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Le moralisme contre l'Eglise universelle

Une réflexion du Père Scalese, commentant un très beau billet du Cardinal O'Malley, archevêque de Boston, à propos des obsèques de Ted Kennedy, auxquelles il a assisté. (5/9/2009)

Pour mémoire, le cardinal O'Malley faisait partie des 5 cardinaux américains qui avaient protesté lors de la visite de Barack Obama à l'Université Notre-Dame, le 17 mai dernier (liste sur le site de Daniel Hamiche)

Cet article constitue évidemment un tout, mais il n'en contient pas moins deux parties bien distinctes, chacune avec le ton très personnel de leurs auteurs respectifs, qui sont des réflexions profondes et éclairantes sur le sens du mot catholique: universel.
L'Eglise peut être "avec", elle n'est jamais "contre". C'est le "et-et" cher à Vittorio Messori. C'est surtout l'appel du pape aux évêques de France en septembre dernier à Lourdes: "nul n'est de trop dans l'Eglise".

Il y a donc d'abord, traduit en italien par le Père Scalese, un extrait du blog du Cardinal de Boston, Sean O'Malley, à propos des obsèques de Ted Kennedy.
J'avoue que ces obsèques m'étaient restées en travers de la gorge, et j'en avais un peu parlé dans ces pages (Lu ailleurs), notamment l'utilisation politique incongrue qui avait été faite de la "correspondance" privée entre l'homme public contestable dans son comportement et le Pape.
Mais les propos très beaux du cardinal O'Malley sont un vrai témoignage du rôle unifiant du pasteur, et de l'Eglise, et un appel à la réflexion:
Nous arrêterons la pratique de l'avortement en changeant la loi, et nous réussirons à changer la loi si nous changeons le coeur des hommes. Nous ne changerons pas les coeurs en nous éloignant des hommes au moment où ils en ont besoin et lorsqu'ils font l'expérience de la douleur et de la mort.
(..)
Parfois, même dans l'Église, le zèle peut porter certains à formuler des jugements sévères et à s'attribuer mutuellement les pires intentions. Ces attitudes apportent un dommage irréparable à la communion de l'Église.

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La seconde partie du billet est le commentaire du Père Scalese.
Il nous met en garde contre le "moralisme".
Or l'Eglise est constituée de pécheurs, et si on éliminait tous les pécheurs, il ne resterait plus personne, sauf, peut-être, les pharisiens, ceux qui ont toujours raison... Ceux qui "transforment la morale, qui est une chose sainte, en une arme avec laquelle détruire ses ennemis".

Les pharisiens, j'en fais peut-être (un peu) partie, si l'on considère certains propos de ce blog. J'essaie de les éviter, et de me freiner.
Ils sont évidemment très présents à gauche, avec le moralisme laïc politiquement correct que chacun connaît, et qu'il est inutile de détailler.
Au niveau des catholiques, le moralisme est certes particulièrement visible sur quelques sites catholiques classés à droite.
Mais quand je lis sur certain blog... "papiste" qu'"un catholique niant le changement climatique, contredirait l'Eglise, ... un catholique niant que l'on doive travailler avec l'ONU, contredirait l'Eglise... ", puis, un peu plus loin, "il y a urgence à lire et étudier l'encyclique, ne serait-ce que pour débrediner (ndr: bredin = simplet, cf le film "un idiot à Paris", dialogué par l'inoubliable Michel Audiard... merci pour les bredins, c'est généreux, comme remarque!... j'en suis sans doute) ceux qui veulent faire croire qu'elle condamne l'écologie", je me demande s'il ne s'agit pas là d'une manifestation de ce moralisme, d'autant plus insupportable qu'il est permis de supposer que la lutte contre le changement climatique est quand même une cause moins grave (quoique indissociable, dans l'optique du Saint-Père) et surtout plus contestable que la défense de la vie humaine dont parle de façon si émouvante l'archevêque de Boston, et si raisonnable le Père Scalese.
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vendredi 4 septembre 2009
Les mille faces du moralisme
Père Scalese (http://querculanus.blogspot.com/... )
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L'autre jour, le Cardinal Seán P.O'Malley O.F.M.Cap. (ordre des frères mineurs capucins, ndt), Archevêque de Boston, a publié sur son blog (Cardinal Seán's Blog) un billet sur l'enterrement du Sénateur Edward Kennedy, qui s'est déroulé le samedi 29 août dans la basilique de Notre-Dame du Perpétuel Secours des Rédemptoristes à Boston, enterrement auquel Son Éminence a assisté (la Messe a été célébrée par le Recteur du Boston College, le Père jésuite Donald Monan, et l'homelie a été prononcée par le Curé de Notre-Dame des Victoires à Centerville, Don Mark Hession). Certains se sont plaints de la présence de l'Archevêque à l'enterrement, puisque le Sénateur Kennedy, durant sa vie n'avait pas soutenu l'enseignement de l'Église en matière d'avortement.

