Saint-Thomas
Une église-boîte à Vaulx-en-Velin en 2012. Le cardinal Barbarin vient d'en poser la première pierre. (1er/5/2010)
Actualité (AFP, 30/4)
Chantier unique actuellement en France, une église catholique doit voir le jour d'ici 2012 à Vaulx-en-Velin, banlieue de Lyon où se sont installées 250 familles chrétiennes d'Irak.
"Construire une maison de paix dans un lieu gravé dans la mémoire collective de la France comme un lieu de tumultes est très symbolique", a souligné le cardinal Philippe Barbarin, venu poser la première pierre vendredi, en compagnie d'élus locaux et de paroissiens de toutes origines.
L'église Saint-Thomas est par ailleurs la première construite dans le diocèse de Lyon depuis quarante ans. Le chantier lui-même doit commencer en juin. Le budget prévu est de 4 millions d'euros.
Réjouissons-nous sincèrement.
Toutefois...
-----------------
A la veille de la rencontre du Saint-Père avec les artistes, en novembre dernier, Mgr Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, lors de la conférence de presse de présentation, justifiait la laideur objective des églises actuellement construites par l'absence de formation esthétique chez les futurs prêtres...
Une explication un peu courte, qui avait fait bondir le Père Scalese:
A mon avis, le problème, ici, n'est pas dans la formation des futurs prêtres. Tout implement parce que ce n'est pas le pauvre curé qui décide de la construction d'une église. C'est vrai, très souvent, la paroisse est créée avant la construction de l'église, c'est pourquoi le curé a une responsabilité dans la demande et l'inspiration du projet immobilier. Mais ensuite ces projets doivent être approuvés par les membres du conseil paroissial ou par les responsables de l'architecture religieuse dans chaque diocèse. Donc le problème n'est pas tant d'avoir des pasteurs avec un sens esthétique (évidemment, s'ils en ont, c'est mieux), le problème est, en fait, un problème «politique»: ce sont les instances diocésaines compétentes qui devraient fonctionner. Si on a soumis le projet d'une "église-boîte" (chiesa scatola), il doit tout simplement être rejeté. On y tient vraiment? Alors la vraie question est, en effet un problème de formation, mais pas tant la formation du clergé, que la formation des techniciens, ceux qui prennent les décisions.
Ces organismes devraient avoir des règles très précises qui s'appliquent à tous, et pas laissées aux goûts personnels de tel ou tel expert. Par exemple, la première règle, suggérée par le sens commun doit être que quand vous avez à construire une église, vous devriez contacter un architecte catholique-chrétien-pratiquant, expert en liturgie, et pas un architecte quelconque, fût-il de renom . Mais dites-moi quel sens cela a de confier le projet d'une église à un juif, ou même à un athée? Et on s'étonne après cela que les églises modernes soient froides, sans âme ... Mais que voulez-vous qu'il y comprenne, à une église, un architecte non-croyant? Pour lui, il s'agira seulement d'une question de lumière et de volume.
Une fois encore, donc, se pose effectivement un problème de formation, mais de formation d'artistes chrétiens. Le principe de "l'art pour l'art" n'a pas sa place dans l'Église; ou bien l'art sacré est une expression de la foi (non pas une foi abstraite, mais une foi vécue) ou il n'est pas.
Sur ce sujet, le P. Scalese, arès avoir déploré la laideur d'un église "moderne" construite au Brésil il y a une dizaine d'années, par les barnabites, (il ne me tarde pas de voir l'intérieur!) photo à l'appui, écrivait aussi, le 19 septembre dernier un billet intitulé: Chiese brutte .
-------------
"Je voudrais vous montrer une autre église, construite par les Barnabites (..) à Varsovie. Elle a été inaugurée en 2003 au cours de l'année jubilaire qui a eu lieu à l'occasion du 5ème centenaire de la naissance de saint Antoine Marie Zaccaria (à qui l'église est dédiée).
Oui, c'est une église moderne, mais elle est inspirée par les canons classiques. L'intérieur, je peux vous l'assurer, est très beau: une église accueillante, "chaleureuse", qui encourage à la prière.
(...)
Avant de conclure, permettez-moi d'exprimer quelques doutes quant à la possibilité d'embellissement de certaines églises: dans certains cas, c'est possible dans d'autres, il suffit d'attendre que le temps ne les détruise (et je ne pense pas que cela soit très long..)".
------------
Mais pourquoi, alors, continuer à en construire?
Le même Mgr Ravasi, répondant aux questions de La Croix, balayait sans indulgence "les productions artisanales sans ambition", expliquant: http://benoit-et-moi.fr/2009/...
"Nous croyons à la possibilité d’une rencontre entre la foi et l’art, pourvu que l’art sorte de son impuissance provocatrice. De même, l’Église ne doit plus s’en tenir à une récupération hasardeuse de styles anciens et à des productions artisanales sans ambition. Elle doit accepter la confrontation avec ces nouvelles grammaires, à ces nouvelles modalités d’expression. Ce dialogue-là serait fécond pour elle".
(...)
La plupart des grands architectes ont tous déjà construit une église. On peut citer Renzo Piano (église Padre Pio à San Giovanni Rotondo, Italie), Richard Meyer (église Tor Tre Teste, près de Rome), Massimiliano Fuksas (à Milan), Tadao Ando (qui réalisa plusieurs églises au Japon), etc. Et n’oublions pas Le Corbusier avec Ronchamp.
Tous se sont attachés à modeler l’espace dans sa nudité, jouant sur la lumière, l’intimité…"
J'avais fait à l'époque une recherche sur internet, sur les oeuvres de ces éminents artistes, on en trouvera le résultat ici:
http://benoit-et-moi.fr/2009/...
Il semblerait bien qu'on puisse ajouter une photo, à cette galerie des horreurs architecturale.
Il s'agit de la maquette de l'Eglise qui va être construite à Vaulx-en-Velin, et dont le Cardinal Barbarin vient de poser la première pierre (Le Figaro).
Répétons-le, la construction d'une église est une merveilleuse nouvelle, dont on se réjouit.
Quant au bâtiment...
C'est une horreur, dans laquelle on ne reconnaît plus une église. Enlevez le campanile déjà détaché, remplacez-le éventuellement par... autre chose! et laissez faire votre imagination!
Il paraît (ce n'est pas évident sur la photo) que l'une des parois est remplacée par une immense baie vitrée, pour laisser entrer la lumière. (autrefois, la lumière, même dans les plus humbles églises de campagne, était tamisée par des vitraux: c'est la façon que les bâtisseurs de ces époques avaient trouvé pour "jouer avec la lumière" comme aime à le dire élégamment Mgr Ravasi). Personnellement, je pense aux problèmes pratiques du nettoyage, et à la façon dont tout cela va vieillir. Ou plutôt, je préfère n'y pas penser.
C'est une parfaite illustration des propos du Père Scalese.
Note:
L'article du Figaro n'est évidemment pas drôle (ou bien involontairement). Mais les commentaires le sont.
L'un des internautes compare le bâtiment à un gros poste de télé, ce qui est assez bien vu, et un autre écrit: à mon humble avis, l'architecte devrait consulter.
Pour ceux que cela intéresse, le site internet du cabinet d'architecte commissionné est ici: http://www.siz-ix.com/
