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Le Pape: une affaire italienne, selon Allen

Le vaticaniste américain règle mesquinement ses comptes. Nouvel épisode du divorce entre le Saint-Père et les médias. (4/10/2009)

Il est de retour de République tchèque, et il n'est pas content. Après tout, il a le droit. Même si ses raisons sont vraiment "petites"
Mais il est aussi déloyal envers ses confrères, et surtout envers le Pape.

Entre 2007 et 2008, j'ai traduit beaucoup trop d'articles de John Allen, et à chaque fois, ce n'était pas facile, à cause de la langue, qui ne m'est pas vraiment familière. Je ne regrette cependant pas le temps que j'y ai passé, parce que cela m'a ouvert des horizons vers un univers que je ne connaissais pas, celui des catholiques "progressistes" au niveau mondial, et particulièrement dans le milieu anglo-saxon. Sans compter l'intérêt évident de donner la parole à quelqu'un dont je ne partage pas l'opinion - mais qui reste dans les limites de la correction - et dont la voix me paraissait avoir une large portée mondiale
John Allen, tout en ne se déclarant pas inconditionnel du pape (il faut bien vivre, surtout quand les employeurs et la ligne gauchisante du journal imposent une distance certaine!) ne s'est jamais non plus opposé frontalement à lui (même raison, cette fois quand on est journaliste accrédité au Vatican, on ne va pas scier la branche). Dans les deux cas, il y a aussi des livres à vendre.
Mais, sauf à être schizophrène, il doit être difficile de toujours ménager la chèvre et le chou. Cela explique peut-être le clash d'aujourd'hui.

J'ai été réticente presque dès ma première traduction, un article écrit un an auparavant, après Ratisbonne, où il s'interrogeait sur la possibilité de contrôler les discours du pape avant qu'il ne les prononce, afin de les lisser (qui dira non à Benoît?).
Je n'étais pas sûre, alors, d'avoir raison.
Maintenant, si.

Je suis très gênée que le "spécialiste" depuis autant d'années qu'il se prétend être puisse distiller autant de fiel pour de si petites choses. Sa démarche est mesquine.
La rancoeur d'avoir été évincé (son téléphone ne sonne jamais, dit-il), la jalousie professionnelle, expliquent, mais n'excusent pas, l'aigreur, la condescendance, voire le mépris, en un mot le manque de fair-play envers les confrères italiens: Magister, Tornielli, Rodari, Izzo, tous journalistes d'exception et à forte personnalité, dont les informations sont totalement fiables, et qui ne pensent pas que faire du journalisme consiste à trouver des formules-choc et enfiler des bons mots, apprécieront sûrement!.
A cet égard, le caveot lector final est totalement ahurissant!
Et ne nous leurrons pas, le mépris d'Allen envers les "confrères" italiens est aussi le mépris de la supposée élite américaine envers le reste du monde.

Qu'Allen n'ait pas fait le voyage dans l'avion papal, il nous avait expliqué déjà il y a deux ans (lors du voyage au Brésil) que c'était trop cher. Que Jean-Paul II était plus charismatique (sait-il seulement le sens religieux de ce mot?) que Benoît XVI, cela fait maintenant bientôt 5 ans qu'on nous bassine avec ce non-évènement. Basta, une fois pour toutes! le Jean-Paul II qui a mérité peut-être l'honneur des autels n'est pas le "newsmaker mondial" d'Allen, celui qui se couchait par terre en descendant d'avion pour baiser le sol, mais plutôt celui qui a supporté patiemment le regard ignoble des caméras de télévision sur sa déchéance physique, véritable calvaire qui mérite bien davantage notre admiration que sa prétendue connivence avec les medias.

Que les grands medias américains n'aient pas cru devoir couvrir le voyage en Tchéquie prouve seulement qu'ils savaient qu'il n'y avait aucun scandale à attendre, aucune polémique à susciter (ou qu'ils avaient décidé de "passer leur tour", pour une raison qui m'échappe).
John Allen est ou très naïf - s'il n'a pas compris cela - ou très cynique - s'il a décidé de nous faire avaler que le désintérêt des médias est à imputer au Pape, et qu'ils le suivent habituellement non pas pour relever les "petites phrases" (ce qui est en réalité leur principal rôle), mais pour diffuser son message avec impartialité, à défaut de bienveillance!
Devinez pourquoi il y avait autant de monde dans l'avion vers l'Afrique et lors de la visite en Israël? Et pourquoi la toute petite République tchèque, et son président rebelle Vaclav Klaus, n'intéressent personne?
Et, en passant, je commence à comprendre pourquoi (ou plutôt, comment cela a été rendu techniquement possible) il n'y a eu aucune suite à l'affaire Williamson-bis, alors que nous le redoutions ici.

Quoi qu'il en soit, on ne remerciera le "vaticaniste" américain autoproclamé de prétendre voir dans les papes précédant JPII des " figures d'intérêts occasionnels à travers le monde"... et en Benoît XVI un pape "plus dans la norme... [rappelant] à quel point Jean-Paul était en réalité remarquable".
Sans compter que comparer la popularité mondiale des Papes d'avant Jean-Paul II, au premier Pape de l'ère internet intégrale qu'est Benoît XVI (indépendamment de son rayonnement personnel), est une ânerie indigne d'un professionnel des medias.

Pour finir, le cardinal Bagnasco vient de prononcer lors de l'assemblée plénière des évêques européens, une longue intervention sur le thème "Les medias et le pape: une année difficile" (traduction en cours).
Ce qui suit est une perfaite illustration du quiproquo persistant, et surtout qui n'est pas près d'être dissipé, faute de volonté d'un côté....

