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Menace à la liberté

Dans le Times, le grand Rabbin de Grande Bretagne, Lord Sacks, vient à la défense du Pape, sur l'Equality Bill (6/2/2010)

Catherine me signale ce texte du Grand Rabbin des Communautés hébraïques du Commonwealth, paru dans le Times de Londres le 3 février, et reproduit par Teresa sur son site (extraordinaire!).
Il semble se ranger du côté du pape, dans la polémique avec les medias britanniques - je ne dirais pas l'opinion publique, dont je soupçonne qu'elle n'est pas vraiment intéressée... hélas.
En le lisant la première fois, j'ai pensé au chemin que le Saint-Père avait proposé aux juifs de parcourir avec l'Eglise, lors de la visite à la Synagogue, autour du patrimoine commun du Décalogue.
Ce n'est pas vraiment cela.
Le grand Rabbin, qui défend ses propres intérêts, et ménage prudemment la communauté homosexuelle, nous invite surtout à une très originale réflexion sur la notion de liberté, et sur les droits de l'homme qui en découlent. Il explique qu'il y a la conception anglaise, pour qui la liberté est l'espace où l'Etat n'intervient pas, et la conception française, issue du Contrat Social, puis de la Révolution pour qui il faut aller jusqu'à "forcer les hommes à être libres".
"La liberté anglaise, fixe des limites à l'État. La liberté française est imposée par l'Etat. Voilà la différence".
Eh bien, l'Equality Bill en discussion actuellement au parlement britannique, est un indice inquiétant que le modèle français est en train de supplanter l'anglais.

Le Pape a raison à propos de la menace à la liberté
On peut ne pas partager la ligne du Vatican sur l'homosexualité.
Mais l'État bafoue nos droits en tant qu'individus
.

par Jonathan Sacks
3 février 2010
Lord Sacks est le Grand Rabbin de la Congrégations des Unions hébraïques du Commonwealth.
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Il y a des moments où les droits de l'homme deviennent les torts de l'homme. Cela se produit lorsque les droits deviennent plus qu'une défense de la dignité humaine, ce qui est leur sphère propre, et deviennent plutôt une idéologie politique, piétinant sans relâche tout sur leur passage.

C'est ce qui se passe de plus en plus en Grande-Bretagne, et c'est pourquoi la protestation du Pape contre la loi sur l'égalité (Equality Bill), qu'on soit ou non d'accord avec lui, doit être prise au sérieux.

Permettez-moi de dire clairement que je crois que les homosexuels ont des droits qu'il faut défendre. Comme les Juifs, ils ont été une minorité persécutée depuis beaucoup trop longtemps. Eux aussi, comme les Juifs, ont été victimes de l'Holocauste. Ils sont une réalité qui devrait être entendue.

Je crois aussi, que les croyances religieuses n'ont aucun statut privilégié dans une société démocratique. Les religions devraient avoir une influence, pas de puissance. Je ne crois pas que les convictions religieuses de certains devraient être imposées à tous par la force du droit. Dans une société libre, la voix religieuse doit persuader, pas contraindre.

Nous avons tous un intérêt à la liberté, la liberté d'agir différemment des autres. En effet, au cœur des droits de l'homme, il y a une proposition religieuse: que nous sommes tous, sans distinction de couleur, de croyance ou de culture, à l'image de Dieu. Cette vision religieuse a flamboyé dans l'esprit de gens comme John Locke, qui le premier a formulé l'idée de droits, au 17ème siècle.

Elle faisait partie intégrante de la Déclaration d'indépendance américaine: «Nous tenons ces vérités comme évidentes, que tous les hommes sont créés égaux [et] qu'ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables».

John F. Kennedy a fait une déclaration similaire dans son Grand discours inaugural: «Les droits de l'homme ne viennent pas de la générosité de l'État, mais de la main de Dieu».

