Actualités Images La voix du Pape Visiteurs Livres Sites reliés Lu ailleurs Index Recherche
Page d'accueil La voix du Pape

La voix du Pape


Pie XII vénérable Noël Statistiques du site Le Pape et les artistes Retour des anglicans République tchèque Un an déjà Le blog du P. Scalese Navigation Dernières entrées

Le bon serviteur

Homélie de la messe d'ordination épiscopale du 12 septembre (12/9/2009)

Le Pape a ordonné aujourd'hui cinq nouveaux évêques.
Voici ma traduction de l'homélie qu'il a prononcée au cours de la messe, concélébrée en la basilique saint-Pierre avec les cardinaux Bertone et Levada, avant de retourner à Castelgandolfo.

Certains commentateurs vont sans doute faire des gloses, la reliant à de prochaines ou récentes nominations à la curie (que je n'ai pas suivies, car cela ne m'intéresse pas trop...). Bref, en attribuant au saint-Père des intentions politiques, voire polémiques.
J'y vois personnellement un texte d'une grande spiritualité.

Précédent

Suivant



Chers frères et sœurs!

Nous saluons avec affection et nous nous unissons de tout coeur à la joie de nos cinq frères prêtres que le Seigneur a appelés à être les successeurs des Apôtres
(ici, salutations et énumérations des noms des nouveaux évêques...)

Selon la tradition apostolique, le sacrement est conféré par l'imposition des mains et la prière.
L'imposition des mains se déroule en silence. Le parole humaine devient silencieuse. L'âme s'ouvre dans le silence de Dieu, dont la main se tend vers l'homme, le prend pour lui-même et, en même temps le recouvre de manière à le protéger, afin qu'il soit alors entièrement la propriété de Dieu, lui appartienne en entier, et introduise les hommes dans les mains de Dieu. Mais, comme second élément clé de l'acte de consécration, ensuite vient la prière.

L'ordination épiscopale est un événement de prière. Aucun homme ne peut faire d'un autre un prêtre ou un évêque. C'est le Seigneur lui-même qui, par la parole de la prière et le geste de l'imposition des mains, adopte l'homme totalement à son service, l'attire dans son propre sacerdoce. C'est lui-même qui consacre les élus. Lui-même, le seul grand prêtre, qui a offert le sacrifice unique pour nous tous, lui concède sa participation au sacerdoce, afin que sa parole et son œuvre soient présents en tout temps.

Par cette connexion entre la prière et l'agir du Christ sur l'homme, l'Eglise dans sa liturgie a développé un signe révélateur. Au cours de la prière de l'ordination des candidats, on ouvre sur le postulant les Evangiles, le livre de la Parole de Dieu, l'Évangile doit pénétrer en lui, la Parole vivante de Dieu doit, pour ainsi dire, le pénétrer.
L'Évangile, au fond, n'est pas seulement des mots - Le Christ lui-même est l'Évangile. Avec la Parole, la vie même du Christ doit pénétrer l'homme pour qu'il devienne une seule chose avec Lui, que le Christ vive en lui et donne à sa vie forme et contenu. De cette manière doit se réaliser en lui ce qui dans les lectures de la liturgie d'aujourd'hui est considérée comme l'essence du ministère sacerdotal du Christ.

Le consacré doit être rempli de l'Esprit de Dieu et vivre à partir de lui. Il doit apporter aux pauvres la bonne nouvelle, la véritable liberté et l'espoir qui donne la vie et guérit l'homme. Il doit établir le sacerdoce du Christ parmi les hommes, l'ordre de la prêtrise de Melchisédek, qui est le royaume de justice et de paix. Comme les 72 disciples envoyés par le Seigneur, il doit être celui qui apporte la guérison, qui contribue à cicatriser la plaie intérieure de l'homme, son éloignement de Dieu .

Le bien premier et essentiel dont l'homme a besoin est la proximité de Dieu lui-même. Le royaume de Dieu, dont il est question dans l'Evangile d'aujourd'hui, n'est pas quelque chose "à côté" de Dieu, une condition quelconque du monde: c'est tout simplement la présence de Dieu lui-même, qui est le pouvoir de guérison réelle.

