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En 2004, Politi interviewe le card. Ratzinger

Le cardinal s'exprimait librement sur les grands thèmes de l'actualité d'alors... et d'aujourd'hui. Un grand (faux) témoin m'a permis involontairement de découvrir ce texte important (28/1/2010)

J'ai reçu d'une amie l'enregistrement audio de l'émission "Le grand témoin" du 22 décembre dernier, sur Radio Notre-Dame (lien).

Madame P., bien connue (mais peu appréciée) dans ces pages, avait un livre à vendre, et elle a bénéficié d'une longue tribune, où, avec l'aplomb du "spécialiste" auto-proclamé, et le toupet du camelot, elle a débité des énormités sur le Pape - et d'autres sujets dont elle ne connaît absolument rien - sans être pratiquement jamais interrompue par le gentil jeune homme qui la recevait.
Et malheureusement avec la caution (frileuse) de l'ami Gérard Leclerc, qui s'est retranché derrière l'indulgence envers le traitement "people" du pontificat.
L'enregistrement est disponible ici.
Le but de l'opération est-il de rendre définitivement le Pape antipathique aux catholiques, qui sont en principe le coeur de cible de cette station? (Madame P. ose dire par exemple: "au début de son pontificat, on lui a mis une fois un bébé dans les bras, le pauvre, il faisait des grimaces, on n'a jamais recommencé"!!!)
En tout cas, c'est bien imité! Et c'est grave. Les attaques contre le Pape, y compris sur les sites qui se déclarent catholiques, sont alimentés par ces mensonges et ces calomnies.

Parmi d'innombrables énormités que vous pouvez écouter (http://radionotredame.....mp3 ) si vous avez du temps à perdre et le coeur bien accroché (dont celles, particulièrement indécentes, je dirais même odieuses, sur la santé du pape, qui relèvent de l'atteinte à la vie privée, un délit qui se paie cher, dans certains milieux), j'en ai relevé une.
Mme P. explique doctement - et je ne la contredirai pas - qu'être pape, ce n'est pas vraiment une situation enviable.
Quid de Joseph Ratzinger?
On appréciera la délicatesse de la réponse de la rombière (oui!):
"Je crois que l'appétit vient en mangeant. Je crois qu'il ne le désirait pas vraiment. Mais à la fin, quand il a donné une grande interviewe à Marco Politi de la Repubblica, un éminent journaliste italien, il s'est pris au jeu dans les derniers moments".
Marco Politi, faiseur de Pape!!!
Il faut oser!
Je pense à une réplique d'Audiard, que je ne peux reproduire ici.
Ma première réaction a été: cette interviewe ne peut pas exister, jamais le cardinal Ratzinger n'aurait accordé une interviewe à Marco Politi, employé par un journal qui témoigne envers lui d'une hostilité tenace.
Je m'étais trompée (et cela prouve hélas mon manque de confiance, mais surtout la grande ouverture d'esprit du cardinal, devenu Pape, qui accepte de débattre avec un militant agressif des droits de certaines minorités très visibles en ce moment...).
Une recherche sur Internet m'a conduit à l'article en question (grâce à Raffaella), datant de novembre 2004, donc bien avant la mort de Jean-Paul II. Certains pensaient sans doute à sa succession, mais certainement pas Joseph Ratzinger - à son profit..
Une interviewe magnifique, où il accepte de discuter très librement de la décadence de l'Europe, des unions homosexuelles, de la contraception chimique et d'Humanae Vitae, de l'Islam, du Crucifix dans les lieux publiques.
Rien à voir avec un quelconque acte de candidature, car on voit qu'il se moque d'être impopulaire dans un certain milieu.
Il y aurait de quoi faire rougir Mme P. de honte, si elle était consciente: certes, une carte de presse ne fait pas un journaliste - peut-être un "grand" reporter... à Paris Match.
Mais finalement, si je n'avais pas cherché des arguments pour la contrer, jamais je n'aurais trouvé ce texte. C'était donc un mal pour un bien.

Une interviewe du cardinal Ratzinger par Marco Politi, dans la Repubblica (Novembre 2004).
Le laïcisme, nouvelle idéologie de l'Europe, ne doit pas ignorer Dieu

Marco Politi
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L'Europe, berceau et pilier du catholicisme, est en train de perdre sa connotation chrétienne. Aujourd'hui déjà, les non-pratiquants, les agnostiques, les indifférents, sont majoritaires.
Pour l'Eglise de Rome, c'est un défi décisif. Et c'est de là que nous partons, dans l'entretien avec le cardinal Joseph Ratzinger dans le Salon Rouge du Saint-Office. Il s'appelle aujourd'hui Congrégation pour la Doctrine de la foi, et son patron a été et continue d'être un pilier de la papauté de Wojtyla.