C'est pourquoi l'utilisation de l'idéologie des droits de l'homme contre la religion risque de saper le fondement même des droits de l'homme. Quand on interdit à un employé chrétien d'un l'aéroport de porter une croix, quand un infirmier est licenciée après un jeu de rôle dans lequel il suggère que les patients prient, quand des agences d'adoption catholiques sont contraintes de fermer parce qu'elles ne permettent l'adoption des enfants par des couples de même sexe et quand une école juive est informée que sa politique religieuse d'admission est raciste, non dans l'intention, mais dans les faits, nous sommes en effet sur un terrain dangereux.

Mon argument n'a rien à voir avec la religion et tout à voir avec la liberté.
L'un des grands défenseurs de la liberté, Friedrich Hayek, a fait une distinction entre les approches française et anglaise de la liberté. L'approche anglaise a été progressive, évolutive, attentive à l'histoire et respectueuse de la tradition. L'approche française a été perfectionniste, philosophique, voire messianique, d'une manière laïque.

Pour les révolutionnaires français, il y a un modèle idéal de société qui peut être réalisé par l'application de la politique à toutes les sphères de la vie. La liberté doit être atteinte par une vaste extension des pouvoirs de l'Etat. Si nécessaire, Jean-Jacques Rousseau dit, il faut "forcer les hommes à être libres».

Les Anglais, par contre (..) savaient que nous devons toujours être sur nos gardes contre ce que John Stuart Mill appelait la tyrannie de la majorité.

Cela a conduit à deux concepions tout à fait différentes des droits de l'homme.
La version anglaise conçoit les droits comme définissant l'espace dans lequel les gouvernements ne peuvent pas intervenir.
Dans le contrat social, au contraire, nous remettons certaines de nos libertés au gouvernement, au nom de la loi, de l'ordre public et de la défense contre les puissances étrangères.

Mais il y a certains droits - comme la vie, la liberté et la poursuite du bonheur - qui sont inaliénables, ce qui signifie que nous ne pouvons pas y renoncer. Ils définissent un espace de liberté en fixant des limites à la puissance de l'Etat.

L'approche française était de voir les droits comme une description idéale de l'humanité que la politique avait pour rôle d'appliquer. La politique est la transformation de la société par la force de loi.
La liberté anglaise, fixe des limites à l'État. La liberté française est imposée par l'Etat. Voilà la différence.

Alexis de Tocqueville, un Français impressionné par la démocratie américaine, a dit qu'en Amérique (et en Angleterre), la religion et la liberté étaient des amis, en France, ils étaient ennemis. Il a écrit cela en 1832, mais ce qu'il dit est toujours vrai aujourd'hui. La religion en Grande-Bretagne fait partie de l'écologie de la liberté car elle soutient les familles, les communautés, les organisations caritatives, les associations bénévoles, la citoyenneté active et le souci du bien commun.
Elle est un contributeur-clé à la société civile, qui est ce qui nous tient ensemble, sans le pouvoir coercitif de la loi. Sans elle, nous dépendrions entièrement de l'État, et quand cela arrive, nous risquons ce que JL Talmon appelle la démocratie totalitaire, qui est ce que devait devenir la France révolutionnaire.

Hayek, écrivant en 1959, avait prophétisé que la tradition française supplanterait la tradition anglaise partout. Dans certaines de ses dispositions, c'est vers cela que l'Equality Bill semble se diriger. Ses intentions sont nobles, mais ce n'est pas la manière britannique.

Quand les chrétiens, les juifs et d'autres estiment que l'idéologie des droits de l'homme menace leurs libertés d'association et leur pratique religieuse, une tension se met en mouvement, qui n'est saine ni pour la société, ni pour la liberté ni pour la Grande-Bretagne.

Plutôt que de regarder les observations du Pape comme une intervention déplacée, nous devrions les utiliser pour lancer un débat honnête sur l'endroit où tracer la ligne de partage entre notre liberté en tant qu'individus et notre liberté en tant que membres de communautés de foi.

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