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Le Pape s'adresse aux théologiens

Homélie de Benoît XVI devant les membres de la Commission théologique internationale. Le Saint-Père a célébré "ad orientem" (2/12/2009)


Selon Radio Vatican:
Le Pape présidait ce matin (1er décembre) dans la chapelle Pauline une messe en présence des membres de la Commission théologique internationale. Cette commission est réunie depuis le début de la semaine au Vatican, et ce jusqu’au 4 décembre prochain, afin de décider des thèmes à traiter ces prochaines années.
...
Il s’agit principalement de sujets complexes qu’il est souvent difficile de comprendre.
Dans son homélie, le Pape a d’ailleurs invité les membres de la commission à faire leur examen de conscience.

L'homélie magistrale date seulement d'hier, mais son bref résumé a rapidement disparu des pages d'accueil de Radio Vatican (italien et français).
Me fais-je des idées? Dérange-t'elle?
Il est vrai qu'elle semble particulièrement sévère envers une certaine théologie, une théologie de l'orgueil qui a oublié Dieu, et qui à force de se perdre dans les détails érudits s'est désséchée en se coupant des racines de la foi..
Sur un ton assez familier (on n'a vraiment aucun doute que le texte est entièrement de sa main, et, si j'ose dire, un cri de son coeur) , mais sans prendre de gants, le Saint-Père a repris à l'usage des personnes directement concernées sa préoccupation constante pour la foi des humbles, qu'il a encore tout récemment développée devant les fidèles, dans la catéchèse du 4 novembre (Les deux théologies: du coeur, ou de la raison ) où il comparait la théologie intellectuelle d'Abélard, à la théologie du coeur de Saint Bernard: ce dernier, disait-il, "a des difficultés à être d'accord avec Abélard, et plus généralement avec ceux qui soumettaient les vérités de la foi à l'examen critique de la raison; un examen qui comportait, à son avis, un grave danger, c'est-à-dire l'intellectualisme, la relativisation de la vérité, la remise en question des vérités mêmes de la foi. ...".
Texte en italien: Vatican.

Ma traduction.

Chers frères et sœurs,

les paroles du Seigneur, que nous venons d'entendre dans ce passage de l'évangile, sont un défi pour nous, en tant que théologiens, ou peut-être plutôt, une invitation à un examen de conscience: qu'est-ce que la théologie? que sommes-nous, nous les théologiens? comment faire une bonne théologie?
Nous avons entendu que le Seigneur loue le Père, parce qu'il a caché le grand mystère du Fils, le mystère de la Trinité, le mystère christologique devant les sages les docteurs - qui n'en ont pas eu connaissance - mais il l'a montré aux petits, aux nèpioi, à ceux qui ne sont pas des savants, qui n'ont pas une grande culture. A eux, ce grand mystère a été révélé.

Avec ces paroles, le Seigneur décrit simplement une réalité de la vie, un fait qui commence déjà au moment de sa naissance, quand les mages de l'Orient demandent aux autorités, aux scribes, aux exégètes, le lieu de la naissance du Sauveur, le Roi d'Israël. Les scribes le savent, eux qui sont grands spécialistes, ils peuvent immédiatement dire où est né le Messie, à Bethléem! Mais ils ne se sentent pas invités à s'y rendre, pour eux cela demeure un savoir académique, qui ne touche pas leur vie, ils restent en dehors. Ils peuvent donner des informations, mais l'information ne devient pas formation pour leur propre vie.

Puis, durant toute la vie publique du Seigneur, nous retrouvons la même chose.
Aux docteurs, il est impossible de comprendre que cet homme qui n'est pas un docteur, ce Galiléen, puisse véritablement être le Fils de Dieu. Cela demeure inacceptable pour eux que Dieu, le grand, l'unique, le Dieu du ciel et la terre, puisse être présent dans cet homme. Ils savent tout, ils connaissent aussi Isaïe 53 (ndt: chapitre 53 du livre du prophète Isaïe: Cependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, C’est de nos douleurs qu’il s’est chargé ; Et nous l’avons considéré comme puni, Frappé de Dieu, et humilié. Mais il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités ; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, Chacun suivait sa propre voie ; Et l’Eternel a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous), toutes les grandes prophéties, mais le mystère reste caché.
Au contraire, il est révélé aux petits, depuis la Madonne jusqu'aux pêcheurs du lac de Galilée. Ils savent, tout comme le soldat romain sous la Croix sait: c'est le Fils de Dieu

Les faits essentiels de la vie de Jésus n'appartiennent pas seulement au passé, mais ils sont présents de différentes manières, dans toutes les générations. Ainsi, même à notre époque, dans les deux cents dernières années, nous voyons la même chose.
Il existe de grands docteurs, de grands spécialistes, de grands théologiens, maîtres de la foi, qui nous ont enseigné beaucoup de choses. Ils sont pénétrés des détails de l'Ecriture Sainte, de l'histoire du salut, mais ils ne peuvent pas voir le mystère, le noyau véritable: que Jésus est vraiment le Fils de Dieu, le Dieu trinitaire qui entre dans notre histoire en un moment historique particulier, dans un homme comme nous. L'essentiel est resté caché!
On pourrait aisément citer les grands noms de l'histoire de la théologie de ces deux cents ans, dont nous avons beaucoup appris, mais le mystère ne s'est pas ouvert aux yeux de leur cœur.

