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Catholiques/juifs: un tournant dans le dialogue

Remarquable analyse du discours du Saint-Père à la synagogue de Rome, par Massimo Introvigne (19/1/2010)

Le discours du Pape à la Synagogue a été traduit en français par Zenit .
Comme d'habitude, il faut lire le texte avant les commentaires.

Il me semble que Massimo Introvigne en offre le meilleur de ceux que j'ai lus jusqu'à présent, loin de toute polémique et de toute réduction.
J'ai eu pour ma part l'impression que le Pape souhaitait tourner la page, avec les juifs, et qu'il les invitait à faire la même démarche.
Il leur fait observer avec délicatesse qu'il n'y a rien à ajouter aux demandes de "pardon" (?) de son prédécesseur, qu'il a évoquées minutieusement. Il me semble qu'il a voulu leur dire qu'il n'irait pas plus loin dans cette voie. Tout ce qui n'avait pas plu dans son discours d'Auschwitz, en 2006, il l'a répété ici (et curieusement, cela a mieux passé qu'à Auschwitz, à moins que cela n'ait pas été remarqué): le nazisme était une idéologie qui voulait, en tuant le Peuple de la première alliance, tuer Dieu lui-même (le Saint-Père s'est autorisé à mettre au même plan l'idéologie communiste, et même celle du matérialisme athée occidental issu des Lumières, ce qui relève d'une audace certaine).
Il leur propose au contraire une autre voie (qu'Introvigne décrit ici): celle que leur indique leur héritage commun, la loi naturelle, issue du Décalogue. Comme il l'a fait avec les musulmans, conscient des limites d'un dialogue théologique qui ne peut déboucher sur rien, et qui risque de se réduire à un exercie intellectuel réservé aux rencontres entre savants des deux bords, il les met au défi de la raison.
Une idée pas si neuve que ça, en fait. Il me semble qu'elle était déjà présente dans la "Lettre de Benoît XVI au Sénateur Pera", et encore tout récemment, dans l'allusion à la "Cour des Gentils" évoquée lors du discours à la Curie.
Ce qu'il a demandé aux juifs, à la Synagogue de Rome, c'est d'être avec les catholiques, les moteurs de ce grand rassemblement de la raison.



Le Pape à la synagogue.
Un tournant dans le dialogue entre catholiques et juifs
Massimo Introvigne
(
Raffaella, ma traduction)
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La visite de Benoît XVI à la synagogue de Rome, le 17 Janvier 2010, a été vécue par les médias presque exclusivement comme un évènement préparé et accompagné par des polémiques (ndlr: mais si l'on y réfléchit, il en a été ainsi de chacune des activités du pape depuis le début du Pontificat, à l'exception de certains évènements considérés comme sans enjeu réel, car ne mettant pas en cause le sacro-saint dialogue avec les autres religiens, et surtout avec les juifs: que l'on pense aux prémisses des voyages en Turquie, aux Etat-Unis et en Terre Sainte!).
On a scruté avec attention toute référence possible aux polémiques entourant la béatification du pape Pie XII (1939-1958) et de la révocation de l'excommunication des évêques de la Fraternité Saint Pie X fondée par Mgr Marcel Lefebvre (1905-1991), dont l'un - Mgr Richard Williamson - a exprimé de la sympathie pour les positions négationnistes de l'Holocauste.

Durant les derniers mois, Benoît XVI est maintes fois intervenu pour rappeler que Pie XII, une figure sainte, et à lui particulièrement chère, a agi avec disrétion, mais aussi avec sagesse et efficacité pour aider, dans les limites de ce qui était humainement possible, les juifs menacés d'extermination par le national-socialisme, et que la levée des excommunications s'inscrit dans une tentative pour ramener la Fraternité Saint Pie X dans la pleine communion avec l'Eglise catholique, une question complexe, mais qui n'a rien à voir avec le négationisme, du reste condamné en termes clairs et forte par le Souverain Pontife lui- même.
L'insistance de milieux juifs - après autant d'éclaircissements - sur les deux thématiques relatives à Pie XII et à Mgr Williamson, renouvelée lors de la visite du 17 Janvier, apparaît - il faut le dire franchement - comme une ingérence dans les affaires intérieures de l'Eglise, peut-être même recherchée et à l'instigation de milieux catholiques hostiles à Benoît XVI et déterminés à préserver l'interprétation de Vatican II que le pape régnant a dénoncé et condamné comme "herméneutique de la discontinuité et de la rupture".
De ce point de vue, la «défense» du Concile par le grand rabbin Riccardo Di Segni, dans son allocution de bienvenue au Pape est d'un goût vraiment douteux: «Si ce qu'a amené le Concile Vatican II devait être remis en question - a dit le Rabbin - il n'y aurait plus de possibilités de dialogue. "

