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Espérer, c'est voler

Benoît XVI nous parle de Bonaventure. Traduction de son magnifique discours du 6 septembre à Bagnoregio (11/9/2009)

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Un lecteur, prêtre, le Père Bernard-Marie C, me demande ce matin si j'ai traduit le discours de Bagnoregio.
Non, je ne l'avais pas traduit, et lu seulement à travers des résumés.
Il semble d'ailleurs, sauf erreur de ma part, qu'il n'avait pour l'instant pas été traduit en français (?)

Je me suis donc hâtée de le faire.
Inutile d'ajouter des superlatifs, ou des commentaires (et je n'en ai pas le temps).
Il suffit de lire.
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Les homélies et discours du voyage à Viterbe sont ici: http://www.vatican.va/...viterbo-bagnoregio_fr.htm (pour le moment pas tous traduits)
Le discours de bienvenue de l'évêque de Viterbe est ici: Le salut au Pape de l'évêque de Viterbe


Chers frères et soeurs !

La célébration eucharistique solennelle de ce matin à Viterbe a ouvert ma visite pastorale à votre Communauté diocésaine, et notre rencontre ici à Bagnoregio, la conclut pratiquement. Je vous salue tous avec affection : Autorités religieuses, civiles et militaires, prêtres, religieux et religieuses, opérateurs pastoraux, jeunes et familles, et je vous remercie pour la cordialité avec laquelle vous m'avez accueilli. Je renouvelle mes remerciements en premier lieu à votre Évêque pour ses mots affectueux qui ont rappelé mon lien avec Saint Bonaventure. Et je salue avec déférence le Maire de Bagnoregio, reconnaissant pour l'aimable bienvenue qu'il m'a adressée au nom de toute la Ville.

Giovanni Fidanza, qui devint ensuite Frère Bonaventure, unit son nom à celui de Bagnoregio dans la célèbre présentation qu'il fait de lui-même dans la Divine Comédie. En disant : « "Io son la vita di Bonaventura da Bagnoregio, che ne' grandi offici sempre pospuosi la sinistra cura" » [ndt: Je suis l’âme de Bonaventure de Bagnoregio, qui, dans les grands offices, postposait toujours le soin gauche - càd mit toujours le soin des choses temporelles après celui des choses spirituelles: source]. (Dante, Paradis XII, 127-129), il souligne combien, dans les tâches importantes qu'il dut accomplir dans l'Église, il plaça toujours le soin des réalités temporelles (« la sinistra cura ») après le bien spirituel des âmes. Ici, à Bagnoregio, il a passé son enfance et son adolescence ; il suivit ensuite saint François envers qui il nourrissait une gratitude spéciale parce que, comme il l'écrivit, lorsqu'il était enfant, il « l'avait arraché de la gueule de la mort» (Legenda Maior, Prologus, 3.3) et il lui avait prédit une « Bonne chance » (ndt: Buona Ventura), comme vient de le rappeler votre maire. Avec le Poverello d'Assise il sut établir un lien profond et durable, tirant de lui inspiration ascétique et génie ecclésial. De votre illustre concitoyen, vous gardez jalousement l'insigne relique du « Saint Bras », vous maintenez la mémoire vivante et approfondissez la doctrine, spécialement à travers Centre d'Études Bonaventuriens fondé par Bonaventura Tecchi, qui chaque année promeut des séminaires d'études à lui dédiés.

Il n'est pas facile de synthétiser la vaste doctrine philosophique, théologique et mystique que nous a laissée Saint Bonaventure. En cette Année Sacerdotale, je voudrais inviter spécialement les prêtres à se mettre à l'école de ce grand Docteur de l'Église pour en approfondir l'enseignement de sagesse enracinée dans le Christ. Vers la sagesse, qui s'épanouit en sainteté, il oriente chaque étape de sa spéculation et de sa tension mystique, passant par des degrés allant de ce qu'il appelle « sagesse uniforme » concernant les principes fondamentaux de la connaissance, à la « sagesse multiforme », qui consiste dans le mystérieux langage de la Bible, et ensuite à la « sagesse omniforme », qui reconnaît dans chaque réalité créée le reflet du Créateur, jusqu'à la « sagesse informe », c'est-à-dire l'expérience de l'intime contact mystique avec Dieu, lorsque l'esprit de l'homme effleure en silence le Mystère infini (cf J. Ratzinger, Saint Bonaventure et la théologie de l'histoire). Dans le souvenir de ce profond chercheur et amoureux de la sagesse, je voudrais en outre exprimer encouragement et estime pour le service que, dans la Communauté ecclesiale, les théologiens sont appelés à rendre à cette foi qui cherche l'intellect, cette foi qui est « amie de l'intelligence » et qui devient vie nouvelle selon le projet de Dieu.