Jésus résume tous ces différents aspects de son sacerdoce dans la seule phrase: «Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour racheter la multitude" (Mc 10, 45). Servir, et ainsi se donner soi-même; être non pas pour soi mais pour d'autres, de la part de Dieu et en vue de Dieu: c'est là le coeur même de la mission de Jésus Christ et, ainsi, l'essence de son sacerdoce .
Ainsi, il a fait du terme «serviteur» le plus haut titre d'honneur. Avec cela, il a accompli un renversement des valeurs, nous a donné une nouvelle image de Dieu et de l'homme. Jésus ne vient pas comme un des maîtres de ce monde, mais lui qui est le vrai maître, vient comme serviteur. Son sacerdoce n'est pas domination, mais service: c'est là le nouveau sacerdoce de Jésus-Christ dans l'ordre de Melchisédek.

Saint Paul a formulé l'essence du ministère apostolique et sacerdotale, de façon très claire. Face aux querelles qui existaient dans l'Eglise de Corinthe entre les différents courants qui se référaient aux différents apôtres, il dit: mais, qu'est-ce qu'un apôtre? Qui donc est Apollo? Qui est donc Paul? Ce sont des serviteurs, chacun selon ce que le Seigneur lui a accordé (cf. 1 Co 3, 5). "Chacun devrait se considérer comme serviteur du Christ et administrateur des mystères de Dieu. Maintenant, ce qu'on demande aux administrateurs, c'est que chacun s'avère fidèle"(1 Co 4, 1s).
A Jérusalem, la dernière semaine de sa vie, Jésus lui-même a parlé dans deux paraboles, de ces serviteurs auxquels le Seigneur confie ses biens dans ce monde, et on y relève trois caractéristiques de la façon de bien servir, dans lesquelles se matérialise l'image du ministère sacerdotal.
Jetons encore un bref regard sur ces caractéristiques, pour contempler avec les yeux de Jésus lui-même, la tâche que vous, chers amis, êtes appelés à assumer en cette heure.

La première caractéristique, que le Seigneur exige du serviteur, est la fidélité.

On lui a confié un grand bien, qui ne lui appartiennent pas. L'Eglise n'est pas notre Église, mais Son Église. Le serviteur doit rendre compte de sa gestion du bien qui lui a été confié. Ne lions pas les hommes à nous, ne cherchons pas le pouvoir, le prestige, l'estime de nous-mêmes. Conduisons les hommes vers Jésus Christ et ainsi vers le Dieu vivant. Ainsi, nous les introduisons dans la vérité et dans la liberté qui vient de la vérité. La loyauté est altruisme, et ainsi elle est vraiment libératrice pour le ministre lui-même et pour ceux qui lui sont confiés. Nous savons comment les choses dans la société civile et, assez souvent, même dans l'église souffrent du fait que beaucoup de ceux auxquels une responsabilité a été confiée, travaillent pour eux et non pour la communauté. Le Seigneur trace en quelques lignes un tableau du mauvais serviteur, qui commence par s'enivrer et battre les travailleurs, trahissant ainsi l'essence de sa fonction. En grec, le mot qui signifie "fidélité" coïncide avec celui qui veut dire «foi».

La fidélité du serviteur de Jésus-Christ consiste précisément dans le fait qu'il ne cherche pas à adapter la foi à la mode de l'époque. Seul le Christ a les paroles de la vie éternelle, et ces mots, nous devons les apporter aux gens. Ils sont le bien le plus précieux qui nous a été confié. Une telle fidélité n'a rien de stérile ni de statique, elle est créatrice.

Le maître réprimande le domestique qui avait enterré le bien qui lui avait été confié afin d'éviter tout risque. Avec cette fidélité apparente, le serviteur a en fait mis de côté le bien du maître, afin de se consacrer exclusivement à ses affaires.

La fidélité n'est pas peur, mais elle est inspirée par l'amour et par son dynamisme. Le maître fait l'éloge du serviteur, qui a fait fructifier son bien. La foi a besoin d'être transmise: elle a été livrée non seulement pour nous, pour le salut personnel de nos âmes, mais pour d'autres, pour ce monde et pour notre temps. Nous devons la placer en ce monde, afin qu'elle devienne en lui une force vive, pour augmenter la présence de Dieu en lui.

La deuxième caractéristique que Jésus requiert du serviteur, c'est la prudence.