" Nous vivons dans une situation de grande transformation. Dénatalité et immigration - nous confie le Cardinal - changent également la composition ethnique de l'Europe. Surtout, nous sommes passés d'une culture chrétienne à un sécularisme agressif et parfois même intolérant. Et pourtant, bien que les églises se vident et que beaucoup ne parviennent plus à croire, la foi n'est pas morte. Je suis sûr que même dans le contexte d'une société multiculturelle et parmi de grandes oppositions, la foi chrétienne demeure un facteur important, capable de fournir la force morale et culturelle du continent.

Donc le cardinal Ratzinger n'est pas pessimiste?

"L'optimisme et le pessimisme sont des catégories émotionnelles. Je pense que je suis réaliste. Je reste convaincu de la force intérieure de la foi. Ou plutôt, le catholicisme est devenu de plus en plus «catholique» c'est-à-dire universel. Et alors que d'autres continents découvrent leur manière d'être chrétien et catholique, l'Europe ne sera plus une voix aussi déterminante que dans le passé. Elle aura encore une grande importance, mais toujours au sein du concert international.

Après «l'affaire Buttiglione, certains groupe laïcs et catholiques dépeignent un christianisme assiégé, en Europe.

" Il existe une idéologie séculariste agressive, qui peut être inquiètante. En Suède, un pasteur protestant qui avait prêché sur l'homosexualité, sur la base d'un passage de l'Ecriture, est allé en prison pendant un mois. La laïcité n'est plus cet élément de neutralité qui ouvre des espaces de liberté pour tous. Elle commence à se transformer en une idéologie qui s'impose à travers la politique, et ne concède aucun espace public à la vision catholique et chrétienne, qui risque ainsi de devenir quelque chose de purement privée et au fond, mutilé. Dans ce sens, une lutte existe et nous devons défendre la liberté religieuse contre l'imposition d'une idéologie qui se présente comme si elle était l'unique voix de la rationalité, alors qu'elle n'est que l'expression d'un "certain rationalisme.

Mais pour vous, qu'est-ce que la laïcité?

" La laïcité juste est la liberté de religion. L'État n'impose pas une religion, mais donne libre espace aux religions, avec une responsabilité envers la société civile, et donc permet à ces religions d'être des facteurs dans la construction de la vie sociale. "

Pourtant, il y a des frontières délicates. Prenons le crucifix dans les écoles. Il y a la tendance, que je trouve banalisante, qui consiste à dire que c'est un symbole de l'amour universel et un don qui ne peut déranger personne. En réalité, c'est avant tout le signe d'un Dieu et d'une religion. Ne peut-on comprendre ceux qui disent qu'on ne peut pas imposer de signe?

"Cela dépend des situations historiques. Il peut y avoir des pays qui n'ont pas une histoire ou une présence chrétienne et par conséquent ne veulent pas ce signe, car il n'exprime pas un patrimoine et une orientation morale commune. Je pense que grâce à Dieu l'Italie et même une partie de l'Allemagne, sont encore tellement marquées par leur passé et leur présent chrétiens que le crucifix reste pour elles un point de référence. La Croix nous parle d'un Dieu qui s'est fait homme et meurt pour l'homme, qui aime l'homme et pardonne. Et ceci est déjà une vision de Dieu qui exclut le terrorisme et les guerres de religion au nom de Dieu. Il peut arriver que, dans le futur, la substance chrétienne d'un peuple se perde: alors on pourrait dire que cette orientation commune n'existe plus, et peut-être qu'on ne pourrait plus l'offrir dans les espaces publics. Pour moi, ce serait un passage triste et c'est pourquoi je m'engage personnellement afin que cette substance chrétienne ne soit pas perdue .

Mais si un Juif ou un Musulman, hors de toute polémique, demandent aussi à trouver dans les écolees un signe de leur foi, est-il juste de leur nier?

"On peut réfléchir sur les conditions d'un tel cas, en pondérant bien toutes les différences qu'il comporte. Mais c'est une question ouverte, il me faut y réfléchir de façon plus approfondie.

Ne croyez-vous pas qu'il y a une difficulté de l'Eglise à être comprise par l'homme d'aujourd'hui?

"Ne nous en faisons pas une image mythique, l'homme d'aujourd'hui est multiple. Il est très différent en Amérique latine, en Afrique ou en Asie. Et même parmi nous, il y a des groupes sociaux ayant des visions du monde différentes. Mais il est vrai que le christianisme a des difficultés à se faire comprendre dans le monde d'aujourd'hui, particulièrement dans le monde occidental: américain et européen. Au plan intellectuel, le système conceptuel du christianisme est très éloigné du langage et la façon moderne de voir. Pensez simplement au mot «nature»: comme son sens a changé! Nous devons, sans aucun doute, faire notre possible pour traduire ce système conceptuel d'une manière qui révèle la véritable essence du christianisme ".