Mais par-dessus tout, l'insistance sur l'événement menace de faire passer au second plan - comme cela arrive souvent - l'enseignement de Benoît XVI, qui a abordé à la synagogue deux questions de grande importance: un enseignement qui présente également un certain élément de nouveauté.
La première question - qui répond à la polémique à sa racine, mais qui vole bien plus haut que tout jugement contingent - concerne les tragédies du XXe siècle et la responsabilité de ces erreurs et de ces horreurs. Le Pape indique clairement d'où vient le mal: "des idéologies terribles qui ont trouvé leurs racines dans l'idolâtrie de l'homme, de la race, de l'Etat qui ont conduit une fois de plus un frère à tuer son frère. Le drame singulier et bouleversant de la Shoah représente en quelque sorte le sommet d'un chemin de haine qui naît lorsque l'homme oublie son Créateur et se met lui-même au centre de l'univers." Rappelant sa visite à Auschwitz, le 28 Mai, 2006, Benoît XVI réaffirme qu'en tuant autant d'hommes, les potentats de ces idéologies, en réalité et en fin de compte, "voulaient tuer Dieu". Il n'y a pas seulement là une réponse à l'avis historiquement faux que l'Holocauste a été une conséquence de l'anti-judaïsme catholique, alors que de toute évidence, il s'agit du fruit empoisonné d'une idéologie raciste radicalement anti-catholique. Il ya beaucoup plus. Les idéologies modernes - le national-socialisme qui idolâtre la race, mais aussi le communisme qui idolâtre l'État, et les Lumières laïques qui proclament les droits de l'homme contre les droits de Dieu - sont des segments d'un processus pluriséculaire d'éloignement de la vérité catholique, où l'homme cherche à occuper ce «centre de l'univers» qui au contraire est réservé à Dieu. Les fruits de ce processus, dont le national-socialisme fait partie sans en être l'unique manifestation, ne peut qu'être odieux et criminel.
Le second thème - et là réside l'élément de nouveauté - est la proposition faite aux Juifs d'un chemin de dialogue qui n'est pas principalement théologique, mais qui part de la raison et du droit naturel. Les dix commandements que les Juifs et les chrétiens ont en commun sont, certes, révélés par Dieu, mais sont également accessibles à la raison naturelle de tous hommes au jugement droit. Le Décalogue constitue un phare et une norme de vie dans la justice et l'amour, un grand code éthique pour toute l'humanité. "Les « Dix Paroles » jettent une lumière sur le bien et le mal, sur le vrai et le faux, sur le juste et l'injuste, également selon les critères de la conscience juste de toute personne humaine". La raison, en particulier, est capable de reconnaître la vérité des aspects fondamentaux du Décalogue qui sont particulièrement menacés, "le respect, la protection de la vie" et "la sainteté de la famille, où le « oui » personnel et réciproque, fidèle et définitif de l'homme et de la femme, ouvre l'espace pour l'avenir, pour l'authentique humanité de chacun, et s'ouvre, dans le même temps, au don d'une nouvelle vie.". Et aussi «reconnaître l'unique Seigneur, contre la tentation de se construire d'autres idoles, se faire des veaux d'or - le premier commandement du Décalogue - est en fait un but que la raison humaine est capable de réaliser, de sorte que l'athéisme et la laïcité sont intrinséquement déraisonnables, et sont aussi les racines de l'horreur des idéologies.
On ne peut que constater le parallèle entre cette grande offre faite au monde juif d'un dialogue axé sur la loi naturelle, rappelée par Dieu "pro memoria" dans les Dix Commandements à une humanité est capable de la comprendre, aussi avec la raison - de sorte que ces règles naturelles s'imposent à tous, croyants et non croyants, parce que tous sont doués de raison -, et l'offre analogue adressée à plusieurs reprises aux musulmans par Benoît XVI.
Le Pape ne nie pas l'importance du dialogue théologique, qui, pour les musulmans se concentre sur les rôles réciproques de la Bible et du Coran, ou sur la façon dont l'islam voit la figure de Jésus-Christ, et pour les Juifs sur la signification de la notion d'alliance entre Dieu et son peuple et sur le rôle de l'Ancienne Alliance avec le peuple juif après la venue de Jésus-Christ et la Nouvelle Alliance avec l'Eglise. Thèmes certes intéressants pour les spécialistes, et pas seulement.
Pourtant, Benoît XVI a démontré à maintes reprises les limites d'un dialogue théorique, tout juste bon pour les universitaires et pour les conférences. Dans un monde marqué par tant de tragédies et de violence, le dialogue le plus urgent et le plus concret - celui qui va au-delà des spécialistes et implique aussi les gens ordinaires, celui qui peut vraiment résoudre ici et maintenant les problèmes et les conflits - ne peut que partir de la raison.

Si chaque religion fait valoir exclusivement sa foi, une confrontation est certes possible, mais un consensus est totalement aléatoire. Si au contraire, toutes argumentent en partant de la raison - qui n'est ni chrétienne, ni juive, ni musulmane, et que les croyants et les non-croyants ont en commun - trouver un consensus au moins sur certains principes minimaux de la loi naturelle, la loi de la raison, est possible. Et c'est le consensus sur ces principes qui peut éviter les tragédies et les violences qui ont marqué le XXème siècle et continuent à marquer XXIème.
C'est là que réside le véritable tournant dans le dialogue inter-religieux de Benoît XVI, le Pape de la raison. Les polémiques contingentes ne doivent pas occulter ce grand enseignement.

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