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Le Louvre ne vaut pas une messe

Superbe réflexion - non dénuée d'humour - d'un journaliste italien, Camillo Langone, opposant la mode des "expos" à l'art véritable, que l'on peut admirer dans son milieu naturel, c'est-à-dire dans les églises (28/11/2009)

Le Louvre ne vaut pas une messe
Camillo Langone (*)
http://www.tempi.it/cultura/008018-il-louvre-non-vale-una-messa
(me traduction)
Pourquoi enfermer le sacré dans un musée comme un tigre au zoo, quand on peut aussi le vivre dans une église à Urbino?
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- Qu'as-tu fait, dimanche?
- J'ai visité une belle exposition.

Telle est la réponse que j'entends de plus en plus souvent, surtout si j'adresse la question à une femme.
Certes, il n'y a pas que les charmantes donzelles qui visitent les expositions, mais je suis absolument convaincu que la présence masculine est due essentiellement aux maris, fiancés et amis, qui sont plus ou moins traînés là. Il est difficile de dire non à la proposition d'aller voir Picasso et le Titien: on risque de faire figure de rustre. Et si l'exposition est d'un peintre impressionniste, en refusant d'y aller, on passe pour une bête insensible.
Moi, j'aime vivre dangereusement et je déclare ne pas aller voir d'expositions depuis longtemps, en fait depuis que j'ai décidé d'aller à la messe tous les dimanches.
Et alors, direz-vous, les deux activités ne sont pas incompatibles.
Mais j'ai découvert au contraire qu'elles le sont, que l'exposition tue la messe, et si elle ne la tue pas, elle lui cause de grands dommages.

Il est bien connu que la fausse monnaie chasse la bonne, que les imitations se vendent plus que les originaux, que le "made in China" étouffe le "fabriqué en Italie".
Eh bien: les expositions d'art sont des imitations, des substituts, des sous-produits de la beauté véritable, qui est produite et qu'on adore ailleurs.

Mario Botta (ndt: "auteur" de la cathédrale d'Evry, invité chez le Pape avec les "artistes") lui-même, l'architecte milanais connu pour avoir défiguré la Scala en plaçant sur le toit une espèce de parking à plusieurs étages l'a remarqué.
Lui qui a conçu pas mal de musées, dans son livre Dove abitano le emozioni (Où habitent les émotions) semble s'être repenti: "Une société forte n'aurait pas besoin de musées pour signaler ses propres valeurs."
Comme nous sommes une société faible, il n'y a aucun doute là-dessus, chaque chef-lieu de province rêve de son mini-Guggenheim, dont la fonction est inconsciemment religieuse.
C'est encore Botta qui le dit les musées sont "des espaces pour la quête de spiritualité, où le bénéficiaire (fruitore) va chercher des valeurs et un sens à son être."
Déjà, le mot "fruitore" devrait mettre la puce à l'oreille. Il est très similaire à client, consommateur. Comme si l'Esprit pouvait se vendre dans ce qu'on nomme les bookstore (dans les musée, en effet), entre les catalogues, les t-shirts avec des reproductions des tableaux et des "bracelets artistiques de bonheur" (cela existe vraiment, il y en a parmi les articles vendus à la Tate Gallery à Londres).

L'inflation des "Untitled"

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Bien que parmi les prêtres italiens, il ne manque pas de sujets bizarres, aucun d'eux n'a pensé à appeler clients les participants à la messe. Parce que le catholique pratiquant n'est pas un spectateur passif comme l'amateur d'expositions (ndt: mostrista, en italien "exposition" se dit "mostra") pratiquant: à l'église, on peut chanter, on peut lire la Bible depuis le petit pupitre à côté de l'autel, on peut collecter les offrandes, on peut allumer les bougies et les cierges, on peut même jouer de l'orgue, pour autant qu'on en soit capable. Aux expositions, au contraire, on peut regarder, mais pas toucher. A la messe, on peut même manger (l'hostie consacrée, après la confession), bref tous les sens sont impliqués, jusqu'à l'odorat, avec l'encens, et le toucher, avec le signe de paix.
Et que dire des valeurs et des sens?
Dans les expositions, les valeurs sont principalement des valeurs de marché et le manque de sens en arrive à être ostentatoire: il suffit de penser à la liste interminable d'œuvres dites "Untitled". Sans titre, vide de sens. Je n'ai jamais compris comment les artistes peuvent prétendre avoir un rôle s'ils ne sont même pas capables de donner un nom à ce qu'ils font.

L'art contemporain est par statut iconoclaste, nihiliste, et donc aller le regarder appauvrit l'âme.
Maurizio Cattelan est peut-être le plus grand artiste italien vivant, c'est certainement un génie, mais du mal: quelqu'un qui regarde son pape touché par une météorite, ses marionnettes d'enfants suspendus aux arbres, pense qu'il n'y a pas d'avenir, il lui vient l'envie de se suicider.
L'art ancien, en revanche, est presque toujours sacré, et quand il est dans un musée, cela veut dire qu'il a été volé ou sinon extrait de son environnement naturel.
Les demoiselles délicates, cultivées, qui vont aux expositions, sont en fait complices de crimes innombrables, à commencer par ceux de Napoléon, célèbre saccageur d'églises et de couvents.

Piero della Francesca n'a pas peint sa Conversation Sacrée, pour être photographiée avec un téléphone mobile à Brera ( la pinacothèque de la Brera, à Milan, appelée aussi "Louvre italien") mais pour être un objet de dévotion dans une église à Urbino.

Passons à Raphaël: quel sens a sa Madone Sixtine (Madonna Sistina) dans une pinacothèque à Dresde?
Pour une âme sensible, cela devrait inspirer la même peine qu'un tigre de Sibérie contraint de languir dans une cage d'un zoo.
Pourquoi se limiter à regarder le sacré, en plus quand il est avili par un environnement absurde, quand on peut le vivre dans son lieu d'origine?
Joseph Ratzinger, l'a bien expliqué dans un livre en 2000, "ce qui dans les musées peut n'être que témoignage du passé, admiré avec nostalgie, dans la liturgie continue à être présent et vivant."



La plus grande expérience de beauté de ma vie, je l'ai vécue à Sant'Antimo, dans l'abbaye romane, au milieu des vignes et des oliviers de Montalcino, durant la messe bondée dudimanche, avec le chœur grégorien des moines vêtus de blanc, l'encens qui remplit la nef, les chandeliers vibrants de petites flammes, et les fidèles qui se jettent à terre au moment de la consécration.
Je ne l'échangerais pas pour tout le Louvre.

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Note

Camillo Langone (Parme, 1962) est un écrivain et journaliste Italien.

Vit à Parme. Il écrit sur le vin et la Gastronomie dans Panorama et sur la littérature dans Il Giornale;
Dans Il Foglio, il tient la chronique gastronomique et une autre, dédiée à la critique de la messe célébrée dans les églises italiennes.
Toujours sur Il Foglio il écrit chaque jour une "prière quotidienne", c'est à dire un court commentaire critique sur des sujets de politique, de culture ou de morale, présenté sous la forme d'une prière à la Vierge Marie ou à un saint. Il a inventé la figure de critique liturgique, c'est à dire de "recenseur" des messes.
Il est l'auteur d'un Guida alle messe, (Mondadori, 2009)

L'expérience du Père Scalese en Asie Rupert de Deutz