire vivante de l'Holocauste était une puissante force de motivation, sont en train de quitter la scène. Le nouveau groupe reste attaché à la cause, mais ses dirigeants peuvent ne pas ressentir la même obligation morale.

- Troisièmement, l'évolution démographique dans le catholicisme en dehors de l'Europe et, dans une moindre mesure, l'Amérique du Nord, vers l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine, qui implique que de plus en plus le leadership sera en provenance de régions où les relations entre catholiques et juifs cèderont une place de choix au dialogue avec d'autres traditions, en particulier l'islam et les religions d'Asie. Dans le catholicisme de l'avenir, le judaïsme ne sera plus le paradigme religieux "autre", mais plutôt une relation parmi les autres, et, à certains égards, pas la plus haute priorité.

- Quatrième point, la préférence de Benoît XVI pour le dialogue « interculturel» plutôt que «interreligieux » , mettant l'accent sur la coopération politique et sociale plutôt que la rencontre strictement théologique, pourrait aussi mener les liens entre catholiques et juifs vers le bas, dans la liste des préoccupations. Théologiquement, la relation de base du christianisme est la relation avec le judaïsme. En termes de géopolitique, cependant, les relations avec l'islam ou l'hindouisme, ou, ailleurs, avec le christianisme évangélique et pentecôtiste, prennent souvent plus d'importance. (Il y a environ 13 millions de Juifs dans le monde et 1,6 milliard de musulmans, faites le calcul.) Même en Europe, la hausse de la population musulmane signifie que, lorsque le catholicisme est à la recherche de partenaires pour influencer la vie sociale, l'Islam va remplacer progressivement le judaïsme comme la plus évidente "live option."

Bien sûr, les catholiques peuvent marcher et mâcher de la gomme en même temps, ce qui signifie que l'Eglise doit être capable d'affirmer son identité et de favoriser les relations avec les autres religions, tout en maintenant le dialogue avec le judaïsme. Au cours de sa visite à la Park East Synagogue de New York en avril dernier, Benoît XVI a réitéré son engagement à construire «des ponts d'amitié ».
Pourtant, ceux qui se préoccupent des relations entre catholiques et juifs ne se font pas d'illusions: c'est un moment historique, où les étoiles ne sont pas particulièrement bien alignées. La dynamique, à certains égards, est en train de prendre une autre direction, ce qui suggère que de nouvelles énergies et de l'imagination seront nécessaires pour maintenir les choses sur la bonne voie.

* * *
Annexe:
Journée du judaïsme: les raisons de notre «Non» (Publié dans Popoli, Janvier 2009), par Rabbi Elia Enrico Richetti
Grand Rabbin de Venise
John Allen propose ici sa propre traduction en annexe.
Voir ici: Les rabbins d'Italie contre le Pape
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Note additionnelle à l'article
La semaine dernière, j'ai discuté du commentaire de Martino sur la bande de Gaza, suggérant entre autres choses que la sympathie que certains chrétiens palestiniens semblent avoir pour le Hamas paraît souvent déroutante au monde extérieur.
Je liais cela à l'exode en cours des chrétiens de Terre Sainte, dont j'écrivais qu'il était «dû dans une large mesure à la pression croissante de la part des fondamentalistes islamiques."

Cette opinion a suscité un certain nombre de réponses, y compris de chrétiens palestiniens et d'autres catholiques en Terre Sainte. En voici un échantillon du Frère paulinien Michael McGarry, recteur de l'Institut œcuménique de Tantur à Jérusalem:

"Je crois que c'est au pire, faux, ou au moins déformé. Au cours des dernières années, les chrétiens en Terre Sainte, à la fois en Israël et en Palestine (bien davantage dans ce dernier), sont partis en raison des difficultés économiques et de l'absence d'avenir politico / économique à cause de l'occupation. Comme employeur de Palestiniens, chrétiens et musulmans, nous à Tantur, nous voyons la réalité sur une base quotidienne. Nous sommes déçus quand cette situation difficile est présentée comme résultant de l'extrémisme musulman. Alors qu'à coup sûr, un article présentant l'Islam (ce que fait votre phrase ) comme le moteur principal a deux effets: 1) Il perpétue le stéréotype et le mensonge sur les musulmans et les chrétiens vivant ensemble en Cisjordanie, et 2) Il cautionne le mouvement idéologique qui dit, en effet: «Nous, juifs et chrétiens nous avons un ennemi commun dans l'islam [radical] et, par conséquent, nous devons nous unir contre lui." "


Comme tout le reste du Moyen-Orient, bien sûr, les causes de l'exode des chrétiens font l'objet d'un débat acharné. Pourtant, mes correspondants avaient raison, ma phrase simplifiait excessivement


Sur ce thème, voir aussi: Judaïsme & Moyen-Orient

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