Avec son post, le Cardinal O'Malley entend répondre aux critiques qui lui ont été adressées. Comme il me semble que ce texte est très important pour une compréhension correcte de ce que signifie être catholique, j'ai cru opportun d'en traduire les passages les plus significatifs.

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Etant donnée la profonde influence de la doctrine sociale de l'Église sur de nombreux programmes et initiatives politiques du Sénateur Kennedy et les millions de personnes qui en ont bénéficié, son manque de soutien aux droits de qui n'est pas encore né apparaît tragiquement comme une occasion perdue. Pour moi et pour beaucoup de catholiques, cela a été une grande déception, parce que, s'il avait placé le thème de la vie au centre de l'Évangile social auquel il appartient, il aurait pu multiplier le travail immensément précieux qu'il a accompli.

Les milliers de personnes qui ont fait aile au passage du cortège funèbre de Cape Cod à Boston et les foules qui ont défilé dans la Kennedy Library durant les deux jours d'exposition du corps, étaient là, je crois, pour rendre hommage à ces nombreuses réalisations plutôt que pour soutenir le vote du Sénateur sur l'avortement.

Les foules étaient là aussi pour rendre hommage à la famille Kennedy toute entière. Dans le scénario politique national, si Barack Obama a ouvert les portes de la présidence aux Afro-américains, John Kennedy les a ouvertes aux catholiques américains. [...]

Certains ont protesté, parfois bruyamment, parce que l'Église a accordé les obsèques religieuses au Sénateur. De la façon la plus ferme, je m'oppose à une telle position. À l'enterrement du Sénateur, samedi soir, avec la permission de sa famille, nous avons eu connaissance des détails de sa récente correspondance personnelle avec le Pape Benoît XVI. Cela a été très émouvant d'entendre le Sénateur reconnaître ne pas avoir toujours été un catholique fidèle, et sa demande de prières dans l'instant où il sentait s'approcher la fin de la vie. L'expression de gratitude du Saint Père pour la promesse de prières, de la part du Sénateur, pour l'Église, la confiance du Sénateur et de sa famille en l'intercession de la Sainte Vierge, et sa Bénédiction Apostolique, sont un témoignage du rôle de Sa Sainteté comme Vicaire du Christ Bon Pasteur, qui ne laisse derrière lui aucune de ses brebis.

Comme Archevêque de Boston, j'ai considéré opportun de représenter l'Église à cette liturgie par respect envers le Sénateur, sa famille, ceux qui ont participé à la Messe et tous ceux qui ont prié pour le Sénateur et sa famille dans un instant si difficile. Nous sommes des hommes de foi et croyons dans un Dieu qui aime et pardonne, dont nous attendons miséricorde.

Défendre la dignité de la vie est au centre de ma mission de prêtre et d'évêque.
Une des plus grandes satisfactions dans mon ministère à ce jour a été d'avoir contribuer à renverser les lois sur l'avortement au Honduras. La personne qui répondit à ma demande d'aide dans cet effort fut le Docteur Bernard Nathanson, qui avait été un dirigeant de premier plan (..) du mouvement pour le droit à l'avortement. Sa conversion conduisit le Docteur Nathanson de la pratique de procurer des avortements à devenir un des principaux représentants du mouvement pour la vie.