Comment la décririez-vous?

"Une histoire d'amour entre Dieu et les hommes. Si on comprend cela dans le langage de notre temps, le reste suivra. "

C'est suffisant?

"Il y a également la difficulté d'accepter le christianisme dans la perspective existentielle. Les modedèles de vie actuels sont très différents et, donc, l'engagement intellectuel seul n'est pas suffisant. Il faut offrir des espaces de vie, de communion, de chemin. Ce n'est qu'à travers des expériences concrètes et l'exemple existentiel qu'on peut vérifier l'accessibilité et la réalité du message chrétien".

La tentation de se réfugier dans le rêve d'une société organiquement chrétienne recommence à se répandre. Cela a-t-il un sens?

"Certainement pas. Il s'agissait d'une situation historique particulière avec des lumières et des ombres, comme en témoigne l'histoire de l'Eglise. Aujourd'hui, nous avons tendance à en voir plutôt les ombres, mais il y avait aussi des lumières, comme le révèle la grande culture médiévale. Aujourd'hui, il serait absurde de se refugier dans une situation qui ne peut pas se reproduire.
Nous devons accepter que l'histoire progresse, affrontant la difficulté de croire dans un contexte pluraliste, tout en sachant très bien qu'il existe également de nouvelles possibilités pour une foi libre et adulte. La foi n'est pas simplement le résultat d'une tradition et d'une situation sociale spécifique, mais surtout le résultat d'un libre "oui" du coeur au Christ."

Où est Dieu dans la société contemporaine?

"Il est très marginalisé. Dans la vie politique, il semble presque indécent de parler de Dieu, comme s'il s'agissait d'une attaque contre la liberté de ceux qui n'y croient pas. Le monde politique suit ses propres règles et ses voies, excluant Dieu comme quelque chose qui n'appartient pas à cette terre. C'est la même chose dans le monde du commerce, de l'économie, de la vie privée. Dieu reste en marge. Pour moi, il semble au contraire nécessaire de redécouvrir, et les forces sont là, que même les sphères politiques et économiques ont besoin d'une responsabilité morale, une responsabilité qui vient du cœur de l'homme et, en définitive, a un rapport avec la présence ou l'absence de Dieu. Une société où Dieu est totalement absent, s'auto-détruit. Nous l'avons vu dans les grands régimes totalitaires du siècle dernier. "

Un point crucial est l'éthique sexuelle. L'encyclique Humanae Vitae a créé un fossé entre le magistère et le comportement pratique des fidèles. Le moment est-il venu de la repenser?

"Pour moi, il est clair que nous devons continuer à réfléchir. Déjà dans les premières années de son pontificat, Jean Paul II a offert au problème un nouveau type d'approche anthropologique, personnaliste, en développant une vision très différente de la relation entre le moi et toi, de l'homme et de la femme. Il est vrai que la pilule a déclenché une révolution anthropologique de très grandes dimensions. Elle n'a pas été seulement, comme on pouvait le penser au début, une aide pour les situations difficiles, mais elle a changé la vision de la sexualité, de l'homme et du corps lui-même. La fécondité a été détachée de la sexualité, et ainsi la conception même de la vie humaine a été profondément modifiée. L'acte sexuel a perdu son objet et son but, qui auparavant avait toujours été visible et déterminant, de sorte que tous les types de sexualité sont devenus équivalents. Surtout cette révolution a eu pour conséquence l'équivalence entre l'homosexualité et l'hétérosexualité. C'est pourquoi je dis que Paul VI a indiqué un problème de très grande importance ».

Voilà, l'homosexualité. C'est une question qui concerne l'amour entre deux personnes et pas seulement la sexualité. Que peut faire l'Église pour comprendre ce phénomène?

" Nous disons deux choses. Premièrement, nous avons beaucoup de respect pour ces personnes, qui souffrent et qui veulent trouver un moyen juste de vivre leur vie. D'autre part, créer aujourd'hui la forme juridique d'une sorte de mariage homosexuel, en réalité, n'aide pas ces personnes."

Ainsi, vous jugez négativement le choix fait en Espagne?