Une dernière traduction

Le pape est devenu une histoire italienne
John L. Allen Jr
2 Octobre 2009
http://ncronline.org/..
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À un moment donné pendant le voyage du pape Benoît XVI à la République tchèque le week-end dernier, je flânais dans le centre de presse à l'hôtel Hilton de Prague. Saisissant les conversations qui flottaient dans l'air, et regardant les gens dans la salle, j'ai été frappé par cette prise de conscience: Le pape est redevenu en grande partie une histoire italienne.

Le Pape Jean Paul II était un "newsmaker" mondial, et le corps de presse qui le suivait était remarquablement international. Ces jours-ci, les non-Italiens voyageant régulièrement avec le pape sont réduits à l'équivalent médiatique d'une église survivante. Durant ce voyage, il n'y avait personne du New York Times, du Los Angeles Times ou de CNN (sauf si vous me comptez, mais mon téléphone ne sonne jamais), qui sont tous des habitués. Fox était dans l'avion papal, mais seulement parce que leur correspondant à Rome est investi dans l'histoire du Vatican, sinon il y a fort à parier que Fox n'aurait pas fait partie non plus de la mixture.

Certes, ces organismes sont présents à Prague, donc ce n'est pas comme s'ils avaient sauté l'épisode. Mais autrefois, tous auraient eu un correspondant se déplaçant avec la suite du pape pour une couverture quotidienne. A ce niveau, la présence américaine se réduit à l'Associated Press, un producteur de ABC, et le Catholic News Service. (J'ai fait le voyage, mais pas dans l'avion.)

Probablement que la seule chose que les gens qui reçoivent leurs nouvelles de la télévision américaine sauront sur le voyage, c'est qu'à un moment donné, une araignée a rampé sur les vêtements du pape. Ce clip est devenu populaire sur You-Tube, et bien sûr il ne nécessite pas de rapports ou d'analyses pour comprendre (ndt: sans doute la faute du Pape!! et évidemment, quand la grande presse internationale est là, nous avons l'habitude qu'ils nous fournissent de si brillantes explications!).

Deux points aident probablement à expliquer ce manque d'intérêt global.

Tout d'abord, Benoît XVI n'est tout simplement pas la figure charismatique que Jean-Paul II était. Deuxièmement, Benoît XVI s'est entouré d'Italiens qui semblent parfois plus intéressés par Il Bel Paese (ndt: Allen pense sans doute que saupoudrer son texte d'une pincée d'un italien que personne n'utilise justifie son statut de spécialiste des affaires romaines, comme du parmesan sur un plat de spaghetti lustucru) que par la scène mondiale. Le Cardinal Tarcisio Bertone (ndt: bête noire des journalistes, décidément), le secrétaire d'État se mêle régulièrement des affaires italiennes. Les meilleures "petites phrases" du Saint-Siège viennent généralement, en italien, de prélats, comme Mgr Salvatore Fisichella, président de l'Académie pontificale pour la Vie, et de l'archevêque Agostino Marchetto, Secrétaire du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement .

À bien des égards, il s'agit plus d'un retour à la forme historique que d'une nouveauté. Avant Jean-Paul II, la plupart des papes étaient des figures d'intérêts occasionnels à travers le monde; ce n'est qu'en Italie qu'ils faisaient tous les jours les gros titres. Plutôt qu'une exception, Benoît XVI est plus dans la norme - et donc rappelle à quel point Jean-Paul était en réalité remarquable.

Néanmoins, ce retour à la papauté comme étant essentiellement un sujet italien d'informations porte en soi deux dangers.

D'abord, il donne aux Italiens la tentation d'interpréter presque tout ce que le pape dit ou fait comme un commentaire voilé sur les affaires italiennes. Un moment comique, en République tchèque, survint vers la fin, quand Benoît XVI fit une référence générique à la nécessité pour les personnalités publiques de respecter les valeurs morales. Ce qui déclencha un débat entre les correspondants italiens pour savoir s'il s'agissait d'une critique du premier ministre italien Silvio Berlusconi, qui fêtait son 73e anniversaire cette semaine. Les escapades présumées (!!) de Berlusconi avec de jeunes courtisanes ont alimenté la chronique estivale.

Le deuxième risque, plus important pour les gens extérieurs à l'Italie, c'est que la compréhension internationale de la papauté est plus que jamais tributaire de la couverture italienne. Comme je l'ai déjà dit, dépendre des Italiens, c'est une proposition dangereuse.

Certes, le journalisme italien a ses points forts. C'est plus de l'art que de l'artisanat, ainsi les correspondants sont invités à apporter leur personnalité dans la couverture. Ce qui rend souvent leurs essais provocateurs et très originaaux. Le souci d'exactitude des faits, cependant, ne figure pas au premier rang parmi leurs vertus. Parfois, des conjectures ou des hypothèses occupent les pages des nouvelles, sans beaucoup d'indications qu'elles ne sont pas à prendre au sérieux.

Bien sûr, les Italiens savent tout cela, et ils sont très forts pour lire entre les lignes. Lorsque ces spéculations sont traduites dans d'autres langues et prises comme vraies nouvelles, toutefois, elles peuvent causer beaucoup de mal - surtout, peut-être dans la culture anglo-saxonne, où nous sommes encore un peu enclin à supposer que ce qui apparaît sur les pages des nouvelles est factuellement vrai.

Par conséquent, si le quasi-monopole italien sur la couverture du Vatican se renforce, la règle pour la compréhension des nouvelles sur le pape devra de plus en plus être Caveat lector: "Au lecteur de prendre garde". (ndt: la "seconde culturelle"!!)

Miguel Diaz présente ses lettres de créance Benoît XVI et les medias