Helen Alvaré, qui est parmi les plus éminentes juristes, ex-directeur du Bureau épiscopal pour la vie et consultante du Comité de la Conférence episcopale pour les activités prolife, a toujours dit que le mouvement pour la vie est mieux caractérisé par ce pour quoi il est en faveur plutôt que ce contre quoi il est. Nous sommes pour le don précieux de la vie, et notre devoir est de construire la civilisation de l'amour. Nous devons montrer à ceux qui ne partagent pas nos convictions sur la vie que nous nous intéressons à eux. Nous arrêterons la pratique de l'avortement en changeant la loi, et nous réussirons à changer la loi si nous changeons le coeur des hommes. Nous ne changerons pas les coeurs en nous éloignant des hommes au moment où ils en ont besoin et lorsqu'ils font l'expérience de la douleur et de la mort.

Parfois, même dans l'Église, le zèle peut porter certains à formuler des jugements sévères et à s'attribuer mutuellement les pires intentions. Ces attitudes apportent un dommage irréparable à la communion de l'Église. Si une cause est motivée par le jugement, la rage ou la hargne, elle sera destiné à être écartée et à échouer. Les mots que Jésus nous adressent sont que nous devons nous aimer les uns les autres comme il nous aime. Jésus nous aime quand nous sommes encore dans le péché. Il aime chacun de nous d'emblée, et il nous aime jusqu'à la fin. Notre capacité de changer le coeur des hommes et les aider à cueillir la dignité de chaque vie, de l'instant de sa conception à l'instant de sa mort naturelle, est directement liée à notre capacité d'augmenter l'amour et l'unité dans l'Église, dès l'instant que la proclamation de la Vérité est entravée lorsque nous sommes divisés et combattons les uns contre les autres.
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Il me semble que le Cardinal O'Malley cueille en plein le noyau de la question : que signifie être catholique ? J'ai l'impression que beaucoup aujourd'hui dans l'Église, au delà et en deçà de l'Atlantique (et peut-être dans le reste du monde), ont oublié quelle est la vraie nature de l'Église. Le Pape Calixte dirait : l'Église est comme l'arche de Noé, qui contient en elle des animaux purs et impurs (= saints et pécheurs), et mène tous au salut. L'Église n'est pas faite de saints, mais de pécheurs ; elle est la maison de tous; en elle il y a place pour tous. La manie de diviser les hommes en bons et en mauvais n'est pas catholique; son vrai nom est « manichéisme ».

Certains, certes animés des meilleures intentions, ne se rendent pas compte qu'avec leur attitude, ils transforment le christianisme en une idéologie et l'Église en une secte (ou en un parti, ce qui revient au même). Que l'Église ait une doctrine morale, qui lui a été confiée et qu'elle a le devoir de garder et de prêcher, c'est pacifique. Mais cela ne signifie pas que celui qui ne suit pas parfaitement cette doctrine ne fait plus partie de l'Église ; parce que, s'il en était ainsi, il ne resterait personne ; ou, si vous voulez, il resterait les pharisiens, ceux-là qui prétendent être justes, mais sont pires que les pécheurs. Les pharisiens, nous pourrions aussi les appeler « moralistes » : ils transforment la morale, qui est une chose sainte, en une arme avec laquelle détruire ses ennemis.

En Italie, maintenant nous avons suffisamment expérimenté la dangerosité d'une telle attitude (ndt: le Père Scalese est italien... mais en France? Je suis persuadée qu'en Italie, c'est encore mieux que chez nous, car là-bas, l'Eglise est encore un acteur social incontournable) ; mais en Amérique ce n'est pas que les choses aillent mieux. Certes, le moralisme des catholiques américains n'est pas aussi grossier que celui des italiens ; il est au service d'une noble cause (la défense de la vie), mais avec cela il ne cesse pas d'être moralisme. Si, au nom de la défense de la vie, nous devenons ennemis de nos frères - frères qui se trompent, comme nous pouvons nous tromper - nous ne sommes plus chrétiens ; et nous ne défendons plus la vie.

Certes, le catholicisme américain vit un très mauvais moment : d'un côté les catholiques pro choice (pour la plupart démocrates), qui de cette manière se posent contre l'enseignement de l'Église ; de l'autre les catholiques moralistes (pour la plupart républicains) qui, au nom de la vie, se sentent plus en communion avec certain évangéliques qu'avec leurs frères catholiques.
Voilà, il me semble, ce que le Cardinal O'Malley rappelle aux uns et aux autres, avec beaucoup de simplicité, mais avec une extrême clarté, où est l'essence du catholicisme. Nous ferions bien d'y réfléchir nous aussi.

Le poignet blessé Imbroglio italien (2)