Du riche patrimoine doctrinal et mystique de Saint Bonaventure, je me limite ce soir à tirer quelque « piste » de réflexion, qui pourrait s'avérer utile pour le chemin pastoral de votre Communauté diocésaine. Il fut, en premier lieu, un infatigable chercheur de Dieu depuis ses études à Paris, et continua à l'être jusqu'à sa mort. Dans ses écrits il indique l'itinéraire à parcourir. « Puisque Dieu est en haut - écrit-il - il est nécessaire que l'esprit s'élève vers Lui avec toutes les forces » (De reductione artium à theologiam, n. 25). Il trace ainsi une parcours de foi exigeant, dans lequel « la lecture sans l'onction, la spéculation sans la dévotion, la recherche sans l'admiration, la considération sans l'exultation, l'industrie sans la pitié, la science sans la charité, l'intelligence sans l'humilité, l'étudie sans la grâce divine, le miroir sans la sagesse divinement inspirée » ne suffisent pas (Itinerarium mentis en Deum, prol. 4). Ce chemin de purification implique toute la personne pour arriver, à travers le Christ, à l'amour transformant de la Trinité. Et étant donné que le Christ, depuis toujours Dieu et pour toujours homme, accomplit dans les fidèles une création nouvelle avec sa grâce, l'exploration de la présence divine devient contemplation de Lui dans l'âme « où Il habite avec les dons de son irrésistible amour » (ibid. IV, 4), pour être à la fin transporté en Lui. La foi est par conséquent perfectionnement de nos capacités cognitives et participation à la connaissance que Dieu a de lui-même et du monde ; l'espérance, nous la ressentons comme préparation à la rencontre avec le Seigneur, qui marquera le plein accomplissement de cette amitié qui dès maintenant nous lie à Lui. Et la charité nous introduit dans la vie divine, en nous faisant considérer tous les hommes comme des frères, selon la volonté du Père céleste commun.

En plus d'être chercheur de Dieu, saint Bonaventure fut un chantre séraphique de la création, qu'à la suite de Saint François, il apprit « à louer Dieu en toutes et au moyen de toutes les créatures », dans lesquelles « resplendissent l'omnipotence, la sagesse et la bonté du Créateur » (ibid. I, 10). Saint Bonaventure présente du monde, don de l'amour de Dieu aux hommes, une vision positive : il reconnaît dans le monde le reflet de la suprême Bonté et Beauté que, dans le sillage de Saint Augustin et de Saint François, il affirme être Dieu même. Tout nous a été donné par Dieu. De Lui, comme de la source originelle, jaillit le vrai, le bien et beau. Vers Dieu, comme à travers les degrés d'une échelle, on monte jusqu'à atteindre et presque saisir le Suprême Bien et en Lui trouver notre bonheur et notre paix. Comme il serait utile qu'aujourd'hui aussi, on redécouvre la beauté et la valeur de la création à la lumière de la bonté et de la beauté divines ! Dans le Christ, l'univers même, observe Bonaventure, peut redevenir la voix qui parle de Dieu et il nous pousse à en explorer la présence ; il nous exhorte à l'honorer et à le glorifier dans toutes les choses (cfr ibid. I, 15). On perçoit ici l'esprit de Saint François, dont notre Saint partage l'amour pour toutes créatures.

Saint Bonaventure fut messager d'espérance. Une belle image de l'espérance nous la trouvons dans un de ses sermons d'Avent, où il compare le mouvement de l'espérance au vol de l'oiseau, qui étale ses ailes le plus largement possible, et pour les mouvoir emploie toutes ses forces. Dans un certain sens, il rend mouvement tout son être, pour aller en haut et voler. Espérer, c'est voler, dit Saint Bonaventure. Mais l'espérance exige que tous nos membres se fassent mouvement et se projettent vers la vraie hauteur de notre être, vers les promesses de Dieu. Qui espère - affirme t'il - « doit lever la tête, tournant ses pensées vers le haut, vers la hauteur de notre existence, c'est-à-dire vers Dieu » (Sermo XVI, Dominica I Adv., Oeuvre omnia, IX, 40a).

Monsieur le Maire dans son discours a posé la question : « Que sera Bagnoregio demain ? ». En vérité nous nous interrogeons tous sur notre avenir et celui du monde et cette interrogation a beaucoup à voir avec l'espérance, dont chaque coeur humain a soif. Dans l'Encyclique Spe Salvi j'ai observé qu'il ne suffit pas cependant d'une espérance quelconque pour affronter et surmonter les difficultés du présent ; une « espérance fiable » est indispensable, qui, en nous donnant la certitude d'arriver à un but « grand », justifie « la fatigue du chemin » (cf n.1). Seule cette « grande espérance-certitude » assure que malgré les échecs de la vie personnelle et les contradictions de l'histoire dans son ensemble, le « pouvoir indestructible de l'Amour » nous garde toujours. Lorsque nous somme soutenus par cette espérance, nous ne risquons jamais de perdre le courage de contribuer, comme l'ont fait les saints, au salut de l'humanité, ouvrant nous-mêmes et le monde à l'entrée de Dieu : de la vérité, de l'amour, de la lumière (cf n. 35).
Que Saint Bonaventure nous aide « à déployer les ailes » de l'espérance qui nous pousse à être, comme lui, incessants chercheurs de Dieu, chantres de la beauté de la création et témoins de cet Amour et de cette Beauté qui « anime tout » (tutto muove)

Merci, chers amis, encore une fois pour votre accueil. Tandis que je vous assure un souvenir dans la prière, je vous impartis, par l'intercession de Saint Bonaventure et spécialement de Marie, Vierge fidèle et Étoile de l'espérance, une Bénédiction Apostolique spéciale, que j'étends volontiers à tous les habitants de cette Terre belle et riche de saints.

© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana
(Ma traduction)
http://www.vatican.va/

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