A l'inverse, il y a aussi des petits de notre temps qui ont connu ce mystère. Pensez à Sainte Bernadette Soubirous, à Sainte Thérèse de Lisieux, avec sa nouvelle lecture de la Bible "non scientifique", mais qui pénétre au cœur de la Sainte Écriture; jusqu'aux saints et bienheureux de notre temps: St. Joséphine Bakhita, la Bienheureuse Teresa de Calcutta, Saint Damien de Veuster. Nous pourrions en énumérer tellement!

Mais de tout cela naît la question: pourquoi en est-il ainsi? Le christianisme est-il la religion des idiots, des gens sans culture, sans formation? La foi s'éteint-elle là où s'éveille la raison? Comment peut-on expliquer cela?
Peut-être devons-nous une fois de plus regarder l'histoire.
Ce qu'a dit Jésus reste vrai, ce qu'on a observé à toutes les époques.
Pourtant, il y a une «sorte» de petits qui sont également des docteurs.
Sous la croix il y a Marie, l'humble servante de Dieu et la grande femme éclairée par Dieu, et il y a aussi Jean, un pêcheur du lac de Galilée, mais c'est ce Jean qui à juste titre sera appelé par l'Église, «le théologien», car il a vraiment pu voir le mystère de Dieu et l'annoncer; avec l'oeil de l'aigle, il est entré dans la lumière inaccessible du mystère divin. APareillement, même après sa résurrection, le Seigneur, sur la route de Damas, touche le cœur de Saül, qui est l'un de ces docteurs qui ne voient pas. Lui-même, dans sa première lettre à Timothée, se définit comme un «ignorant» à cette époque, malgré ses connaissances. Mais le Ressuscité le touche; il devient aveugle et en même temps, il devient vraiment "voyant", il commence à voir. Le grand savant devient un petit, et justement ainsi, il voit la folie de Dieu qui est la sagesse, une sagesse supérieure à toute sagesse humaine.

Nous pourrions continuer à lire toute l'histoire de cette façon. Juste une observation, encore. Ces doctes savants, sofòi e sinetòi, dans la première lecture, apparaissent d'une manière différente. Ici sofia et sinesis sont des dons de l'Esprit Saint qui reposent sur le Messie, le Christ.
Qu'est ce que cela signifie?
Il apparaît qu'il existe un double usage de la raison et une double façon d'être savant ou petit.
Il y a une façon d'utiliser la raison qui est autonome, qui se place au-dessus de Dieu, dans toute la gamme des sciences, à commencer par les sciences naturelles, où une méthode adaptée à la recherche dans la matière est universalisée: de cette manière, Dieu n'entre pas, donc il n'y a pas de Dieu.
Et ainsi, en fin de compte, en théologie aussi, on pêche dans les eaux de la Sainte Ecriture avec un filet qui permet de prendre seulement des poissons d'une certaine taille, et quand cette taille est dépassée, ils n'entrent pas dans le filet et ne peuvent donc pas exister.
Ainsi, le grand mystère de Jésus, le Fils qui s'est fait homme, est réduit à un Jésus historique: une figure tragique, un fantasme sans chair ni os, un homme qui est resté dans le tombeau, s'est corrompu et est vraiment mort. La méthode sait "capturer" certains poissons, mais exclut le grand mystère, parce que l'homme se fait lui-même la mesure; il a cet orgueil qui, en même temps est une grande folie, car elle absolutise certaines méthodes qui ne sont pas adaptées aux grandes réalités; elle entre dans cet esprit que nous avons vu chez les scribes, qui répondent aux Rois Mages: cela ne me touche pas, je reste enfermé dans mon existence, qui n'est pas touchée. C'est la spécialisation qui voit tous les détails, mais ne voit plus l'ensemble.

Et il y a l'autre façon d'utiliser la raison, d'être sage, celle de l'homme qui reconnaît qui il est; il reconnaît sa propre mesure et la grandeur de Dieu, s'ouvrant dans l'humilité à l'agir nouveau de Dieu.
Ainsi, justement en acceptant sa propre insignifiance, se faisant petit comme on l'est vraiment, on arrive à connaître la vérité. De cette façon, la raison elle aussi peut exprimer toutes ses possibilités, elle ne s'éteint pas, mais elle s'élargit, elle devient plus grande. Il s'agit d'une autre Sofia et Sinesis, qui n'exclut pas du mystère, mais est communion avec le Seigneur en qui reposent la connaissance et la sagesse, et leur vérité.

En ce moment, nous voulons prier afin que le Seigneur nous donne la véritable humilité. Qu'il nous donne la grâce d'être petits pour pouvoir être vraiment sages; qu'il nous éclaire, qu'il nous faisse voir le mystère de la joie de l'Esprit Saint, qu'il nous aide à être de vrais théologiens, qui puissent annoncer son mystère car touchés dans la profondeur de notre cœur, de notre existence.

Amen.

Pas de conflit en vue entre science et théologie On ne connaît que ce qu'on aime