Ici, il faut immédiatement écarter un malentendu.
La prudence est une chose différente de la ruse.
La prudence, selon la tradition philosophique grecque, est la première des vertus cardinales; elle indique la primauté de la vérité, qui, par la «prudence» devient le critère de nos actions.
La prudence exige la raison humble, disciplinée et vigilante, qui ne se laisse pas aveugler par les préjugés; elle ne juge pas en fonction des désirs et des passions, mais elle cherche la vérité - la vérité même inconfortable. La prudence signifie se mettre à la recherche de la vérité et agir en conséquence.
Le serviteur sage est d'abord et avant tout un homme de vérité et un homme de raison sincère. Dieu, par Jésus-Christ, nous a ouvert en grand la fenêtre de la vérité, qui face à nos propres forces, est souvent étroite et seulement partiellement transparente. Il nous montre dans les Saintes Ecritures et la foi de l'Eglise la vérité essentielle sur l'homme, qui donne la bonne direction à notre action.
Ainsi, la vertu cardinale du prêtre comme ministre de Jésus-Christ est façonnée par la vérité que le Christ nous montre. De cette façon, nous devenons des hommes vraiment raisonnables, qui jugent par l'ensemble et non par des détails fortuits.
Ne nous laissons pas guider par la petite fenêtre de notre propre habileté, mais par la grande fenêtre, que le Christ nous a ouverte sur l'entière vérité, regardons le monde et les hommes et reconnaissons par là ce qui importe vraiment dans la vie.

La troisième caractéristique dont Jésus parle dans les paraboles du bon serviteur est la bonté: «Bon et fidèle serviteur ... prends part à la joie de ton maître» (Mt 25, 21.23).

Ce qu'on entend par la caractéristique de la "bonté" peut être éclairci pour nous, si nous considérons la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche. Cet homme s'était adressé à Jésus en l'appelant «Bon Maître» et il a reçu une réponse étonnante: «Pourquoi m'appelles-tu bon? Nul n'est bon que Dieu seul» (Mc 10, 17s).
Bon, au sens plein, seul Dieu l'est, Il est le Bien, le Bon par excellence, la bonté en personne. Chez une créature - chez l'homme - être bon se base donc nécessairement sur une orientation intérieure profonde envers Dieu. La bonté grandit en s'unissant intérieurement au Dieu vivant.
La bonté suppose avant tout la communion intense avec Dieu, une union intime croissante avec Lui. Et en effet: de qui d'autre pourrait-on apprendre la vraie bonté que de celui qui nous a aimés jusqu'au bout, jusqu'à la fin (cf. Jn 13, 1). Nous devenons de bons serviteurs à travers notre relation vivante avec Jésus-Christ. C'est seulement si notre vie se déroule dans le dialogue avec lui, si son être, ses caractéristiques nous pénétrent et nous façonnent, que nous pouvons devenir des serviteurs vraiment bons.

Le calendrier liturgique rappelle aujourd'hui le nom de Marie.
En elle qui a été et est totalement unie au Fils, le Christ, les hommes dans l'obscurité et dans les souffrances de ce monde ont trouvé le visage de la Mère qui nous donne le courage d'aller de l'avant. Dans la tradition occidentale, le nom de "Marie" a été traduit par «Étoile de la mer». En cela, s'exprime justement cette expérience: combien de fois l'histoire dans laquelle nous vivons ressemble à une mer sombre qui frappe de ses flots, de façon menaçante la barque de notre vie.
Parfois, la nuit semble impénétrable. Elle peut souvent donner l'impression que seul le mal a le pouvoir et Dieu est infiniment loin. Souvent, nous n'entrevoyons que de loin la grande Lumière, Jésus-Christ qui a vaincu la mort et le mal. Mais alors, nous voyons toute proche la lumière qui s'est allumée lorsque Marie a dit: "Voici la servante du Seigneur". Nous voyons la claire lumière de la bonté qui émane d'Elle. Dans la bonté avec laquelle elle a accueilli, et toujours et encore vient de nouveau satisfaire les aspirations petites et grandes de nombreuses personnes, nous reconnaissons de manière très humaine la bonté de Dieu lui-même. Avec sa Bonté elle apporte toujours à nouveau Jésus-Christ, et donc la grande lumière de Dieu dans le monde. Il nous a donné sa mère comme notre Mère, afin que nous apprenions d'elle à prononcer le «oui» qui nous rend bons.

Chers amis, en cette heure, nous prions pour vous la Mère du Seigneur, afin qu'elle vous conduise toujours vers son Fils, source de toute bonté. Et nous prions pour que vous deveniez des serviteurs fidèles, sages et bons et ainsi puissiez un jour entendre du Seigneur de l'histoire les mots: serviteur bon et fidèle, prends part à la joie de ton maître. Amen.

Texte en italien ici: http://212.77.1.245/news_services/

Prière à la Vierge du Chêne Bonaventure et l'histoire du salut