"Oui, parce qu'il est destructeur pour la famille et la société. Le droit crée la morale ou une forme de morale, parce que les gens normaux considérent généralement que ce que le droit affirme est moralement acceptable. Et si nous jugeons cette union comme plus ou moins équivalente au mariage, nous avons une société qui ne reconnaît plus ni la spécificité ni le caractère fondamental de la famille, c'est-à-dire l'homme et la femme qui cherchent à assurer la continuité - et non seulement dans un sens biologique - de l'humanité. C'est pourquoi le choix fait en Espagne, ne rend pas vraiment service à ces personnes: puique que là nous détruisons des éléments-clés d'un ordre de droit ».

Eminence, il est arrivé que l'Eglise en disant non à tout, soit allée au devant de défaites. Ne pourrait-on pas au moins envisager un pacte de solidarité entre deux personnes, même homosexuelles, reconnu et protégé par la loi?

"Mais l'institutionnalisation d'une telle entente - que le législateur le veuille ou non - apparaîtrait nécessairement à l'opinion publique comme un autre type de mariage et la relativisation serait inévitable. N'oublions pas par ailleurs que, avec ces choix, vers lesquels penche désormais une Europe - disons le ainsi - en décadence, nous nous séparons de toutes les grandes cultures de l'humanité, qui ont toujours reconnu la véritable signification de la sexualité: c'est-à-dire qu'un homme et une femme sont créés pour être conjointement la garantie de l'avenir de l'humanité. Garantie non seulement physique mais morale. "

Finalement, les divergences de vues dans le domaine éthique reflétent la révolution du sujet en cours dans le monde occidental. La nouvelle subjectivité est une calamité ou un défi pour l'Eglise?

"En soi, la capacité à l'autodétermination peut être une bonne chose. Mais je doute que beaucoup de sujets s'autodéterminent réellement - comme on veut nous le faire croire - et ne vivent pas une certaine uniformité préfabriquée, pensant peut-être se réaliser eux-mêmes. L'homme d'aujourd'hui est manipulé par le marché, par les médias, par la mode. Il est vrai que la sphère du sujet est devenu beaucoup plus importante. Le problème aujourd'hui est que la religion et la morale semblent appartenir uniquement à la sphère du sujet. L'bjectivité se trouverait uniquement dans les sciences alors que le reste serait subjectif. En conséquence, la religion perd de son impact dans la formation de la conscience commune. "

Et alors?

" Le fait que le sujet ait davantage conscience de sa liberté et de sa responsabilité reste une acquisition positive, mais il est temps de reconnaître que la liberté humaine ne peut être vécue que comme une liberté partagée avec les autres. Dans une responsabilité commune. Surtout il faut comprendre que l'homme ne se crée pas lui-même: il est une créature avec ses limites et la capacité de dévier ou de trouver la voie compatible avec sa condition d'homme".

Dans ce scénario typiquement occidental, l'islam fait irruption. Comment le catholicisme y fait-il face?

" D'abord l 'Islam est multiforme, il n'est pas réductible aux seules zones terroristes, ou à celles modérée. Il y a des interprétations différentes: les sunnites, les chiites, et ainsi de suite. Culturellement il y a une grande différence entre l'Indonésie, l'Afrique ou la péninsule arabique et peut-être qu'est en train de se former également un islam avec une spécificité européenne, qui accepte des éléments de notre culture. En tout cas, c'est un défi positif pour nous, la foi ferme des musulmans en Dieu, la conscience que nous sommes tous sous le jugement de Dieu, en même temps qu'un certain patrimoine moral et le respect de certaines règles qui démontrent combien la foi, pour vivre, a besoin d'expressions communes: chose que nous avons un peu perdu.

Et sur le versant critique ?

" Il s'agit aussi de saisir les faiblesses culturelles d'une religion trop liée à un ouvrage considéré comme inspiré oralement, avec tous les dangers que cela comporte. Nous pouvons offrir le concept de liberté religieuse à une religion dans laquelle la théocratie est cruciale, c'est-à-dire l'impossibilité de dissocier le pouvoir de l'État et la religion. Nous pourrions leur montrer qu'un Dieu qui permet plus de liberté à l'homme, offre de nouveaux espaces à l'homme et à son développement culturel. "

La tendance à vouloir exporter par tous les moyens les valeurs occidentales dans le reste du monde, parce qu'elles sont considérés comme meilleures, fait son chemin dans notre pays .

"Nous ne devons pas imposer ni dogmatiser nos idées. Nous devons être conscients de la relativité de beaucoup de nos formes politiques, religieuses, économiques. D'autre part, nous devons laisser aux autres peuples la possibilité de contribuer à la multiplicité du concert de la culture humaine. Nous essayons à convaincre les autres de choses qui nous paraissent essentielles, mais cela doit se passer dans le respect, sans contrainte. "

© Copyright Repubblica, le 19 Novembre 2004

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